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Constructeurs

Comment Opel est devenue une pièce maîtresse du groupe Stellantis

Publié le 15 mai 2024

Par Nabil Bourassi
6 min de lecture
La seule marque allemande du groupe dirigé par Carlos Tavares jouit du succès d'une gamme totalement renouvelée. Opel, qui revendique un statut de généraliste premium à l'instar de Peugeot, s'est toutefois montrée plus pragmatique pour ne pas répéter les mêmes erreurs à l'international. Cette stratégie s'est traduite par de remarquables percées dans les pays émergents.
Opel stratégie payante Frontera
Florian Huettl a divulgué le Frontera qui remplacera le Crossland et sera disponible en sept places. ©Le Journal de l'Automobile

Chez Opel, c’est l’euphorie… Dans un contexte morose, la marque allemande rachetée en 2017 par le groupe PSA (depuis devenu Stellantis) enchaîne les bonnes nouvelles. En 2023, Opel a enregistré un bond de ses ventes de 15 %, dont +22 % pour la gamme 100 % électrique, +26 % sur les utilitaires. 

 

Pour Carlos Tavares, patron du groupe Stellantis, Opel était la bonne pioche. Cela lui permettait de mettre la main sur deux marchés conséquents : le Royaume-Uni et l'Allemagne. Sur ce dernier, il n'était jamais parvenu à s'imposer alors qu'il reste l'un des plus lucratifs d'Europe. Mais il y avait tout à revoir chez Opel dont la réputation était entachée par des problèmes de qualité et de modèles mal ciblés et mal finis. Il était impératif de repositionner la marque et les produits.

 

Recentrage sur les SUV

 

En accédant au portefeuille de technologie de PSA, la marque a pu totalement revoir sa gamme en se recentrant sur les segments B et C et les SUV. Avec l’arrivée du Frontera (qui remplacera le Crossland), Opel espère amplifier sa croissance en volume avec ce SUV de 4,38 mètres (disponible en sept places) au prix très compétitif (24 000 euros en MHEV et 29 000 euros en électrique). Le Frontera, du nom de ce SUV très baroudeur disparu en 2004, vise à faire le trait d’union entre le bas du segment composé de la Corsa et du Mokka et le haut du panier, avec notamment le Grandland (positionné entre le Peugeot 3008 et le 5008)

 

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Pour Opel, c’est une belle revanche sur son histoire après la traversée du désert de la fin de règne de General Motors en Europe, son ancien propriétaire. La marque estime avoir rempli ses promesses : redevenir rentable (elle l’a été immédiatement après son rachat), électrifier sa gamme et pousser les feux à l’international.

 

Cap sur l'international

 

Ce dernier point est encore en cours, mais les premiers chiffres sont très encourageants. En 2023, 15 % des ventes étaient hors Europe (incluant Suisse et Royaume-Uni), mais avec une progression de 62 %. Plus impressionnant, la Turquie est devenue le troisième marché d’Opel après le Royaume-Uni et l’Allemagne. Et la marque y est extrêmement dynamique. Entre 2021 et 2023, la marque à l’éclair est passée de 3,7 à 6,3 % de parts de marché avec 74 000 immatriculations (dont 29 000 Mokka). Au Maroc, la trajectoire est tout aussi exponentielle avec plus de 5 % de parts de marché. Tout comme en Algérie où Opel a raflé quasiment 5 % du marché en seulement six semaines après son implantation fin 2023. 

 

Florian Huettl, patron de la marque, n’a pas donné d’objectifs sur les ventes à l’international. Il a estimé que la zone naturelle de croissance d’Opel hors Europe était la région Moyen-Orient Afrique. Opel est désormais attendue en Égypte. Le dirigeant a également évoqué des opportunités plus ciblées dans d’autres régions du monde comme le Chili, la Nouvelle-Zélande ou Taïwan. 

 

Le modèle "upper mainstream" revu et corrigé

 

Pour Opel, ce succès c’est d’abord celui d’un repositionnement réussi. Dès son rachat, et plus encore après la fusion avec Stellantis qui a nécessité de redéfinir les territoires de chacune des douze marques du groupe, Opel se définit comme upper mainstream, c’est-à-dire généraliste premium, à l’image de Peugeot ou encore Volkswagen. "Nous avons parcouru du chemin", reconnaît Florian Huettl qui jure que désormais la ligne de produits s’inscrit parfaitement dans ce cahier des charges.

 

Mais n’est pas premium qui veut… Le Frontera a été conçu sur la plateforme smartcar de Stellantis, en principe dédiée aux véhicules d’entrée de gamme. Sa grille tarifaire (un SUV électrique à moins de 30 000 euros) est extrêmement agressive pour une généraliste premium. On est loin du pricing power tant glorifié du côté de Peugeot, et véritable leitmotiv de Carlos Tavares.

 

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Mais Opel défend une autre grille de lecture du upper mainstream. Un cadre confesse que cet intitulé est plus évocateur dans les pays émergents que sur les marchés européens historiques. En Turquie comme au Maroc, Opel bénéficie surtout de son image de marque automobile allemande. Cet argument est imparable auprès du public, surtout avec des prix aussi compétitifs. De ce point de vue là, Opel se positionne sur le haut de la fourchette des marques généralistes dans ces pays. 

 

Privilège aux marques allemandes

 

"Nous ne pourrions pas simplement revendiquer notre germanité si nous ne livrions pas la qualité produit qui va avec, et nous sommes très confiants sur la qualité de nos véhicules", nuance toutefois Rebecca Reinermann, vice-présidente en charge du marketing. Pour Florian Huettl, les produits Opel disposent de toutes les caractéristiques attendues chez une marque allemande : tenue de route, direction, confort… 

 

En réalité, Opel a appris de la stratégie de Peugeot dont le positionnement s’est avéré trop rigide pour les pays émergents. Au final, la marque au lion a bien amélioré ses performances en Europe au point de devenir une véritable vache à lait, mais son internationalisation a été contrariée par une gamme inadaptée. Ainsi, avec une gamme plus accessible, et aidée par son statut de "marque allemande", Opel pourrait réussir là où Peugeot a échoué.

 

La feuille de route électrique interroge

 

Mais Opel doit encore accomplir un nouveau challenge : son électrification. Pour rappel, la marque, qui vient de rafraîchir son logo à l’éclair, a annoncé qu’elle serait 100 % électrique en 2028. Autrement dit demain à l’échelle de temps de l’industrie automobile. "Notre prochain modèle sera le premier à être purement électrique, le Frontera est notre dernier modèle multi-énergie" a assuré Florian Huettl… Sans préciser aucune échéance.

 

Oui, mais dans un contexte de plafonnement des ventes de voitures électriques, et tandis que les pays émergents cibles n’ont pas encore commencé à déployer d’infrastructures de recharge, cette perspective suscite l’expectative. Florian Huettl ne semblait pas inquiet outre-mesure, persuadé que le sens de l’histoire automobile était résolument orienté vers l’électrification. Mais en cas de changement de paradigme extrême, Opel pourra, comme toutes les marques du groupe Stellantis, revenir en arrière assez facilement puisque ses modèles sont tous développés sur des plateformes multi-énergie.

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