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“L’automobile est au centre de notre recrutement”

Publié le 3 décembre 2014

Par Romain Baly
6 min de lecture
Son groupe accompagnant de multiples entreprises issues de tous secteurs en matière de conseil et d’ingénierie, Pascal Brier, directeur général adjoint d’Altran, est un observateur privilégié de l’industrie mondiale et notamment de l’automobile. Etat des lieux.
Pascal Brier, directeur général adjoint d’Altran.

JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. Comment se porte l’automobile en termes de recrutement ?
PASCAL BRIER.
L’exercice 2014 est particulier puisque le secteur automobile, qui était en difficulté depuis 2011, tire cette année notre recrutement. Celui-ci a ceci de particulier qu’il connaît de forts rebonds, où les phases de stop & go sont nombreuses et parfois difficiles à gérer. Nous sommes actuellement en plein dans le go avec une reprise assez forte de la demande sous l’effet de nouveaux métiers, mais aussi d’une hausse globale de l’activité dans l’Hexagone.

JA. Où se situe l’industrie automobile par rapport à d’autres d’activités que vous accompagnez ?
PB.
Il faut bien distinguer deux choses. En termes de volume, il y a encore de nombreux secteurs où la demande est supérieure à celle de l’automobile. Cette dernière présente, en revanche, l’une des meilleures dynamiques du marché avec une progression de son recrutement supérieure par exemple à l’aéronautique. Cela ne signifie pas pour autant que l’aéronautique se trouve en difficulté. C’est un secteur qui connaît une phase dite de plateau avec la fin de programmes de développement titanesques – A380, A350, A320 Néo, A400M – qu’il faut désormais digérer. Les besoins en ingénierie de ce secteur ont été absolument incroyables ces dix dernières années et ceux-ci diminuent dorénavant sans pour autant que cela apparaisse comme un mauvais signe.

JA. A quelle hauteur l’automobile contribue-t-elle dans le programme de 2 200 recrutements lancé par Altran l’an dernier ?
PB.
Environ 20 %. Un chiffre que l’on confirme pour notre nouvelle campagne mondiale (voir Focus p. 61). Après, les facteurs de recrutement ne sont pas les mêmes partout. En France, nous sommes sur des créations nettes de postes grâce à la reprise de l’activité. Un phénomène moins visible en Allemagne, où l’industrie automobile est toujours restée à un niveau élevé malgré la crise, mais où le turnover dans ce secteur est plus important qu’ailleurs, expliquant ainsi ses besoins.

JA. Quid de la Chine, premier marché mondial ?
PB.
C’est un marché particulier où il y a encore beaucoup à faire. Les besoins de la Chine en matière d’automobile sont très forts et tournent autour de deux axes. Le premier concerne l’installation locale de l’industrie européenne qui souhaite profiter d’un personnel formé à sa propre méthodologie. Le second axe a trait aux besoins des acteurs locaux en service. Si les Chinois maîtrisent la partie “corps” du véhicule, leur savoir-faire est moins important en matière d’aides à la conduite, d’entertainment ou de sécurité. D’où la nécessité de les accompagner.

JA. Quel est le profil de vos recrues ?
PB.
Chez Altran, nous avons trois profils types : les fresh graduate, de jeunes ingénieurs qui sortent tout juste de l’école et qui représentent environ un quart de nos recrues. Il y a ensuite les jeunes expérimentés, qui justifient entre deux et cinq années d’expérience. C’est le profil qui avait le plus reculé dernièrement, mais qui repart de l’avant et qui concentre 60 % de nos effectifs. Enfin, nous avons les expérimentés, soit environ 15 % de nos recrues, qui s’avèrent être généralement des spécialistes à part entière de secteurs bien déterminés.

JA. Existe-t-il encore des barrières pour un ingénieur dans le passage d’un secteur à un autre ?
PB.
Non, plus vraiment et, contrairement à ce que l’on pourrait croire, cela n’est pas un bon signe. Auparavant, un ingénieur gagnait mieux sa vie dans le conseil et dans les sociétés de service que dans l’industrie. Il était donc compliqué pour lui de faire la bascule entre les deux. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas car les niveaux de rémunérations se sont homogénéisés, facilitant les transferts entre les différents secteurs.

JA. Au-delà des salaires, ce phénomène ne s’explique-t-il pas aussi par le choix des entreprises d’avoir dans leurs rangs des profils plus atypiques ?
PB.
Sans doute. Il y a une certaine ouverture d’esprit qui est plus importante aujourd’hui qu’hier et qui fait que les entreprises privilégient désormais des ingénieurs aux compétences multiples plutôt que des spécialistes à part entière d’un secteur. Nous sommes un bon exemple de ce phénomène, 80 % des gens qui nous quittent partent dans l’industrie. Altran constitue un accélérateur de carrière. En rentrant directement dans ce secteur, un employé peut espérer devenir chef de projet en sept à huit ans contre trois à quatre ans en étant passé par chez nous. C’est une bonne chose car cela nous permet également de faire vivre le lien entre les donneurs d’ordres et nous.

JA. Dans un monde comme celui de l’automobile, en plein bouleversement, estimez-vous que les formations se sont adaptées assez vite aux changements ?
PB.
Globalement, j’ai l’impression que oui. En tout cas techniquement, la qualification au sortir de l’école est impeccable. Sur le plan de l’ingénierie pure, nous avons des gens extrêmement bien formés. Après, c’est aussi un secteur à progression lente, où les niveaux de salaires sont relativement bas, et où il est nécessaire de proposer quelque chose en plus pour réussir plus vite. De ce point de vue, les écoles font beaucoup d’efforts. Il faut que nos étudiants aient la capacité d’aller rapidement vers des fonctions de management ou de gestion de projets complexes, ou qu’ils aient une ouverture vers l’international.

JA. Est-ce devenu un prérequis dans le domaine de l’ingénierie ?
PB.
Bien entendu. Le conseil que l’on peut donner aux écoles d’ingénieurs, c’est d’intégrer les prérogatives des écoles de commerce en favorisant la multi-compétence et l’ouverture à l’international. Le monde de demain le nécessite. L’excellence académique ne suffit plus. Un ingénieur travaillant chez un équipementier automobile est en contact avec cinq autres centres de production dans le monde, va évoluer avec un groupe de travail d’origines multiples et doit forcément parler anglais. Aussi bon que vous soyez techniquement, l’absence d’une bonne maîtrise de l’anglais est rédhibitoire.

JA. Quels sont les prochains grands défis de l’automobile ?
PB.
Il y en a beaucoup. L’industrie automobile est ainsi faite qu’elle se nourrit de grands tournants, et nous sommes actuellement en train d’en vivre un. Le véhicule de demain sera pensé complètement différemment, que ce soit dans ses modes de fabrication, de consommation ou d’utilisation. La question de la propriété du véhicule, qui est en train de disparaître aux yeux de la nouvelle génération, doit nous obliger à revoir nos business models. A long terme, il n’est pas improbable de penser qu’une partie des véhicules ne seront pas vendus, mais simplement loués. C’est un premier axe de réflexion. Le deuxième concerne les technologies. Après la mécanique et les motorisations, s’engage désormais la réflexion du service. Il faut que celui-ci devienne une partie intégrante du véhicule que je vends, quitte à ce que l’automobiliste n’achète plus son véhicule mais le loue selon le nombre de kilomètres parcourus, l’utilisation de la musique ou encore le fait de favoriser ou non le covoiturage. Les constructeurs cherchent désormais à monétiser la présence de l’automobiliste dans son véhicule et, de ce point de vue, la voiture connectée est un autre défi. Cela permet aussi de rebattre les cartes entre spécialistes de l’automobile et spécialistes de l’informatique. C’est exactement ce qui se passe actuellement, ouvrant de nouvelles voies à ce secteur.

 

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