Surcapacités de production : PSA ouvre le bal des départs
Cela a résonné comme un coup de tonnerre tant dans les sites de production que dans l’opinion publique malgré de nombreux signes avant-coureurs. Déjà une note confidentielle de la direction l’an dernier avait atterri dans les mains des syndicats qui avaient tiré la sonnette d’alarme. Les sites d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), de Sevelnord (Hordain dans le nord) et de Madrid étaient sur la sellette, annonçait, semble-t-il, ce document. Aujourd’hui, la réalité du plan de réorganisation de PSA s’étale sur la une de tous les journaux : fermeture d’Aulnay, soit 3 000 personnes concernées, suppression de 1 400 emplois à La Janais, près de Rennes, plus 3 600 suppressions dans les structures du Groupe PSA, notamment dans les directions et la Recherche et le Développement. Un plan drastique surtout si l’on considère que le site de La Janais avait déjà vu ses effectifs fondre, et que le plan de novembre 2011, soit, la suppression de 1 900 postes, n’est pas encore clôt puisque 70 % des employés, seulement, ont été reclassés soit en interne, soit en externe (à parité). Et un plan dramatique, s’il en est, puisqu’il ne clôt pas les spéculations sur d’autres fermetures, ou d’autres licenciements qui ne disent pas leurs noms. Le nom de Sevelnord est sur toutes les lèvres, quand, d’un autre côté, les problèmes de surcapacité de production et de compétitivité, de “mauvaise stratégie” à l’international et de manque de savoir-faire dans le haut de gamme continuent de hanter les discussions et d’instiller un sérieux doute sur l’avenir du groupe familial. Pour l’heure, il s’agit de répondre aux attentes des 6 500 salariés pour lesquels aucune solution, à ce jour n’a été prise concrètement, même si Philippe Varin, le président du directoire, s’engage à ce qu’il n’y ait pas de licenciement sec. Une promesse qui ne semble pas garantie, s’inquiètent les syndicats.
Fermeture d’Aulnay : un symbole pour toute l’industrie automobile
Après avoir justifié, par un rappel des pertes financières du groupe et de la conjoncture économique, les décisions de restructuration de PSA, Philippe Varin est entré dans le vif en annonçant la fermeture du site de production d’Aulnay sous-bois (Seine Saint-Denis) qui emploie 3 000 personnes. L’arrêt définitif sera effectif en 2014. C’est une décision des plus emblématiques puisque tout le monde sait, depuis des années, que des sites de fabrication d’automobiles devraient être fermés en France pour éviter que les groupes ne coulent. Mais toucher à une usine d’automobiles, c’est se remémorer – entre autres - mai 1968 et Boulogne Billancourt et peu de présidents de groupe n’avaient envie de faire la “une” en ce domaine. Cependant, et c’est la principale cause donnée par Philippe Varin, personne ne pouvait prévoir la chute inexorable des ventes en France et en Europe, une chute qui s’est notamment portée sur les besoins en production des petites voitures du segment B, fabriquées à… Aulnay, par exemple. La décision ne se veut pas “sèche” cependant comme l’a précisé Philippe Varin en annonçant que, pour moitié, les personnels seraient réaffectés “en reclassement interne notamment sur le site de Poissy” et que, “pour moitié, les autres personnes seraient reclassées en externe dans le bassin d’emplois d’Aulnay”. Une “revitalisation” de la région devrait s’engager “et le groupe sera à la manœuvre de la valorisation du site d’Aulnay”. Philippe Varin a ajouté qu’“on ne vendra pas les terrains” mais que tout serait mis en œuvre pour réindustrialiser la zone, à l’aide de différentes activités dont certaines automobiles, voire pilotées par PSA. Les détails de ce plan seront fournis à l’issue de la présentation des résultats de PSA, le 25 juillet. Cela pourrait peut-être signifier le retour au bercail d’activités de sous-traitance automobile, lesquelles vont subir aussi de plein fouet ce plan de restructuration. Une situation qui aura des conséquences chez les constructeurs voisins, et surtout Renault.
Poissy en structure d’accueil
Dans le cadre de ce plan, le site de Poissy (Yvelines) sera pleinement mis à contribution puisqu’il devra accueillir 1 500 salariés de plus. Et l’enjeu sera de taille, touchant à la faisabilité, aux emplois précaires et à une promesse. Le constructeur a justifié le choix de la fermeture d’Aulnay “parce que c’est le segment B qui est le plus touché et donc la production d’Aulnay. Cela fait donc plus de sens au niveau économique et cela minimise l’impact social puisqu’une partie de salariés ira sur Poissy et l’autre sera reclassée sur Aulnay même. Pour Poissy, la question des intérimaires a bien sûr été posée”. Il en ressort que “les missions actuelles continueraient jusqu’à leur fin et que seraient proposés, en remplacement, des CDI aux ouvriers venus d’Aulnay”. En clair, d’autres familles seront impactées. Mais il est aussi à noter, que dans cette opération, dramatique s’il en est, le volet social a été mûrement travaillé. Reste qu’on peut se demander pourquoi il a fallu tant d’années avant de prendre le dossier à bras-le-corps. Un reproche que fait, à peine voilé, le nouveau gouvernement.
Rennes replonge et les structures du groupe PSA sont directement impactées
En Bretagne, la présence de PSA n’est pas neutre, les effectifs du groupe se montant à 5 600 salariés, dédiés, à l’heure actuelle, à la fabrication des Peugeot 508 et Citroën C5 et C6. L’annonce de suppression de 1 400 emplois, de “redéploiements” étant le mot précis a fait l’effet d’une bombe. A Paris, les petites voitures sont dans le viseur, en Bretagne, c’est l’érosion des berlines qui s’invite à la destruction des emplois. Des projets de reclassement en interne, des propositions de départs volontaires ou de reclassement sur le bassin d’emploi accompagnent ces décisions de façon à ce que chaque cas soit envisagé individuellement. Les personnels ont jusqu’à mi-2013 pour faire valoir leurs droits au départ volontaire. Cependant, le président de PSA a fait valoir que Rennes bénéficierait d’investissements importants pour que naisse une nouvelle plate-forme en 2016 : “le futur modèle sera produit à Rennes en 2016 et nous ferons les investissements nécessaires pour cette nouvelle plate-forme” s’est engagé Philippe Varin avant d’ajouter : “nous construisons un avenir pour Rennes”. Cependant, les organisations syndicales se demandent qui pourrait être intéressé par des départs volontaires après les suppressions de postes que le site a déjà vécues.
10 % des effectifs Auto en France !
En tout, ce sont 8 000 postes qui sont touchés, soit 10 % de la division Automobile de PSA en France ! Du jamais vu et qui touche aussi les structures du groupe comme il est écrit dans le communiqué : “Les structures de PSA Peugeot Citroën doivent s’adapter à son volume d’activité. Le groupe doit donc poursuivre la réduction de ses coûts et l’amélioration de son efficacité opérationnelle, ce qui devrait conduire à la diminution de 3 600 emplois répartis sur l’ensemble des sites en France. Un plan de départs volontaires de l’entreprise serait proposé aux salariés”. Cela touchera donc à la direction, à l’administratif mais aussi à la R&D qui selon le constructeur devra aussi s’adapter au volume de production. Cependant, prudence : “Nous allons assurer le maintien des compétences basées en France et poursuivre notre politique de coopération.” La question qui se pose, c’est l’après. Cela suffira-t-il ? Pour le patron du Groupe, c’est jouable : “Notre ambition pour ce plan consiste à revenir à une situation minimum d’équilibre à fin 2014 et ceci dans les conditions actuelles difficiles du marché.” Et s’il a attendu aussi longtemps, alors qu’une fuite avait révélé que la fermeture était envisagée dès 2011, c’est “qu’il y a un temps pour les études et un temps pour les décisions et qu’avant de prendre de telles décisions, il fallait envisager tous les scénarii possibles.” Et après les élections, c’était étudié ? Philippe Varin répond très fortement sur ce sujet : “Faire d’une décision aussi lourde et aussi impliquante pour le groupe un enjeu électoral, cela n’aurait pas été responsable.” Et de préciser aussi : “Lorsqu’un groupe perd en cash 200 millions d’euros tous les mois il ne pérennise pas l’emploi et tergiverser c’est faire courir à terme de grands périls à l’entreprise. Il est de notre responsabilité aussi douloureuses que soient les décisions de faire en sorte d’assurer l’avenir”.
Sevelnord en ligne de mire
Alors que le sort d’Aulnay et de Rennes venait d’être sèchement arrêté par Philippe Varin, la question de la survie de Sevelnord est restée en suspens.
Le plan de restructuration se veut global et touche l’ensemble du groupe. C’est donc l’ensemble des sites de production qui redoute les annonces et notamment l’usine de Sevelnord, dans le nord de la France. Philippe Varin n’a pas écarté l’idée d’une restructuration sur ce site, à l’avenir, même s’il s’est voulu rassurant. En effet, il a précisé que “l’avenir de Sevelnord était conditionné à trois facteurs : que le groupe Fiat sorte de la Joint-Venture, afin de bénéficier d’une liberté de manœuvre, que l’on trouve un partenaire, parce que ce type de projet n’est pas économiquement viable si l’on ne partage pas les coûts de développements, et troisièmement, que l’on obtienne le prix de revient qui permette au site d’être compétitif.” Le premier point est acquis puisque “le groupe Fiat a donné son accord sur les conditions de sortie, on reprend ainsi les 50 % des parts de Fiat”. Le deuxième paraît moins assuré : “A ce jour, les conditions ne sont pas encore remplies. Les discussions avancent positivement et nous espérons conclure dans un avenir proche”. L’accord n’est donc pas encore conclu. En troisième lieu, la compétitivité du site, Philippe Varin la voit bien progresser, évoquant, entre autres, “l’excellent travail effectué par les équipes à l’intérieur de l’usine, et, aussi, celui effectué au niveau du bassin d’emploi et des fournisseurs locaux pour trouver des solutions”. Afin que “le différentiel de prix de revient puisse être amené à un niveau très compétitif, au niveau de l’usine, de ses fournisseurs, etc.” On peut, cependant, légitimement, se poser la question de cette variable “d’ajustement”, “le niveau de compétitivité”, de son utilisation comme levier à d’autres exigences, et de son rapport à la conjoncture, une conjoncture qui a présidé à toutes les décisions de suppression de postes. D’ailleurs, le président de PSA a bien précisé “qu’il n’avait pas de certitudes mais de bons espoirs de trouver une solution pour le site de Sevelnord”. De quoi inquiéter les syndicats qui craignent que le temps soit compté pour cette usine : “Aulnay était le premier sur la liste, les suivants, c’est nous, c’est Sevelnord”, a commenté Ludovic Bouvier (représentant CGT) à nos confrères de l’AFP.
Pas d’Etat chez PSA
L’Etat providentiel aurait-il une chance d’éviter d’entrer dans ce conflit ? Au-delà des réactions syndicales, le volet actionnarial aura sa part à jouer. “La sécurité financière de PSA est importante et la venue de l’Etat dans le capital du groupe n’est pas d’actualité” a martelé Philippe Varin, avant de préciser que les “usines tournaient à un niveau acceptable”. Autrement dit, la situation est grave mais pas si désespérée qu’il faille céder des parts à l’Etat. La famille Peugeot, les actionnaires, évoquée par les journalistes lors de la conférence de presse, n’a pas été appelée à la barre, mais leur ombre a plané pendant les débats, tant leur souci d’indépendance est légendaire. Il a même été question de savoir s’ils renouvelaient la confiance au président Varin. Ce dernier a botté en touche en disant “qu’un tel plan ne pouvait pas émaner du directoire sans avoir le soutien du Conseil de Surveillance”. Dont acte. Avant de reprendre, à nouveau sollicité sur cette question, que “lorsque le cours de la bourse s’écroule, il est normal que l’actionnaire familial ne soit pas ravi. Mais nous sommes dans une tempête, un tsunami commercial en Europe et il faut garder le cap”. Solidarité donc.
L’Etat pas actionnaire mais actif ?
Où il fut question d’Arnaud Montebourg, du Redressement productif et de son plan auto qui doit être présenté le 25 juillet prochain. Et dont on attend beaucoup, notamment, si l’on se réfère à son discours de clôture de la Conférence Nationale de l’Industrie, le 11 juillet : “Aux libéraux qui voient dans le rapprochement de la puissance publique et du monde de l’entreprise un amour contre nature, je réponds que Colbert a construit la France du Grand Siècle. Intervenir, ce n’est pas trahir. Agir, ce n’est pas soumettre. Tendre la main, ce n’est pas dominer. Ma politique c’est le colbertisme participatif où chacun a une responsabilité : l’Etat, le banquier, le travailleur, le chef d’entreprise, le retraité, l’étudiant.” Belle envolée lyrique qui n’a pas trouvé son pendant chez Philippe Varin qui a précisé qu’il “était de la responsabilité de l’industriel que nous sommes de trouver des solutions et de prendre des décisions”, après avoir salué le mot d’Arnaud Montebourg qui plaçait PSA dans le patrimoine de la France. En tout état de cause, PSA ne demande pas une participation ni une aide directe de l’Etat, mais serait sensible à ce qu’il entende les patrons d’entreprise sur la question du coût du travail et des charges. En outre, Philippe Varin s’est félicité des travaux engagés par la plate-forme automobile présidée depuis peu par Michel Rollier, l’ancien patron de Michelin, (remplaçant Claude Cham, le président de la Fiev, N.D.L.R.), en ces termes : “Nous avons une structure de gouvernance de la filière à la manœuvre”. Pas d’Etat mais un petit peu. Le “participatif” passera-t-il ? Répondons par le mot du président de la République, ce 14 juillet, “Le plan, en l’état, est inacceptable”.
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