S'abonner
Constructeurs

"DS nous a clairement permis de prendre confiance"

Publié le 5 octobre 2012

Par Alexandre Guillet
9 min de lecture
Philippe Narbeburu, directeur commerce France de Citroën - Face à la crise et aux sévères turbulences traversées par le groupe PSA, Philippe Nurbeburu répond par une approche très opérationnelle, teintée de culture anglo-saxonne. Il revient en notre compagnie sur le renouveau de Citroën et sur un avenir qu’il ne se résout pas à voir sombre, même s’il reconnaît que le business est désormais une lutte de tous les instants.

JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. Avec vos dix ans d’ancienneté au sein de Citroën, comment avez-vous vécu, de l’intérieur, le formidable renouveau de la marque durant cette période ?
Philippe Narbeburu.
Avec un immense enthousiasme ! L’adhésion des équipes au projet s’est révélée sans faille et nous avons vécu à un rythme très intense. Le tempo de notre calendrier de lancements de produits a été incroyablement soutenu ! C3, C4 Picasso, nouvelle C5, nouvelle C4, ligne DS… que des lancements majeurs, parfois même en rupture ou visitant de nouveaux territoires pour la marque. Bref, ces dix ans m’ont paru deux ans ! Comme d’autres, je suis conscient d’avoir vécu un cycle de vie unique de la marque et je ne sais pas si un tel cas de figure se représentera à nouveau au cours de ma carrière. D’ailleurs, on ne peut pas limiter ce dynamisme à une vue de l’intérieur et nous avons aussi pleinement mesuré l’évolution de la perception de la marque à l’extérieur, au niveau du réseau comme du client final.

JA. Dans l’effervescence de ce cycle de renouveau, quels paliers, quelles dates charnières pouvez-vous identifier ?
PN.
Il est difficile de ne pas en citer beaucoup, mais je vais m’efforcer de n’en retenir que deux, particulièrement significatives. D’une part, le lancement de la nouvelle C5 mérite vraiment d’être marqué d’une pierre blanche. En effet, nous avons franchi un cap au niveau du produit en tant que tel comme au niveau de l’image. D’ailleurs, ce changement de perception s’est par la suite traduit par des performances commerciales très significatives sur le marché des flottes. D’autre part, comment ne pas mettre en avant le lancement de la ligne DS. Plus qu’un modèle, un nouveau concept et le lancement très rapproché de trois modèles. En somme, un nouvel univers où nous nous adressons à de nouvelles personnes. Nous tenons un nouveau langage en utilisant d’ailleurs de nouveaux mots. Parallèlement, avec DS, nous nous sommes mis à intéresser aussi de nouveaux distributeurs. Et pour les concessionnaires historiques comme pour les équipes du siège, on peut dire que DS nous a clairement permis de prendre confiance.

JA. Quel regard portez-vous sur l’évolution du marché automobile alors que la crise, voire la récession, est sur toutes les lèvres ?
PN.
Au-delà de la crise en tant que telle, qui a un effet amplificateur, le marché se caractérise par l’affirmation de nouveaux acteurs et la concurrence s’est indéniablement renforcée. On assiste aussi à une multiplication de l’offre et à une prise de parole de plus en plus forte de tous les constructeurs, ce qui se vérifie au niveau de la publicité notamment. En parallèle, la concurrence est aussi de plus en plus rude sur l’enjeu clé de la relation clients. Par ailleurs, la structure des segments a aussi évolué, même s’il faut garder à l’esprit qu’il y a eu le prisme déformant de la prime à la casse. En somme, la France était et reste l’un des marchés les plus concurrentiels au monde. Et c’est aussi le cas à l’échelle européenne. C’est une vraie lutte commerciale de tous les instants. Et nous savons qu’il n’y a pas de répit, pas d’oasis à venir dans un avenir proche. En France, nous savons que nous pouvons nous appuyer sur un réseau performant, ce qui constitue un précieux et véritable gage d’avenir.

JA. Vous parlez des modifications du marché par segments : c’est précisément un fait que l’on peut par exemple attribuer à la ligne DS : le résultat est-il à la hauteur de vos attentes ?
PN.
L’enjeu central consistait à monter en gamme et nous avons réussi car la ligne DS représente 20 % de nos commandes. Prosaïquement, cela se traduit par une hausse du prix moyen de vente de la marque de 2 000 euros. En effet, avec DS3, DS4 et DS5, le prix de vente moyen est de l’ordre de 28 000 euros.

JA. A propos de montée en gamme, le défi que représente la DS5 n’est-il pas beaucoup plus périlleux que celui du lancement de la DS3 ?
PN.
Certes, mais la DS5 a reçu un triple bon accueil : par les clients, le réseau et les médias. En outre, au 1er semestre, les résultats étaient en ligne avec nos objectifs et la DS5 représentait 0,59 % de nos immatriculations. Avec le duo C5/DS5, nous sommes le leader du segment D en France, où la concurrence n’est pourtant pas anodine ! La DS5 est un vrai véhicule de conquête qui peut parfois même nous amener sur le territoire du Premium allemand. D’ailleurs, à ce niveau de prix, les cycles de vente sont plus longs et il est impératif de bien former la force de vente à cette nouvelle approche.

JA. Quelle est la pénétration de la version hybride sur ce modèle ?
PN.
Notre objectif était de 15 % et nous sommes à 20 % de pénétration pour les versions hybrides. C’est satisfaisant car l’enjeu dépasse ce modèle, il s’agit de gagner une forme de nouvelle notoriété via DS5 pour qu’elle rejaillisse sur l’ensemble de la marque.

JA. A propos des nouvelles énergies, le dossier du VE n’est-il pas une source d’inquiétude pour vous, dans la mesure où la C-Zéro est à la peine et où Zoé arrive de surcroît avec le Mondial ?
PN.
Ce n’est pas une source d’inquiétude, non. D’autant qu’il s’agit tout de même d’un marché encore très balbutiant. La technologie est, d’une certaine manière, elle aussi balbutiante. Pour Citroën, l’offre, c’est C-Zéro. Et avec le succès de l’opération que nous avons menée avec Zylok, nous n’avons désormais plus de problème de stock.

JA. Revenons un instant sur la crise : comment vit-on une crise de cette envergure, avec tant d’incertitudes macro-économiques en arrière-plan, en tant que manager ?
PN.
On le vit de la manière la plus opérationnelle possible ! L’obsession, c’est la bonne exécution de la bonne action au bon moment et avec des coûts très maîtrisés bien sûr. On ne philosophe pas ! On s’applique à un intense monitoring de l’activité et des indicateurs de gestion pour la marque comme pour le réseau. En fait, dans ces moments-là, il y a deux solutions, une mauvaise et une bonne : soit on commence à lâcher prise, soit on resserre les liens avec le réseau à tous les niveaux, stock, ancienneté des stocks, tarifs et remises, formations, etc.

JA. Le marché des flottes faisait partie des priorités de la marque : avez-vous tenu vos objectifs en la matière ?
PN.
A l’issue du 1er semestre, nous sommes même au-delà de nos objectifs initiaux, car nous représentons, avec nos concessionnaires, 20 % de ce marché. Vous nous retrouvez un peu en retrait sur le VU, mais les chiffres doivent être relativisés à l’aune de la très belle année 2011 que nous avions réalisée dans ce domaine. En outre, nous avons encore une belle marge de progression sur le segment des PME-TPE.

JA. Certes, mais tout le monde parle beaucoup de ce segment sans vraiment trouver sa clé d’accès ?
PN.
Je pense que Citroën a un atout que tout le monde n’a pas, à savoir qu’au-delà de nos concessionnaires, nous avons aussi un maillage d’agents très dense. C’est donc à nous de redonner aux agents l’envie de vendre du VN. C’est clairement un axe prioritaire de notre stratégie, avec un mouvement permanent vers la performance.

JA. Sur le plan des produits, dans un monde idéal, qu’est-ce que vous ajouteriez à votre gamme ?
PN.
Un concept proche de la Méhari ! Un modèle simple, suscitant l’empathie et la sympathie et en plus doté d’une réelle efficacité. Je crois fermement que cela correspond vraiment à l’air du temps. Au-delà des volumes, je crois beaucoup à la valeur de l’image de marque, à la dimension de l’affect, du supplément d’âme.

JA. Pour conclure de manière très prospective, après dix années passées chez Citroën, comment imaginez-vous la marque et vous-même, en tant que manager, dans dix ans ?
PN.
Question difficile… Et je n’ai pas la prétention de prédire l’avenir à un horizon dix ans ! Je crois que la marque doit continuer à affirmer son identité, ses racines, son réel savoir-faire et son tempérament. Cela passe et passera par le style, des prestations inventives et la création de nouvelles expériences pour les clients. A titre personnel, j’espère que j’aurai toujours la même énergie et la même envie pour trouver des solutions, pour avancer, toujours avancer. De toute manière, l’automobile, c’est comme les enfants et les petits-enfants, cela vous fait toujours avancer et rester jeune !

Propos recueillis par Alexandre Guillet (mi-juillet 2012)

-------------
CURRICULUM VITAE

44 ans, marié, 2 enfants
Avant de rejoindre Citroën, Philippe Narbeburu débute sa carrière dans le secteur de la distribution pétrolière. Il y voit des similitudes “métiers” avec l’automobile, citant l’activité lubrifiants par exemple, mais aussi au niveau de la problématique de la distribution, notamment la structure et la gestion des réseaux. En revanche, il souligne qu’il y a moins d’innovations “produits” que dans l’automobile. A la fin de l’année 2001, il intègre donc les équipes de Citroën où il fait montre d’une grande mobilité géographique, supervisant l’activité des importateurs en Afrique subsaharienne et officiant en Scandinavie et aux Pays-Bas. S’ensuit une longue période (2005-2010) à la tête de Citroën Autriche. Il revient ensuite en France en tant que directeur marketing de la marque. Il fait alors valoir une approche anglo-saxonne du marketing, c’est-à-dire focalisée sur la distribution, avec une forte proximité avec les concessions (prix produits, animation des ventes, activité au-delà du seul VN…). Après le départ de Xavier Chardon chez Volkswagen, il est promu à la tête de la direction commerciale France de Citroën, poste qu’il occupe depuis le 1er novembre 2011.
 

Vous devez activer le javacript et la gestion des cookies pour bénéficier de toutes les fonctionnalités.
Partager :

Sur le même sujet

Laisser un commentaire

cross-circle