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Social

USA : new deal social et vieux combats

Publié le 13 septembre 2011

Par Alexandre Guillet
4 min de lecture
Dans une veine comparable à celle qui caractérise les débats de fond dans la vieille Europe, constructeurs et syndicats automobiles américains cherchent à inventer un terrain d’entente social d’un nouveau genre. Bob King, président de l’UAW, se pose en passeur du long terme, mais les choses ne sont pas simples… Premier verdict le 14 septembre.
“Soit nous avons retenu les leçons du passé, soit nous retournons en arrière comme si de rien n’était et nous reprenons l’ancienne façon de faire, celle qui a failli”, martèle Bob King, président du syndicat UAW.

Agé de 63 ans et à la tête de l’UAW depuis l’an dernier, Bob King n’a pas ménagé sa peine cet été pour faire avancer les négociations entre son syndicat et les trois grands constructeurs américains. Le nouveau contrat doit théoriquement être conclu le 14 septembre. La géométrie de l’espace du dialogue s’avère très complexe. Après avoir accepté d’énormes sacrifices sous l’effet de la crise, les salariés du Big 3 veulent aujourd’hui leur part du retour aux bénéfices, surtout quand les copieux émoluments des dirigeants s’affichent dans la presse. Par ailleurs, les trois interlocuteurs ne se trouvent pas dans la même situation, ne serait-ce que sous l’angle des salaires moyens. Ainsi, suite aux aides gouvernementales, les salariés de Chrysler et GM ne peuvent pas faire jouer la menace de grève, ce qui n’est pas le cas de ceux de Ford. Dans le cas particulier de Chrysler, l’ancrage turinois vient même ajouter un nouveau paramètre à l’équation. En outre, il convient de ne pas oublier que ces négociations symboliques s’inscrivent dans un contexte de forte incertitude économique et dans un calendrier électoral, Barack Obama s’étant d’ailleurs rendu à Detroit au début du mois.

Bob King propose un nouveau pacte social au Big 3 comme à l’Amérique

Face à ce nœud gordien qu’il ne veut surtout pas trancher, Bob King propose une voie de raison afin de pérenniser l’industrie automobile : “Il faut créer une solidité des emplois à long terme, hors de portée des fluctuations du marché, ces dernières ne devant influer que sur les rémunérations supplémentaires.” Il va même volontiers plus loin : “L’enjeu est aussi de consolider la classe moyenne de notre pays, pour moins d’incertitudes. C’est ce que nous devons faire, syndicats, entreprises et gouvernement, tous ensemble.” Contrairement à son prédécesseur, Ron Gettelfinger, Bob King ne réclame pas des augmentations de salaires globales : “Ce serait nous tirer une balle dans le pied que d’augmenter tous les indices des salaires.” Toutefois, les discussions se cristallisent sur les salaires des jeunes recrues qui gagnent en moyenne 14 $ de l’heure, soit moitié moins qu’un salarié avec une certaine ancienneté…

Un syndicalisme moins revendicatif, mais pas forcément moins subversif à plus long terme…

Sur le dossier des rémunérations, Bob King prône le recours aux bonus, plus que des augmentations générales, afin de ne pas alourdir le poids mort des groupes, et de pouvoir être en meilleure adéquation avec l’activité et les résultats. Le calcul des bonus s’invite alors dans le débat et le président de l’UAW se veut, là encore, novateur en proposant une indexation sur les résultats des groupes, mais aussi sur le taux de présence, un indice de productivité, les performances de qualité, etc. Dans certaines allocutions, Bob King va parfois plus loin en suggérant la mise en place de standards internationaux de niveau de vie des salariés du Big 3. Il en profite aussi pour revendiquer un siège au conseil d’administration des constructeurs, sur le modèle allemand. En somme, un syndicalisme moins revendicatif, mais qui peut se révéler bien plus subversif à long terme. Un syndicalisme du 21e siècle, aime à dire Bob King. Les dirigeants du Big 3 s’en réjouissent et s’en méfient tout à la fois. Sergio Marchionne joue la carte de la diplomatie : “Force est de reconnaître que les échanges ont pour l’heure été productifs. Nous savons que notre relation avec le syndicat est déterminante pour notre avenir.”

Divisions au sein de l’UAW

Il ne faudrait toutefois pas croire que l’approche de Bob King fait l’unanimité dans ses propres rangs. Ainsi, Gary Walkowicz, battu par King lors des dernières élections de l’UAW, durcit volontiers le ton, mettant en exergue le cynique opportunisme des patrons qui refusent de revenir sur les sacrifices consentis durant la crise alors que des bénéfices sont désormais dégagés, et brandit des préavis de grève dans certains sites Ford. Il appelle à voter contre le nouveau contrat en jouant sur l’amertume d’ouvriers ayant vu leur pouvoir d’achat se réduire significativement. Dans un registre différent, d’autres détracteurs de Bob King stigmatisent l’affaiblissement de son syndicat et sa propension à faire trop de concessions afin de sauver les meubles. Ils rappellent que l’UAW comptait 1,5 million de membres à la fin des années 70, contre environ 370 000 à fin 2010. Un argument sur la représentativité que Bob King sait prendre en compte. Il a ainsi affirmé avoir approché les constructeurs étrangers au cours de réunions non officielles. S’il n’avance prudemment aucune marque et si aucun dirigeant ne vient confirmer, la rumeur fait cependant état de discussions avec Honda, Nissan et Volkswagen, notamment sur le nouveau site de Chattanooga.

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