"En Chine, il va s’agir de ne pas passer à côté du ou des Hyundai du 21e siècle"
JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. L’environnement et le marché chinois constituent-ils aujourd’hui les axes prioritaires de votre stratégie ?
Jacques Aschenbroich. Disons que ces deux axes font partie des priorités de notre stratégie de développement, au même titre que l’innovation, l’amélioration de la rentabilité et la croissance sur l’ensemble des marchés. Il est vrai que la réduction de la consommation et des émissions des véhicules peut apparaître comme une “tarte à la crème” désormais, mais il s’agit pourtant du sujet clé pour notre industrie. En effet, à mes yeux, c’est uniquement par ce biais que l’automobile pourra être acceptée et reconnue à l’avenir. Par ailleurs, dans un autre registre, la Chine représente 8 % de notre chiffre d’affaires consolidé, et la zone Asie 20 % dans son ensemble. C’est déjà significatif, mais cela ne suffit pas. Nous avons donc des objectifs de croissance importants dans cette zone (N.D.L.R. : voir graphique).
JA. Le véhicule électrique est une nouvelle fois la vedette à l’occasion du Challenge Bibendum : quelle est votre estimation de son potentiel commercial sur le marché à l’horizon 2020 ?
JA. Honnêtement, pour le véhicule électrique en tant que tel, je n’en sais rien… En revanche, nous estimons que les ventes de véhicules hybrides et électriques représenteront 20 % des ventes à l’horizon que vous évoquez. Par ailleurs, j’insiste toujours sur le fait qu’il ne faut pas oublier les véhicules thermiques qui représenteront 80 % des ventes en 2020 et l’essentiel du parc mondial. Prosaïquement, on ne saurait réduire l’enjeu environnemental aux seuls VE et hybrides.
JA. Par rapport au véhicule connecté, autre pilier du Challenge Bibendum et domaine dans lequel vous proposez d’ores et déjà des solutions très avancées comme le NFC, que pensez-vous d’une éventuelle concurrence entre constructeurs et opérateurs au niveau des plates-formes ?
JA. A mon sens, les plates-formes seront détenues par les constructeurs, je vois difficilement comment il pourrait en être autrement… En revanche, il reste beaucoup de choses en suspens… Le chantier est encore considérable au niveau des standards qui seront adoptés à l’avenir. Il y a donc des incertitudes à l’instant T, mais les choses vont évoluer très vite.
JA. Par rapport au marché chinois, quels sont les principaux leviers de votre stratégie de croissance ?
JA. Nous mettons tout en œuvre pour croître plus vite que le marché, ce que nous parvenons à faire depuis plusieurs trimestres. La croissance passe par nos clients historiques, mais nous sommes aussi naturellement très attentifs aux clients chinois. En effet, quand les constructeurs chinois vont se développer, ils feront encore plus appel à nous, et il s’agit de ne pas passer à côté du ou des Hyundai du 21e siècle. Pour cela, il est nécessaire d’être chinois en Chine, comme Valeo a su le faire aux Etats-Unis ou en Allemagne. Nous allons donc renforcer notre présence en Chine au plan industriel comme au plan du développement à proprement parler. Nous confirmons donc l’objectif de doubler notre chiffre d’affaires en Chine en l’espace de dix ans, d’autant que nous disposons des ressources financières pour cela.
JA. Au-delà des ressources financières, disposez-vous des ressources humaines idoines pour suivre la cadence ?
JA. C’est un point essentiel, effectivement. D’ailleurs, nous avons annoncé un plan de recrutement mondial de 1 500 ingénieurs sur les dix-huit prochains mois. Environ 500 recrutements concernent la France car, pour dissiper tout malentendu, j’insiste sur le fait que notre croissance en Asie ne se fait pas au détriment de l’Europe et que l’Hexagone reste le berceau de notre R&D, même si, comme je le disais à l’instant, il faut aussi implémenter de la R&D et du développement sur les nouveaux marchés. En Chine, comme en Inde d’ailleurs, le recrutement n’est pas problématique dans la mesure où ces pays forment d’ores et déjà des ingénieurs de haut niveau. Les compétences sont là.
JA. Sur le volet industriel, programmez-vous de nombreuses ouvertures d’usines ?
JA. La problématique ne se pose pas véritablement en ces termes. En effet, auparavant, Valeo était très fragmenté en Chine et nous avons procédé à une importante réorganisation, en mettant en place des clusters. Nous n’avons donc pas tant d’usines que cela à créer.
JA. Dans le concert des voix patronales, on vous entend assez peu sur le thème de la compétitivité de la France et sur les comparaisons avec l’Allemagne, quelle est votre position ?
JA. Il ne faut pas se cacher derrière notre petit doigt, nos principaux concurrents sont allemands. Donc, la compétitivité du site France est effectivement essentielle. Actuellement, la situation n’est pas à notre avantage, c’est un fait, notamment sous l’angle du coût du travail. Mais il ne faut pas trop noircir le tableau non plus et nous avons des sites compétitifs en France, l’enjeu clé résidant dans la valeur ajoutée. D’ailleurs, au niveau de la R&D, où l’Allemagne aide beaucoup ses entreprises et où la Chine apporte un soutien protéiforme aux sociétés par exemple, la France dispose aussi d’un atout avec le Crédit Impôt Recherche. C’est un dispositif qu’il faut clairement pérenniser.
JA. Alors que le débat va rebondir sur votre valorisation boursière, quel premier bilan tirez-vous du “nouveau” Valeo que vous avez dessiné ?
JA. Tout d’abord, le débat sur la valorisation boursière du groupe me paraît légitime et il est naturel que des actionnaires s’en préoccupent. Surtout que nos résultats récents sont très encourageants : alors que notre chiffre d’affaires était resté stable entre 2000 et 2008, nous avons ainsi surperformé le marché depuis six trimestres consécutifs. Le premier bilan est donc positif.
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FOCUS
Répartition des ventes 1re monte du groupe dans le monde
(2010 / Prévisions 2015)
Europe & Afrique : 60 % / < 50 %
Amérique du Sud : 8 % / 6 %
Amérique du Nord : 13 % / 15 %
Asie : 19 % / > 30 %
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