Entretien avec Daniel Coppens, président du directoire de Volkswagen France : "Un énorme travail de sensibilisation auprès de nos partenaires distributeurs"
...son réseau en s'associant à des professionnels du secteur. Daniel Coppens, président du directoire de Volkswagen France, nous explique les tenants et aboutissants de la démarche.
Journal de l'Automobile. Après avoir développé le concept Charteco en France pour le recyclage des PHU, vous vous attelez aujourd'hui à la filière des véhicules hors d'usage. Pourquoi ?
Daniel Coppens. Le groupe Volkswagen a toujours pris le sujet de l'environnement à cœur. Cela fait en effet des années que le groupe lance des programmes en la matière. Nous ne pouvons pas laisser la situation se dégrader comme ça. Nous devons donc effectuer un certain travail de sensibilisation auprès de nos partenaires distributeurs. Et je pense que pour cela, nous devons montrer l'exemple.
JA. C'est un sujet dans lequel vous vous êtes personnellement investi. Pourquoi ?
DC. Je pars du principe qu'il faut savoir de quoi on parle. Je me suis donc effectivement rendu chez les broyeurs pour découvrir leur métier. C'est finalement une profession dont je ne connaissais pas la véritable teneur et qui pâtit d'un déficit d'image flagrant. De plus, c'est une profession en pleine mutation.
JA. Qu'avez-vous appris en les rencontrant ?
DC. L'un deux m'a fait part d'un constat qui témoigne de la qualité et de la valeur des véhicules de notre groupe. Celui-ci a en effet constaté que l'âge moyen des VHU arrivant chez lui était souvent compris entre 10 et 12 ans. Ceux de notre groupe ont plutôt entre 18 et 20 ans. Je trouve ça réjouissant. Même si, pour tout dire, ce n'est pas le genre d'information que je vais chercher chez les broyeurs. Ce que j'y vois, en effet, est très encourageant pour cette filière. Les acteurs sont en train véritablement de se structurer. Je pense que peu à peu, les "ferrailleurs" d'antan disparaîtront au profit de ce que j'appelle des "recycleurs", nettement plus enclin au respect de tous. Il y a cinq ans, personne ne s'intéressait à eux. Aujourd'hui, tout le monde sonne à leur porte. C'est une profession qui devient plus noble.
JA. Concrètement, qu'avez-vous mis en place ?
DC. Rappelons que depuis le 1er janvier, les constructeurs sont tenus de suivre le bon fonctionnement de la filière. Et si, de notre côté, nous avons toujours été actifs en ce sens, nous avons tout de même souhaité formaliser nos accords. Nous avons donc aujourd'hui signé des partenariats avec 40 démolisseurs et trois broyeurs. En l'occurrence CFF Recycling, le groupe Bartin Recycling et Brion. D'ici quelques semaines, nous aurons même cinq à six broyeurs partenaires.
JA. Vous n'avez donc pas décidé d'éliminer un maillon de la chaîne ?
DC. Non. Parce que nous concevons justement cette filière comme une chaîne. Le réseau récupère le véhicule, le transmet au démolisseur. Lequel récupère les pièces nécessaires à son business. Et ensuite, il reste encore beaucoup de choses à traiter. C'est là que le broyeur intervient. Ce sont des métiers complémentaires. Il n'est pas question de les adosser l'un à l'autre. Jusqu'à aujourd'hui, ils ne parlaient pas beaucoup entre eux. Notre accord les force à communiquer entre eux.
JA. Quels sont les engagements de vos partenaires ?
DC. Ils vont tout simplement récupérer les véhicules hors d'usage issus de notre réseau. Mais c'est aussi un pari pour eux. Car dans le contrat, ils s'engagent à ne pas nous réclamer d'argent si la filière devient déficitaire*. Aujourd'hui, ce n'est d'ailleurs pas le cas. La filière est tout à fait rentable.
JA. Quels sont les objectifs ?
DC. La motivation est de pouvoir donner à notre réseau une liste complète de partenaires démolisseurs et broyeurs avec qui nous avons des engagements pour être dans le respect de la loi. Quant à nous, il est important de pouvoir témoigner du suivi des VHU. Or, jusqu'ici, en la matière, la traçabilité n'était pas au rendez-vous. Les démolisseurs faisaient remonter quelques listings à l'Ademe, mais pas les broyeurs. Et puis dans cette filière, on parle de matière, de tonnage et pas de véhicule. D'où l'intérêt pour nous d'engager les différents intervenants à nous remonter les informations. Au fond, avec cet accord, nos partenaires s'engagent à travailler différemment. Quant à nous, nous dégageons également un gain immatériel. Cela contribue en effet à mettre en exergue les efforts du groupe pour l'environnement. En termes d'image, c'est intéressant également.
JA. Quels sont les critères avec lesquels vous avez sélectionné broyeurs et démolisseurs ?
DC. Même si nous avons négocié en premier lieu avec de grands broyeurs, ce n'est pas pour des questions de taille que nous avons fait notre choix. Pour nous, il y avait deux points essentiels. D'abord, les installations devaient respecter le cahier des charges législatif et donc avoir obtenu l'agrément. Pour lequel, je le rappelle, près d'une cinquantaine de critères sont à respecter. Nous n'envisageons pas de travailler avec des gens qui ne jouent pas le jeu. Et puis, pour nous, il était ensuite important d'avoir une capillarité suffisamment importante pour satisfaire les besoins de tout notre réseau. Nous avons donc des petits et des grands partenaires, mais tous respectent la loi.
JA. Y a t-il une incitation financière pour le réseau ?
DC. Nous avons rapproché cette opération VHU de notre concept Charteco, mais nous avons souhaité clairement différencier les deux démarches. Donc nos distributeurs qui suivent nos recommandations en se référant à cette liste ne bénéficient d'aucun avantage particulier au niveau de Charteco. Mais au fond, nous leur simplifions la vie. Et, pour eux, cela est financièrement indolore.
JA. Vis-à-vis du public, comment se traduit cet effort de sensibilisation ?
DC. Nous n'avons pas mis en place de campagne publicitaire particulière. Pas en direction du grand public en tous les cas. En revanche, nous avons tout de même mis en place des opérations commerciales sur certains véhicules des marques Volkswagen et Seat pour inciter les clients à porter les VHU dans notre réseau.
JA. Qui supporte le coût de cette sensibilisation ?
DC. Le groupe Volkswagen prend la totalité de cette démarche commerciale à sa charge. Nous ne pouvions en effet demander au réseau de contribuer à cela alors que celui-ci s'est déjà considérablement engagé dans le tri des déchets, via notre concept Charteco. Le réseau n'a donc aucune raison de ne pas adhérer à cette liste que nous lui fournissons.
JA. Quel investissement a été nécessaire pour mettre au point ces accords ?
DC. C'est ici un point étonnant. Avec très peu d'investissement, nous gagnons énormément. Parce qu'en réalité, les sommes déboursées sont tout à fait minimes. Quelques connexions informatiques à établir, voilà tout. En revanche, au sujet des retours, c'est très bon pour nous parce que nous sommes aussi les premiers à engager cette démarche.
JA. Justement, les constructeurs automobiles sont-ils à la traîne ?
DC. A terme, je pense que les autres constructeurs, et notamment les Français, vont suivre. La loi va les inciter à faire quelque chose. A fin avril, nous sommes en effet obligés de rendre compte à l'Ademe des actions concrètes que nous menons pour recycler les VHU.
JA. Mais il n'y a pas de sanctions prévues en cas de non-respect…
DC. En effet. Et cela dénote du puissant pouvoir que peuvent exercer les constructeurs français sur leur marché domestique. Mais malgré cela, je reste confiant quant à leur implication. Si nous sommes aussi avancés aujourd'hui, c'est aussi parce que le groupe Volkswagen a adopté une attitude européenne. Même face à l'adaptation française de cette législation. Notre politique est donc la même en Allemagne qu'en France. Pour les constructeurs locaux, la problématique n'est donc pas la même.
Propos recueillis
par David Paques
* La loi prévoit que si les constructeurs n'arrivent pas à assurer la pérennité de la filière de traitement, seuls les broyeurs seront en droit de réclamer une compensation financière aux constructeurs.
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