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Constructeurs

BMW : Le paradigme du Premium

Publié le 28 septembre 2007

Par Alexandre Guillet
9 min de lecture
Depuis le cuisant échec du rachat de Rover, le groupe BMW a su retrouver sa sérénité et constituer un triptyque de marques haut de gamme complémentaires et homogènes. Des records de ventes tombent chaque année et les performances financières suivent. Ayant...
Depuis le cuisant échec du rachat de Rover, le groupe BMW a su retrouver sa sérénité et constituer un triptyque de marques haut de gamme complémentaires et homogènes. Des records de ventes tombent chaque année et les performances financières suivent. Ayant...

...comblé son retard sur le dossier environnemental et possédant encore un potentiel de conquête, le groupe semble au zénith.

90e anniversaire !

BMW, littéralement la "manufacture bavaroise de moteurs" en français, est né en 1917, à l'initiative de Gustav Otto et Karl Friedrich Rapp. Comme le rappelle son logo, une hélice aux couleurs de la Bavière, l'entreprise se dédie alors à la fabrication de moteurs pour l'industrie aéronautique. Mais à l'issue de la 1re Guerre mondiale, BMW est frappé par une interdiction de produire des moteurs et des avions pour l'Allemagne, ce qui engendre une stratégie de diversification vers la construction de moteurs pour motos, voitures et camions. L'activité moto connaît d'ailleurs un rapide essor, illustré par quelques retentissants succès en compétition. Dans les années 30, BMW reprend son activité aéronautique et assemble ses premiers véhicules suite au rachat de Dixi. S'ensuit la période sombre et tragique de la 2nde Guerre mondiale, au cours de laquelle BMW se trouve inféodé au pouvoir nazi. Après la défaite de l'Allemagne et le pillage organisé des soviétiques, BMW est exsangue. Reprenant cahin-caha son activité automobile, la manufacture fait alors appel au fortuné Herbert Quandt qui accepte de devenir l'actionnaire principal. Mais qui restructure aussi l'entreprise de fond en comble, imposant le principe de rigueur à toutes les strates de l'organisation. Il dicte une stratégie sans détours et oriente clairement le constructeur vers le haut de gamme. C'est le début d'une success-story ! La famille Quandt, toujours actionnaire majoritaire aujourd'hui (46 % du capital, le reste étant flottant), assure de surcroît une grande autonomie au groupe. Car BMW est devenu un groupe au cours des années 90, en 1994 précisément, lorsque Bernd Pischetsrieder, son président d'alors, a validé la prise de contrôle du groupe Rover. Une opération qui ouvrait de nouvelles perspectives, mais qui a abouti à un désastre. Devant l'accumulation des pertes et l'impossibilité de créer des synergies, la direction de BMW accepte de perdre beaucoup d'argent, mais se débarrasse d'un fardeau bien encombrant. Tout en conservant une marque, une certaine Mini au revival déjà programmé. Trois ans plus tard, au terme de plus de cinq ans de négociations acharnées entre Bernd Pischetsrieder et Ferdinand Piëch, BMW se porte acquéreur de Rolls-Royce Motor Cars et prend place sur les cimaises du luxe. BMW injecte 700 millions d'euros dans le vieillissant joyau britannique et embauche 500 personnes pour relancer la marque via le programme Phantom. Enfin, le groupe BMW reste spécialisé dans le marché de la moto, par le biais de BMW Motorrad.

Un portefeuille Premium et pyramidal

Sur son volet automobile, le groupe BMW s'est construit un portefeuille de marques très cohérent et délibérément positionné sur le haut de gamme. En bas de la pyramide, on trouve Mini dont les tarifs restent néanmoins élevés, le rapport prestations/prix étant d'ailleurs controversé. C'est précisément la clef du succès d'un revival qui n'était pas sans péril au départ. Au niveau du style, les équipes du groupe ont su jouer habilement la carte du changement dans la continuité, en s'inspirant notamment de la méthode de Porsche pour les 911. En revanche, du point de vue du marketing et de la communication, l'univers Mini a été radicalement réorienté vers des codes contemporains et des cibles socio-professionnelles très précises. L'identité de la marque est très forte et le cas Mini est aujourd'hui enseigné dans bien des écoles de commerce et de communication. D'ailleurs, les équipes Mini avaient elles-mêmes été dépassées par le succès du modèle au début des années 2000 et avaient fait appel à un prestataire extérieur (Executives Online) pour réduire les coûts de production et améliorer la gestion des ressources humaines, afin de pouvoir répondre à la demande dans le respect du cahier des charges financier. Toutefois, plusieurs questions restent en suspens par rapport à l'avenir de Mini et à ses possibilités de développement. La juste mesure de l'élargissement de la gamme reste difficile à trouver, le modèle Porsche conversant avec le spectre de Smart. La partie centrale de la pyramide est représentée par la gamme très homogène de BMW. A ce propos, il convient de saluer la stratégie de diversification (Série 1, X5 puis X3) pilotée par Helmut Panke. Fidèle à ses valeurs traditionnelles (robustesse, confort, sportivité…), la marque est passée maître dans l'art de gérer l'introduction des innovations. Et comme l'après-vente, certes perfectible, n'en reste pas moins au diapason, la fidélisation des clients se révèle efficace. Dans les études d'ISC, la marque est ainsi toujours bien placée, même si Toyota et surtout Lexus restent régulièrement devant. Mis à part Lexus, BMW croise surtout le fer avec ses meilleurs ennemis, Audi et Mercedes-Benz. La compétition avec Audi est volontiers mise en avant par les dirigeants des deux marques. BMW conserve pour l'heure une avance respectable. Sauf dans certains pays, dont la France (même si l'exercice 2007 s'annonce indécis. D'ailleurs la feuille de route du réseau et de la direction français stigmatise la nécessité d'abolir cette particularité hexagonale dans les années à venir. Enfin, au sommet de la pyramide, on retrouve Rolls-Royce. Extrêmement élitiste, la marque a su retrouver un nouveau souffle, notamment par l'intermédiaire d'une évolution stylistique conservant les silhouettes et les volumes tout en modifiant radicalement la perception produits. La marque tire actuellement profit de l'ouverture de nouveaux marchés, principalement la Chine et la Russie, comme en témoigne l'actualité de sa distribution. Enfin, la commercialisation vers 2009-2010 d'un modèle un tantinet plus accessible, de type Continental GT, reste plus que jamais à l'étude.

Des résultats exceptionnels

Sur la base de cette force de frappe produits relayée par une distribution performante, mais aussi d'un outil de production optimisé au gré du principe de Premium made in Germany, et d'une organisation régulièrement mise à jour, comme l'attestent les récents investissements consentis pour les services d'information, le groupe BMW affiche des résultats de très haute facture. En 2006, le groupe a ainsi battu de nouveau ses records de vente. Avec 1 373 926 unités, soit une progression de 3,5 % par rapport à 2005. BMW a notamment progressé de 5,2 %, à 1 185 049 ventes. Au sein de la marque, le podium des best-sellers se déclinait ainsi : Série 3, Série 5 puis Série 1. Si Mini enregistrait un léger recul (- 6,2 % à 188 072 immatriculations), programmé par rapport aux aménagements sur le site d'Oxford et aux changements dans la gamme, Rolls-Royce améliorait ses performances (+ 1,1 % pour 805 livraisons). Le premier semestre 2007 a confirmé cette tendance, avec une hausse des ventes mondiales de 4,6 %. Simultanément, les résultats financiers sont aussi au rendez-vous. Même si le groupe allemand n'échappe pas à la règle et souffre de la faiblesse du dollar et du yen, ainsi que de la hausse du prix des matières premières. Norbert Reithofer, président du directoire du groupe, pronostique toutefois que le groupe devrait améliorer cette année encore son bénéfice imposable. En outre, il convient de souligner qu'en dépit du raté Rover, le groupe est parvenu à redresser sa capitalisation boursière en un temps record. En termes de marchés, BMW réalise ses meilleures performances en Europe et aux Etats-Unis. Outre-Atlantique, le groupe a quadruplé ses ventes, profitant il est vrai grandement de l'explosion du segment Premium. Aujourd'hui, face à l'évolution de ce marché et à l'éclosion prometteuse de modèles de taille plus modeste, le groupe va commercialiser sa Série 1 pour venir en renfort de la Série 3. Reste deux grandes zones de croissance pour le groupe : la Chine où ses ventes restent largement perfectibles, et l'Inde où le groupe est quasiment absent. Sans oublier le potentiel encore en devenir des pays de l'Europe de l'Est.

La grande mise au vert

Hormis quelques détails (les 4 étoiles Euro NCAP pour la Série 5, la politique tarifaire sur les PR…), la copie rendue par BMW paraît immaculée à bien des égards. La seule ombre au tableau résidait dans le bilan écologique de ses modèles. Avec des niveaux d'émissions qui plaçaient la marque, voire le groupe, en queue de peloton, et parfois à la dernière place des classements à vocation environnementale (celui de l'Ademe pour la France par exemple). Consciente que cet enjeu pouvait devenir primordial sous un angle commercial, la direction du groupe a lancé à l'orée des années 2000 un vaste programme d'amélioration qui trouve aujourd'hui un premier aboutissement avec le déploiement de la 1re phase du BMW Efficient Dynamics. Une approche originale dans la mesure où elle applique le principe de transversalité : tous les modèles sont concernés. "Dès cet automne, BMW Group compte dans sa gamme 22 modèles émettant moins de 140 grammes de CO2 au kilomètre. Cela représente déjà 40 % de nos ventes en Europe", soulignait Norbert Reithofer à Francfort. Par ailleurs, le groupe compte généraliser la fonction Auto Start Stop. D'une manière plus générale, BMW mise actuellement sur l'optimisation des motorisations essence (via un partenariat avec PSA Peugeot-Citroën notamment) et diesel, ces dernières devant notamment être introduites aux USA. Avec le concept X6, le groupe prend aussi date sur l'hybridation : "vous pourrez acheter ce véhicule chez votre concessionnaire en 2009", a assuré Norbert Reithofer. Sous un angle plus prospectif, BMW travaille sur l'hydrogène en privilégiant la voie de l'hydrogène liquide qui nous renvoie aux calendes grecques par rapport à la mise en place d'un réseau de distribution digne de ce nom. Au final, même si l'argument stipulant que "la protection du climat n'est pas une affaire opposant les grandes voitures aux petites" a bien des limites rhétoriques, BMW prend un visage responsable et fait front commun avec l'ACEA. Et si le groupe n'a sans doute pas pris l'immense avance qu'il annonce vis-à-vis de la concurrence, il a assurément comblé son retard en un temps record.

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