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Constructeurs

Effet Logan

Publié le 3 juin 2005

Par Alexandre Guillet
4 min de lecture
Elle arrive, elle est là ! Et avec elle, la question qui brûle les lèvres : Renault et son réseau vont-ils gérer la situation de façon positive ou vont-ils tuer dans l'œuf ce vilain petit canard ? Rien n'étant plus difficile à prévoir que l'avenir, nous allons nous livrer à un exercice...

...périlleux, mais stimulant. En commençant par rappeler que cette voiture prévue pour des marchés extra européens dispose d'un potentiel de clientèle autrement plus élevé en Europe occidentale qu'ailleurs. Il s'agit de consommateurs contraints économiquement, qui s'adressent actuellement au marché de l'occasion parce qu'ils ne trouvent pas de VN répondant à leurs nécessités dans les "premiers prix" des constructeurs. L'attente extraordinaire créée par les informations de presse a fait que Logan a été la vedette (absente !) du dernier Mondial et a conduit un intermédiaire à mettre en vente la voiture avant le constructeur, qui la lancera le mois prochain. "Victime" d'un succès non attendu et peut-être non désiré, Renault saura-t-il gérer la situation de façon positive ?

Plusieurs façons d'échouer

Un échec peut être le fruit d'une politique erronée ou, au contraire, le résultat d'une stratégie adéquate et habile. Le constructeur pourrait organiser sciemment l'échec de Logan en Europe, et notamment en France. Ceci lui permettrait en théorie de protéger le reste de la gamme, dont la rentabilité est nettement supérieure ; et aussi d'éviter au passage que son image soit ternie par ce vilain petit canard. Ce serait une politique à courte vue, mais elle est presque imposée par les faits : le constructeur, ne croyant pas au succès du modèle en France, l'a traité comme un objet marginal, négligeable. Il sera vendu, si nous ne nous trompons pas, par le réseau de la marque Renault. D'où la forte probabilité qu'il soit utilisé comme repoussoir par les vendeurs ("regardez plutôt la dernière Clio, mon brave !") et jamais approché par les clients les plus modestes, qui n'entrent pas dans les cathédrales de peur d'y être humiliés. Bref, à première vue, il suffirait que Renault laisse les choses suivre leur cours pour ne pas être embarrassé d'un succès auquel il n'a pas cru. C'est, si l'on peut dire, une stratégie par omission. Il y a aussi une autre façon d'échouer, complémentaire de la précédente : c'est celle qui consiste à se tromper de cible de clientèle. Comme c'est souvent le cas, il semble que les premiers clients aient un profil plutôt élevé. Si ceci se confirme et s'amplifie, on aurait affaire à un "effet mode" certes intéressant, mais probablement éphémère. Concentrer l'attention sur cette catégorie, c'est tuer le modèle en quelques mois.

Les "vrais" clients et le rôle des intermédiaires

En fait, Renault n'a pas intérêt à ce que Logan soit un échec en France et en Europe. D'abord, parce que l'intérêt exceptionnel que suscite ce modèle dans le public démontre qu'il correspond à une attente forte. Ensuite, parce que le plat que le constructeur refuse sera un jour ou l'autre jugé plus appétissant par un concurrent. On sait ce qu'il faudrait faire pour que le succès soit assuré : étudier d'urgence le potentiel du modèle et discerner parmi les clients VO les caractéristiques de la clientèle Logan de référence ; éloigner Logan de la marque Renault et du réseau Renault, au besoin en utilisant les services d'un réseau médiocre et provisoire, mais badgé Dacia ; enfin, construire un réseau à la hauteur des ambitions légitimes qu'on peut avoir lorsqu'on a mis dans le mille, même involontairement. Les constructeurs n'aiment pas beaucoup les intermédiaires, encore appelés "importateurs parallèles", comme si le parallélisme était un concept géométrique dévoyé. Et si Renault, s'asseyant pour une fois sur une tradition qui brise tout essor, recourait aux services des importateurs/intermédiaires ? Horreur ? Blasphème ? Non : commerce ! Raisonnons : si le constructeur poursuit une politique malthusienne visant ou aboutissant à limiter les volumes de Logan, les voitures arriveront quand même sur le marché par une voie détournée : nous sommes en Europe. Il vaudrait beaucoup mieux transformer en alliés les intermédiaires les plus sérieux que de les voir agir à leur guise et dans la plus grande improvisation. On dira que c'est cautionner une catégorie de commerçants que l'on a toujours combattue dans le passé. Oui. Mais c'était le passé. Et puis, qu'en pensent les clients qui achèteront une Logan demain ?

Ernest Ferrari, Consultant

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