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Constructeurs

Bonus-malus : un concours Lépine d’amendements

Publié le 7 octobre 2019

Par Alice Thuot
10 min de lecture
Le projet de loi de finances 2020 laisse libre cours à l’imagination parfois débordantes des députés. Et le sujet du bonus-malus n’est pas épargné. Florilège des amendements déposés, discutés à partir du 8 octobre 2019.
Le projet de loi de finances 2020 laisse libre cours à l’imagination parfois débordantes des députés. Et le sujet du bonus-malus n’est pas épargné. Florilège des amendements déposés, discutés à partir du 8 octobre 2019.

 

Taxer aussi selon le poids du véhicule

 

Définir le malus non plus seulement en fonction du niveau d’émissions de CO2 du véhicule, mais aussi de son poids, telle est la proposition d’un groupe de députés de La République en marche, inspirés par les recommandations de France Stratégie. En juin dernier, le think thank qui évolue dans le giron de Matignon, proposait déjà de tenir compte du poids des véhicules dans la fixation du malus. « Un tel dispositif permettrait d’inciter les constructeurs à fabriquer des voitures plus légères mais aussi d’avantager les petites voitures sobres en énergie, qui restent souvent celles achetées par les ménages modestes, et de désavantager les gros véhicules "luxe" qui bénéficient parfois aujourd’hui de bonus sans être écologiquement responsables », notent les députés dans l’amendement.

 

Dans leur viseur principalement : les SUV "jusqu’à 1 fois et demie à deux fois plus lourds que des citadines standards", et qualifiés de "véritables gouffres énergétiques", mais aussi les véhicules haut-de-gamme électrifiés. "La production de ces grands véhicules est particulièrement consommatrice en ressources naturelles et en énergie, notamment lorsque d’imposantes batteries électriques sont nécessaires", soulignent-ils. Les députés suggèrent ainsi l'instauration d'un malus lié au poids soit 15 euros par kilo au delà de 1 300 kilos pour les thermiques et 1 700 pour les électriques, avec un malus maximal de 10 000 euros (voir tableau ci-dessous).

Les recettes générées pourraient permettre, selon les députés de financer un bonus sur les véhicules les plus légers. A noter que, comme pour les émissions de CO2, cet amendement prévoit une raréfaction pour les familles soit 300 kg pour les thermiques et 550 kg pour les électriques, à partir du 3e enfant. L'amendement a d'ailleurs été adopté, lundi 7 octobre, par la Commission du développement durable.

 

Masse du véhicule (en kilogrammes)

Tarif 2020 (euros)

Inférieure à 1300 (Citroen Cactus, Polo, Corsa, Ford fiesta, Renault Captur, Peugeot 2008, Dacia Duster, 308..)

0

1350 (ex. Audi A3)

750

1400 (ex. Peugeot 3008)

1500

1500 (ex. Mercedes GLA, Grand Scénic, BMW X2)

3000

2000 (ex. Audi Q8)

10 000

2500 (ex. Tesla modèle X, Audi e-tron)

10 000

 

 

Doubler le montant du malus

 

Quiconque jettera un coup d’œil aux divers amendements aura immanquablement des sueurs froides… notamment provoquées par cet amendement déposé par les socialistes. Leur ambition : ni plus ni moins, doubler le montant du malus à partir de 133 g/km de CO2. Le tout, pour un rendement supplémentaire d’environ 1 milliard d’euros, en prenant en compte une baisse des ventes de certains véhicules polluants. Le seuil de 133 g/km n’a pas été défini au hasard : il correspond en réalité au grammage moyen de CO2 émis par les SUV vendus en France, ayant représenté l’an passé 36,2 % du total.

 

Un grammage moyen auquel se rattacherait, selon la grille proposée au 1er janvier 2020, une taxe moyenne de 1 074 euros, jugée "pas suffisamment dissuasive", selon les députés dépositaires plaidant pour ce doublement du malus. Ainsi, selon cet amendement, un véhicule émettant 132 g/km de CO2 serait frappé d’une pénalité de 773 euros, tandis qu’un modèle rejetant 133 g/km écoperait d’un malus de… 2 148 euros. Le malus maximal s’élèverait ainsi logiquement à 25 000 euros pour les véhicules émettant plus de 172 g/km de CO2 (voir tableau).  Rien d’anormal cependant pour les députés qui soulignent que, parmi les 10 véhicules les plus vendus en France en 2018, seuls deux d’entre eux seraient concernés par cet amendement, la 308 et le Dacia Duster.

 

Émissions de CO2 
(en grammes par kilomètre)

Tarif 2020 
(en euros)

Inférieur à 110

0

110

50

111

75

112

100

113

125

114

150

115

170

116

190

117

175

118

190

119

195

120

210

121

225

122

250

123

265

124

290

125

325

126

370

127

455

128

560

129

627

130

678

131

725

132

773

133

2 148

134

2 344

135

2 552

136

2 772

137

3 008

138

3 258

139

3 522

140

3 802

141

4 098

142

4 410

143

4 740

144

5 088

145

5 452

146

5 836

147

6 238

148

6 662

149

7 104

150

7 568

151

8 052

152

8 558

153

9 086

154

9 636

155

10 210

156

10 808

157

11 430

158

12 078

159

12 750

160

13 448

161

14 172

162

14 924

163

15 702

164

16 508

165

17 342

166

18 206

167

19 100

168

20 022

169

20 976

170

21 960

171

22 976

172

24 024

Supérieur à 172

25 000

 

 

Taxer les publicités promouvant les véhicules à plus de 110 g/km de CO2

 

Via un amendement, certains députés de la France Insoumise proposent de taxer les publicités qui font la promotion de véhicules particuliers émettant plus de 110 g/km de CO2, c’est-à-dire ceux concernés par le nouveau barème du malus automobile à compter de 2020. "À grand renfort de publicité, on vend plus de SUV, de grands modèles qui consomment beaucoup […]. Et pour quel message ? Circulez seul(e), dans des villes saturées et polluées, dans des voitures toujours plus émissives, sans tenir compte des limites environnementales ni des enjeux sanitaires. Il est temps de réguler la publicité. À commencer par celle qui flatte des imaginaires et des pratiques contraires aux enjeux écologiques", s’indignent les députés dépositaires.

 

Supprimer purement et simplement l’article sur le durcissement du malus

 

Rassurons-nous, il existe tout de même parmi les amendements déposés des propositions plus réjouissantes pour les automobilistes français. Une idée est venue d’un groupe du parti Les Républicains : supprimer, purement et simplement, l’article 18 du PLF, statuant sur la refonte des taxes et donc sur le durcissement du malus. Un article jugé "trop rude économiquement pour les foyers modestes pour qui la voiture est indispensable mais dont l’achat de véhicules neufs est impossible."  Une demande également formulée par un autre groupe issu des Républicains, arguant que, parmi les véhicules les plus achetés en France, des modèles récents seront, avec ce nouveau barème de malus automobile, soumis à pénalité alors même qu’ils sont neufs.

"Demander aux Français de participer à la transition écologique ne doit pas sans cesse se faire au détriment de leur pouvoir d’achat ou d’un confort minimal afin de pouvoir se rendre à leur travail, de conduire leurs enfants à l’école ou encore, de poursuivre leurs activités quotidiennes", soulignent les députés dépositaires.

 

N’avoir qu’une seule grille du malus et non deux en 2020

 

Autre idée réjouissante pour les Français, n’adopter qu’une grille de malus jusqu’à la prise en compte du cycle WLTP. Un amendement proposé par un groupe de députés du parti Les Républicains met en exergue la complexité induite par le changement de barème du malus en juin 2020, lorsque le cycle WLTP sera supposément pris en compte pour l’immatriculation des véhicules. "Une source de complexité sans précédent pour le consommateur comme pour les professionnels", notent-ils. Complexité pour les constructeurs tout d’abord. "Sans remettre en cause le principe d’un malus appliqué au secteur automobile, il est pour autant stratégique de donner de la visibilité aux constructeurs sur l’année 2020", arguent les députés.

 

Complexité pour les concessionnaires, puisque ces derniers, ne connaissant pas la date précise de livraison du véhicule - laquelle détermine le montant du malus - et ne peuvent pas anticiper le montant du malus et se trouvent donc dans l’incapacité de conseiller leurs clients.  Dans le cadre du premier amendement déposé, les députés ont ainsi recréé une grille telle que présentée dans le PLF 2020, en reprenant la graduation de malus de l’année 2019.

 

Taux d'émission de dioxyde de carbone
(en grammes par kilomètre)

Tarif de la taxe
(en euros)

Taux ≤ 116

0

117

35

118

40

119

45

120

50

121

55

122

60

123

65

124

70

125

75

126

80

127

85

128

90

129

113

130

140

131

173

132

210

133

253

134

300

135

353

136

410

137

473

138

540

139

613

140

690

141

773

142

860

143

953

144

1050

145

1101

146

1153

147

1260

148

1373

149

1490

150

1613

151

1740

152

1873

153

2010

154

2153

155

2300

156

2453

157

2610

158

2773

159

2940

160

3113

161

3290

162

3473

163

3660

164

3756

165

3853

166

4050

167

4253

168

4460

169

4673

170

4890

171

5113

172

5340

173

5573

174

5810

175

6053

176

6300

177

6553

178

6810

179

7073

180

7340

181

7613

182

7890

183

8173

184

8460

185

8753

186

9050

187

9353

188

9660

189

9973

190

10290

191 ≤ Taux

10500

 

Un deuxième amendement déposé sur ce sujet, par un autre groupe de députés LR encourage quant à lui à reporter au 1er janvier 2021, l’entrée en vigueur de la seconde grille du malus et des barèmes CO2 de la TVS, en cohérence avec la réglementation. Les professionnels n’ont en effet pas été oubliés dans cet amendement, les députés soutenant que le nouveau barème va créer des effets de seuils considérables. Par exemple, avec la nouvelle grille, en passant de 120 à 121 g/km, le gramme supplémentaire fait augmenter de 127 % la TVS, de 240 à 544 euros. Sous-entendu, les véhicules mesurés à 96 g/km de CO2 en NEDC actuel (type Peugeot 208 essence) subiront une taxation de +127 % lors du passage au WLTP. Provoquant ainsi logiquement un ralentissement du renouvellement du parc et ainsi, un retard de verdissement des flottes.

 

Un bonus supplémentaire pour l’E85, GNV ou GPL

 

Un groupe de députés LREM suggère quant à lui de gratifier d'un extra-bonus les véhicules hybrides essence et ceux au superéthanol E85, au GNV ou au GPL, dont les émissions sont inférieures ou égales à 100 g/km de CO2. Les indemnités kilométriques de ces véhicules seraient ainsi, selon cet amendement, augmentées de 15 à 25 %, en fonction du type de véhicule avec une application pendant une période de douze trimestres, décomptée à partir du premier jour du premier trimestre en cours à la date de première mise en circulation du véhicule. Pour les véhicules émettant moins de 60 g/km de CO2, ce bonus serait en revanche définitif.

 

Ainsi, pour les véhicules électriques dont les émissions sont inférieures ou égales à 60 g/km de CO2, l’amendement prévoit un bonus définitif de 25 % au résultat du calcul en application du barème forfaitaire. Pour tous les véhicules dont les émissions sont supérieures ou égales à 130 g/km de CO2 et inférieurs à 150 g/km, il est retranché un malus de 15 %. Pour tous les véhicules dont les émissions sont supérieures ou égales à 150 g/km,  il est
retranché un malus de 25 %. A noter qu’un autre amendement de députés du mouvement démocrate propose, dans le même genre, un abattement de 40 % sur les émissions de CO2 du Superéthanol-E85.

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