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Constructeurs

3008 : la stratégie du passe-partout

Publié le 12 juin 2009

Par Alexandre Guillet
11 min de lecture
Dans un contexte difficile, notamment pour le réseau, Peugeot lance le 3008, la nouveauté 2009 en attendant le monospace. Feuille de mission d'un modèle - enfin - générateur de marge : faire feu de tout bois en séduisant...
...des clientèles SUV, mais aussi monospaces et berlines. Ce qui lance aussi le chantier de l'harmonisation des frontières entre les différentes gammes, notamment SW, au sein de la marque.

Autres temps, autres mœurs… Le lancement du 3008 revêt aujourd'hui une très grande importance pour Peugeot. Pour au moins trois bonnes raisons. D'une part, la marque est dans le creux de son cycle produits et le 3008 constitue "Le" lancement de l'année, dans la mesure où le monospace 5008 ne fera son effet qu'en 2010. D'autre part, la marque vient ainsi faire une incursion sur un nouveau segment, ce qui n'est jamais chose aisée, dans le droit fil de la feuille de route stratégique fixée par Christian Streiff pour une meilleure couverture du marché, qui passera donc l'an prochain de 75 à 90 %. Enfin, la crise frappe durement le réseau Peugeot, comme la marque d'ailleurs, qui reconnaît notamment que ses coûts de distribution sont à la hausse, et l'arrivée d'un modèle de gamme supérieure, générateur de marge et susceptible de dynamiser l'image par effet de niche, prend donc plus d'envergure qu'en période faste. Dans ce contexte, Pierre Garnier, directeur marketing de Peugeot France, assure que "la marque a débloqué un budget très significatif pour le lancement du modèle. De toutes façons, il est nécessaire de maintenir les investissements car le marché français se maintient et la concurrence est aiguë. Pour des prévisionnels à plus long terme, il convient cependant de rester prudent car il y a peu de visibilité. Contrairement à d'autres périodes, nous nous projetons plus à quatre mois qu'à un an".

L'intérêt stylistique du 3008 est dans l'habitacle

Au préalable, deux objections peuvent être posées. Tout d'abord, le style du 3008 n'est-il pas trop timide, sur un segment où ce critère prend toute son importance pour des clients cherchant à se différencier et pas seulement par rapport à d'autres segments ? Keith Ryder y répond en partie (voir encadré), mais sans lever tous les doutes. Conçu "pour se situer à la croisée de plusieurs silhouettes existantes" (pare-brise avancé et position de conduite faisant écho aux monospaces, comportement routier benchmarké sur les berlines, capacités "tout chemin" et accessoires issus de l'univers SUV…), le 3008 peine à trouver un caractère spécifique et son design extérieur n'est guère émotionnel, restant dans les sentiers battus. Quant à la calandre, même si elle n'est pas inappropriée sur ce type de véhicules, on est content de savoir qu'elle ne sera plus systématiquement reprise à l'avenir… En revanche, à l'intérieur, le traitement stylistique est beaucoup plus pertinent, servi par une qualité de finitions d'excellente facture, confirmant ainsi les progrès du groupe en la matière. Le poste de conduite, inspiré du registre aéronautique, décline avec bonheur le thème du cockpit. Abondante, la technologie se révèle très accessible, notamment via des interfaces soignées et pratiques. Une mention particulière peut être décernée au système d'affichage tête haute qui s'exprime sur une lame translucide en polycarbonate. A la fois argument de sécurité et goodie high-tech, le 3008 inaugure ainsi une démocratisation d'une option naguère réservée au Premium. Bref, l'habitacle est une réussite, avec un bel espace aux places arrière, et seul le passager avant peut se sentir un peu oublié… Reste aussi à savoir si les vendeurs auront intégré leur formation pour bien vanter la position de conduite, haute, après l'avoir dénigrée pendant des années…

L'interrogation du calendrier…

Par ailleurs, la seconde objection a trait à la date du lancement du 3008 : bien que le projet ait pu être légèrement avancé, n'arrive-t-il pas un peu tard sur le marché ? Si Christian Peugeot, directeur stratégie et communication de la marque, reconnaît que "notre réponse sur ce segment arrive en pleine crise, ce qui n'est clairement pas un avantage", il estime néanmoins que "le 3008 arrive au bon moment, dans la mesure où nous avons une version bonussée qui correspond à l'air du temps et où il s'agit d'un véhicule de conquête venant après un gros travail de consolidation effectué sur le M1". De son côté, Pierre Garnier rappelle que "le segment SUV et monospaces a représenté près de 80 000 immatriculations au 1er trimestre et qu'il est donc toujours à un bon niveau. En outre, il existe un parc de crossovers et nous pouvons en tirer avantage avec une bonne animation commerciale. Enfin, eu égard du mouvement général de downsizing observé sur le marché, des perspectives s'ouvrent vis-à-vis des clients des grands monospaces et des gros 4x4, d'autant que nous avons une panoplie technologique attrayante. En effet, les clients qui, entre guillemets, baissent en gamme ne veulent pas pour autant faire de compromis sur les prestations". Chez Peugeot, on assure donc que le lancement du 3008 tombe à pic. Pour preuve, Renault a organisé des journées portes ouvertes, initialement non programmées, pour le Scénic au moment du lancement du 3008 et Nissan a orchestré un buzz avec faire-part et passage aux lits superposés pour "les enfants crossover".

Ne pas négliger les flottes

Défini comme un produit de conquête, le 3008 mènera son offensive sur trois fronts. Au premier chef, il jouera bien entendu dans sa cour et ira défier le Nissan Qashqai, best-seller "alter" du segment, ou encore le Ford Kuga au design sémillant. "Notre travail sur le pricing pose le 3008 en réelle alternative, avec une entrée de gamme similaire à celle du Qashqai notamment", souligne Pierre Garnier. A ce propos, il convient de noter que selon le prévisionnel du constructeur, le prix de vente moyen du 3008 devrait être de l'ordre de 27 000 euros. Par ailleurs, le modèle compte venir sur les plates-bandes des berlines du M1 et aussi du M2 (407, Passat, C5, Mondeo, Laguna…). "La personnalité plus marquée du crossover sera alors mise en avant, d'autant que ses performances en consommation et en émission ne le pénalisent pas. D'ailleurs, 50 % du mix devrait être réalisé via les versions à 130 g de CO2/km", explique Pierre Garnier. Ces mêmes arguments seront exploités pour le troisième axe de conquête constitué par les clients de monospaces, "surtout que la position de conduite est la même et que nous avons plus d'atouts technologiques à faire valoir". Enfin, si les ventes à particuliers seront naturellement privilégiées, Peugeot n'oublie évidemment pas les flottes qui représentent environ 50 à 60 % des volumes sur ce segment. "Un véhicule comme le 3008 permet de valoriser le salarié et vu que nous sommes performants sur le CO2, les équipements et les prévisions de valeurs résiduelles, c'est un élément non négligeable", indique un représentant de la marque. Pierre Garnier reconnaît que "le travail sur les référencements a débuté", mais souligne aussi que "vu les volumes limités et les remises consenties aux flottes, c'est vraiment le client particulier qui sera prioritaire".

"La technologie SUV sans ses inconvénients"

Pour séduire ces différentes clientèles, c'est donc la technologie qui sera mise en avant. D'une manière générale, cela correspond d'ailleurs à un repositionnement stratégique de la marque qui, depuis plusieurs modèles, a décidé de se recentrer sur l'innovation et de promouvoir chacune de ses nouveautés via un item technologique spécifique. Pour le 3008, au-delà du Dynamic Rolling Control, déjà exploité pour valoriser les SW par rapport aux monospaces, c'est le système de motricité Grip Control qui remplit l'office d'accroche dans l'argumentaire de vente. Développé avec Bosch, il propose cinq modes : standard, neige, tout-chemin, sable et ESP off. En clair, "on vous offre la technologie SUV sans ses inconvénients car c'est un 4x2 garant des faibles émissions de CO2", dixit Pierre Garnier. Bien exploité par la force de vente, l'argument peut effectivement faire mouche, d'autant que l'agrément de conduite du 3008 se révèle de fort bon aloi dans tous les cas de figure et que le confort acoustique a fait l'objet d'un soin particulier. Au final, Peugeot compte devenir le leader du segment en France, avec 18 000 à 20 000 ventes en année pleine. "Au-delà des qualités intrinsèques du modèle, nous proposerons des offres de financement et de services packagés très attrayantes, ainsi que des possibilités de personnalisation", détaille Pierre Garnier. La personnalisation constitue d'ailleurs un axe de travail remis au goût du jour chez Peugeot en général, afin de mieux soutenir des ventes d'équipements et d'accessoires jugées insuffisantes. En 2010, la marque table donc sur 90 000 ventes dans le monde, sachant que le 3008 sera commercialisé en Europe bien entendu, mais aussi en Russie et en Amérique du Sud (Argentine et vraisemblablement Brésil). Christian Peugeot confirme aussi que le 3008 sera distribué en Chine. Les volumes sont limités tant l'importation est coûteuse, mais une production locale est à l'étude (le crossover est produit à Sochaux avec une capacité de 350 unités par jour). Enfin, le 3008 et l'arrivée prochaine du monospace ouvrent un nouveau chantier au sein de la marque et du réseau : l'harmonisation de la gamme. Il sera en effet déterminant de bien repositionner les gammes SW pour que le monospace trouve sa place sans pour autant venir draguer sur les rives du 3008. Quant au 4007, le "vrai 4x4", seule l'arrivée d'une boîte à double embrayage, après une longue attente…, semble en mesure de lui redonner un semblant de second souffle.

Peugeot 3008 en bref

Date de lancement : disponible

Segment de marché : SUV : 6,2 % du mix Europe (environ 256 000 unités)

Principaux concurrents :
Nissan Qashqai 1.5 dCi 106 Visia 21 900 euros ;
Nissan Qashqai 2.0 dCi 150 Tekna 4x2 29 250 euros ;
Ford Kuga TDCi 136 DPF Trend 4x2 27 350 euros ;
Volkswagen Tiguan 2.0 TDI 140 CR FAP Sportline 4x2 29 350 euros

Objectifs de vente : environ 20 000 en année pleine (France)

Prix :
De 21 550 euros (3008 1.6 VTi 120 Confort Pack)
à 31 700 euros (3008 2.0 HDi 150 Féline)

QUESTIONS À

Keith Ryder, directeur adjoint du style Peugeot.

"La calandre ? ça va changer, c'est clair"

Journal de l'Automobile. Pourquoi avoir opté pour un style somme tout assez sage sur un segment qui tolère pourtant des véhicules plus typés ?
Keith Ryder. Notre priorité reste toujours la recherche des bonnes proportions et de l'équilibre. C'est donc aussi ce que nous avons fait pour ce modèle. Nous n'avions pas non plus la volonté de rajouter des éléments de design cosmétiques, qui interpellent souvent beaucoup les clients, car cela ne correspond pas à l'image de Peugeot. A l'inverse, cela peut très bien fonctionner sur d'autres marques, ce n'est pas un dogme, Citroën en étant le meilleur exemple. Bref, c'est vrai que nous aurions pu être plus audacieux sur ce segment, mais au moment où nous avons gelé le style, en juillet 2007, cette voie nous paraissait la plus pertinente.

JA. La console de type cockpit, motif marquant de l'habitacle, a-t-elle rapidement remporté l'adhésion des équipes ?
KR. Il y a eu beaucoup de discussions sur le sujet et même des discussions très animées ! Mais une fois le choix arrêté, l'enthousiasme était fort. Nous avons même dû refréner les ardeurs, car certaines propositions allaient encore plus loin, notamment au niveau des cadrans dans leur traitement aéronautique. C'est effectivement un motif fort du 3008 et cela ouvre de nombreuses pistes qui pourront être explorées sur des modèles à venir.

JA. Au niveau des couleurs prisées par les clients, confirmez-vous le retour au premier plan du blanc ?
KR. Tout à fait et pour être précis, nous avions identifié cette tendance dès le Salon de New York il y a quatre ans. Par ailleurs, le noir, plus brutal, tend à être moins plébiscité, tandis que le gris métallisé amorce un gros retour en force. Pour l'anecdote, sur le parking de l'ADN, vous avez encore une immense majorité de véhicules noirs, mais les choses vont rapidement changer !

JA. Quel regard portez-vous sur la réorganisation que Jean-Pierre Ploué pilote désormais au sein du style Peugeot ?
KR. Jean-Pierre va beaucoup nous apporter, c'est une certitude. Pour autant, il ne remettra pas en cause tout ce que Gérard Welter a construit, je pense notamment à la primauté des proportions, au regard des Peugeot ou encore aux valeurs de félinité et d'élégance. De par son état d'esprit, Jean-Pierre génère un grand boost pour les équipes. Au moindre sketch, il s'anime comme un enfant et fait mille et une propositions, c'est très stimulant ! En outre, il va définitivement abolir le mur de Berlin entre les deux marques et avec lui, on peut attendre un meilleur tri et une meilleure attribution des bonnes idées aux deux marques.

JA. Peut-on attendre une remise en cause de la calandre béante, plus ou moins heureuse selon les modèles ?
KR. La face avant est une des forces des Peugeot. Mais concernant la calandre, ça va changer, c'est clair. Peut-être que nous sommes allés parfois un peu trop loin, devenant un brin caricatural. Dans certains cas, il faut aussi savoir qu'il y avait des contraintes liées à l'ingénierie et nous pensions que les ingénieurs allaient nous sauver, mais ils n'ont pas réussi !

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