Coup de massue pour Opel
...d'Allemagne. La filiale européenne de GM paye pour cinq années de résultats négatifs et pour ses problèmes de surcapacité.
Pour que des salariés allemands en viennent à la grève sauvage, dans un pays qui fait figure de modèle en matière de dialogue social, la situation doit être grave. Elle peut être considérée comme telle au vu de l'ampleur du plan de restructuration décidé en Europe par le groupe General Motors.
Les dirigeants de la maison mère semblent las des médiocres résultats qu'enregistre leur filiale depuis 1999 et ont décidé de frapper un grand coup en annonçant la suppression de 12000 postes sur 63000 en Europe, soit environ 20 % des effectifs. L'Allemagne est concernée au premier chef puisqu'environ 10000 emplois devraient être supprimés au sein de la marque Opel et notamment dans deux de ses usines germaniques, à Rüsselsheim et à Bochum. Le ministre allemand de l'Economie, Wolfgang Clément, est monté au créneau en dénonçant "une consolidation qui vise à remettre de l'ordre dans l'entreprise sans consultation des salariés et qui n'offre dans le même temps aucune perspective d'avenir".
FOCUSLes principaux sites concernés par les suppressions de postes Allemagne : Espagne : Grande-Bretagne : 434 Environ 1 500 autres suppressions de postes n'ont pas été encore clairement identifiées. |
Une bien maigre contrepartie
La rumeur qui, depuis plusieurs semaines, dit que GM pourrait bien fermer après 2006 l'un de ses sites de production européens n'a pas été démentie. "La question de savoir où les véhicules de gamme moyenne seront fabriqués n'a pas été tranchée. Donc, une fermeture d'usine peut encore survenir", a assuré le porte-parole de Saab, Christer Nilsson. La direction de GM ne semble décidée qu'à offrir une maigre contrepartie. Il pourrait s'agir de l'externalisation des 10 000 salariés d'Opel menacés dans une nouvelle société au sein de laquelle ils continueraient à être employés pendant deux ans, mais avec une baisse salariale de l'ordre de 25 à 30 %.
Comment GM en est-il arrivé à prendre la décision de réduire d'un cinquième ses effectifs européens ? Le groupe a invoqué "une faible croissance, une concurrence de plus en plus forte entre les marques européennes et asiatiques, et une tendance à la baisse du prix de vente net des véhicules". La branche européenne de GM a perdu 236 millions de dollars lors du troisième trimestre de cette année contre une perte de 152 millions de dollars sur la même période l'année précédente. Au niveau mondial, l'activité automobile du groupe ne se porte pas bien. Cette dernière a dégagé une perte de 130 millions de dollars au troisième trimestre contre un bénéfice de 34 millions de dollars lors de la même période en 2003.
Un résultat sauvé par la division financière
Si GM est parvenu à un bénéfice de 440 millions de dollars sur ce dernier trimestre, c'est uniquement grâce aux très bonnes performances de sa division financière GMAC. Les mauvais résultats de la branche automobile sont en grande partie la résultante de la guerre farouche que se livrent les constructeurs américains sur le terrain des primes accordées à leurs clients et des prêts à taux zéro. Cette guerre cause des dégâts considérables sur les marges. Cette politique d'agressivité tarifaire a franchi l'Atlantique. Opel commence à proposer, en Europe, des rabais pouvant aller jusqu'à 4 000 euros.
Outre la guerre des prix et les problèmes de surcapacité, sur le Vieux Continent, GM Europe souffre de coûts de production particulièrement élevés. Au sein de l'usine allemande de Rüsselsheim, qui devrait payer le tribut le plus lourd de la restructuration, ces coûts sont supérieurs de 44 % à ceux de l'usine Saab en Suède et de 85 % à ceux de l'usine GM en Pologne. Dans la branche automobile, l'heure de travail en Allemagne coûte en moyenne 33 euros à l'ouest du pays, contre 27 euros dans l'ex-RDA et 8 euros dans les pays de l'Est. Ces coûts de production s'avèrent particulièrement problématiques pour GM alors qu'environ 30 % de la production de la filiale européenne du premier constructeur mondial est réalisée en Allemagne. Ce n'est bien sûr pas un hasard si, sur les 12 000 suppressions de poste, 10 000 vont toucher l'Allemagne. Il ne s'agit pas non plus d'une coïncidence si le site polonais de GM n'est pas concerné par ce plan.
Cyril André
ZoomVers un deuxième Flint ? |
Question à Remi Cornubert
Vice-président de Mercer Management Consulting.
Journal de l'Automobile. Cette décision de GM de restructuration de ses activités européennes était-elle, à vos yeux, inévitable ?
Remi Cornubert. Oui, cela était inévitable car GM se trouve dans une situation difficile en termes de capacité industrielle. GM a des opérations déficitaires en Europe depuis de nombreuses années. L'une des raisons de cela est que sa gamme de produits, ces dernières années, n'a pas très bien marché commercialement. Elle était moins attractive que celle de ses concurrents. Le constructeur a également réagi trop tardivement à des nouveaux créneaux importants du marché, en particulier toute la gamme monospace et sa déclinaison sur tous les segments. Plus globalement, il faut souligner que, dans cette industrie, il y a au minimum 20 % de surcapacité. Peu de constructeurs se sont attaqués à ce problème. Renault a eu le courage de fermer son site belge de Villevorde. Carlos Ghosn a restructuré Nissan dans ce sens. Pour d'autres constructeurs, ce type d'action devenait inéluctable. La question qui se posait à GM était de fermer ou non des sites. Il s'agit d'un arbitrage à faire entre les coûts variables et les coûts fixes. GM a choisi de couper dans les forces vives en espérant éviter de fermer des sites.
JA. Le coût horaire élevé dans l'industrie automobile en Allemagne a-t-il influé sur la décision de GM ?
RC. Je pense que cela a joué dans la décision, mais n'a pas été l'élément déterminant. Même si le coût horaire était moins élevé en Allemagne, il restait pour GM un problème de sureffectif. Dans son cas, une suppression de 12 000 postes signifie qu'il y a un vrai problème de capacité. Le coût de la main-d'œuvre passe un petit peu au second plan même s'il demeure important. Bien que l'Allemagne soit un pays à haut coût de main-d'œuvre, il faut avoir à l'esprit que ce pays représente le grand marché européen ; il s'agit donc d'un débouché naturel pour GM. Les industriels ne vont pas forcément dans un pays à bas coût uniquement pour réduire leurs coûts de production. Ils y vont aussi pour adresser un marché. Quand Renault a racheté Dacia et l'a restructuré, c'était d'abord pour adresser les marchés de l'Europe de l'Est en étant plus près et ensuite de le faire de manière compétitive.
JA. Peut-on s'attendre dans quelque temps à une nouvelle restructuration de GM en Europe ?
RC. Cela va dépendre du redressement ou non des ventes. Dans un contexte de surcapacité, les constructeurs ont pour obsession de faire tourner les usines. Aux Etats-Unis, ils sont entrés dans un cercle vicieux de rabais, très destructeur de valeur, dont ils ne savent pas sortir. Cette démarche commence à être appliquée en Europe. Je pense que cela est extrêmement dangereux car nous risquons de nous retrouver dans une situation identique à celle que connaît aujourd'hui le marché américain. Selon moi, il vaut mieux vendre moins de voitures et préserver son niveau de marge commerciale car c'est très difficile de revenir en arrière ensuite ; l'arme absolue reste néanmoins de concevoir des produits qui sont beaucoup plus séduisants que les autres et qui se vendent avec un premium de prix, ce qui est possible même pour les constructeurs généralistes.
JA. Quand GM supprime des postes et que le groupe Volkswagen engage un vaste plan de réduction des coûts, PSA et Renault recrutent. L'approche stratégique et industrielle des constructeurs français est-elle très différente ?
RC. PSA a eu une approche qui est liée à sa tradition familiale de gestion très rigoureuse et dans la continuité. De plus, le groupe a fait deux bons choix industriels. Il est d'abord passé d'un modèle d'usine dédiée à une marque à des usines dédiées à une plate-forme pour pouvoir bénéficier de davantage de flexibilité sur leur appareil industriel, et donc adapter la production de l'usine à la demande effective. Le second choix judicieux concerne l'organisation interne aux usines. PSA peut utiliser l'appareil de production au maximum en variabilisant les équipes. C'est-à-dire que lorsque la demande est forte, les équipes de production tournent en 3 x 8 et cela 7 jours sur 7 avec recours aux heures supplémentaires. Quand le rythme est moins intense, les équipes repassent en 2 x 8, sans travail le week-end et sans recours à des heures supplémentaires. La voilure est également ajustée par le recours aux intérimaires. Sur le long terme, cette société subit moins les à-coups. Quand le marché va moins bien, il est alors plus facile pour PSA d'ajuster sa production à la baisse et cela ne se fait pas dans la douleur, contrairement à certains autres constructeurs.
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