Bruno Rogier, brand manager Dacia France
Journal de l'Automobile. Que vous inspire ce résultat aux GPMA, identique à celui de l'an passé, ce qui induit une solidité et une continuité de vos performances et écarte l'hypothèse de "l'échantillon béni" ?
Bruno Rogier. C'est une grande satisfaction, car cela prouve effectivement que notre performance s'inscrit dans la durée. En outre, nous sommes désormais jugés sur une gamme étendue et pas uniquement sur deux ou trois produits. L'étude est largement focalisée sur la relation clients et vient récompenser les efforts significatifs que nous avons déployés au niveau du réseau. Depuis 2008, nous avons œuvré à la mise en place d'un réseau dédié et nous nous appuyons aujourd'hui sur 222 sites, dont 52 Dacia Box, avec une force de vente spécialisée. On peut aussi estimer que ces récompenses sont le reflet du succès commercial de Dacia, qui pointe aujourd'hui dans l'Hexagone au 4e rang des marques sur le marché des ventes à particuliers.
JA. Avec le Duster, qui fait valoir un design plus affirmé, avez-vous réussi à maintenir un haut niveau de "carry-over" et de "carry-cross" ?
BR. Considérant qu'il s'agit du fondement de la politique industrielle de la marque pour garantir une fiabilité maximale et un prix bas, nous n'avons pas modifié nos méthodes. Ainsi, le Duster présente 45 % de pièces communes avec les Logan et Sandero. On peut notamment citer les portes avant, la planche de bord, les sièges, le pare-brise, etc. Sans parler de la plate-forme commune naturellement. En outre, il embarque des moteurs Renault éprouvés, l'essentiel du mix étant réalisé avec le 1.5 dCi qui a fait ses preuves sur Clio, Mégane et Laguna. Toutefois, il est vrai que nous avons développé un travail plus spécifique sur le design pour ce modèle car le segment l'imposait.
JA. Après Sandero, la marque a précisément franchi un nouveau cap avec le Duster : ne craignez-vous pas d'être exposé à une clientèle plus exigeante et plus versatile avec ce modèle ?
BR. Sachant que nous avons d'ores et déjà immatriculé 10 000 Duster en 6 mois et qu'il figure au 3e rang de son segment, nous disposons désormais d'études ad hoc pour répondre à votre question. En fait, le profil des acheteurs de Duster est le même que celui des clients traditionnels de la marque. A savoir des clients venant majoritairement du VO, notamment ancien. Ils représentent près de 60 % des ventes ! Les motivations d'achat sont aussi les mêmes : le prix, les coûts d'utilisation, la fiabilité et l'espace intérieur. Par ailleurs, notre taux de conquête autres marques est très important avec le Duster, de l'ordre aussi de 60 %.
JA. Certains distributeurs évoquent un délai de livraison de 9 mois, n'est-ce pas pénalisant ?
BR. Le délai de livraison moyen est de 7 mois et nous avons réussi à le stabiliser depuis deux mois. Aujourd'hui, si vous commandez votre Duster, vous serez livré en mars. Nous avons réagi et plusieurs plans d'action sont en cours au niveau de la production pour réduire ce délai.
JA. Quelle est votre définition du marché communément appelé low-cost, sachant que son périmètre varie d'une analyse à l'autre, et quelle évolution lui prédisez-vous en Europe de l'Ouest en général et en France en particulier ?
BR. A nos yeux, le low-cost ne saurait se résumer à un prix brut. En clair, le low-cost ne rime pas uniquement avec un véhicule de moins de 8 000 ou 7 000 euros. Le low-cost renvoie à un positionnement prix et chez Dacia, il s'agit de proposer un véhicule d'un segment donné au prix du segment inférieur. Vous pouvez le vérifier avec Logan MCV, Sandero ou Duster. En revanche, ce positionnement ne signifie aucunement que le client est prêt à rogner sur les valeurs de fiabilité, de qualité ou de maîtrise de la consommation par exemple. C'est précisément la volonté de Dacia d'offrir le meilleur rapport prix/prestations. Je pense que ce marché est appelé à croître en Europe comme en France car il correspond à un courant de fond qui se vérifie dans plusieurs secteurs, dont l'automobile. Je renvoie à l'étude de l'Observatoire Cetelem, publiée en janvier dernier, et mettant en lumière qu'un Européen sur quatre est prêt à acheter un véhicule low-cost (N.D.L.R. : en France, 18 % des sondés se disaient prêts à franchir le pas).
JA. Par rapport à votre positionnement et à vos spécificités, prix fixes et quasiment sans remises, éventail d'options réduit…, avez-vous songé à exploiter le canal Internet pour vendre vos véhicules et réduire encore les coûts de distribution ?
BR. Ce n'est pas à l'ordre du jour. Au contraire, nous avons fait le choix de développer notre réseau physique pour mieux mettre l'accent sur la proximité et les services.
JA. Si le succès de la marque est fulgurant, il est donc porté par une valeur générique d'utilitarisme et de surcroît favorisé par un pouvoir d'achat contraint. Comment comptez-vous construire une réelle image de marque pour Dacia en France ?
BR. Si l'on prend en compte le fait que Dacia est une marque très récente en France, j'estime qu'elle bénéficie déjà d'une image forte. Nous avons d'ailleurs beaucoup travaillé sur le développement de sa notoriété et elle apparaît à un niveau très élevé, comparable à celui des constructeurs "historiques". Le meilleur rapport prix/fiabilité/habitabilité constitue la valeur phare de la marque. Et nous nous développons actuellement sur le mouvement sociétal de "l'achat malin", de la recherche de l'objet utile pour des consommateurs qui ont pris une certaine distance par rapport à un produit et qui ne sont pas prêts à y mettre plus d'argent que cela. Dacia en est une excellente illustration à tel point que l'on pourrait parler de Dacia Attitude. Par ailleurs, nos clients ne font pas forcément de prosélytisme mais s'expriment volontiers sur leur vécu positif de la marque car la promesse initiale est systématiquement tenue. Bref, la marque a une vraie image et Dacia bénéficie d'un réel capital sympathie, comme en atteste le succès du grand pique-nique Dacia (N.D.L.R. : voir www.grandpiqueniquedacia.com pour les rassemblements du 19 septembre).
JA. A l'heure où nombre de constructeurs communiquent sur le pouvoir d'achat et rivalisent de remises, quels sont vos principaux concurrents ?
BR. Pour Sandero, la concurrence ne se limite pas aux constructeurs qui ont choisi de communiquer sur le pouvoir d'achat et nous nous retrouvons aussi face à tous les généralistes traditionnels. En revanche, pour le Duster, nous n'avons pas de concurrent direct car ce véhicule combine qualités routières et capacités de franchissement à un prix imbattable, ce qui explique d'ailleurs l'ampleur de son succès.
JA. L'étude révèle que la durée de garantie est un argument déterminant pour les clients. Envisagez-vous d'aller plus loin dans ce domaine ? Par ailleurs, Renault offre une garantie moins longue que Dacia, n'est-ce pas paradoxal ?
BR. Nous avons fait le choix d'une garantie 3 ans/100 000 km au moment du lancement de la Logan berline, c'est-à-dire lorsque nous partions d'une page blanche. Il était nécessaire de rassurer et de conforter les clients dans leur choix car ils venaient principalement du VO ancien et connaissaient l'expérience malheureuse des pannes. Cependant, il ne nous paraît pas aujourd'hui opportun d'aller plus loin, d'autant que des extensions de garantie classiques sont proposées. Quant à Renault, il n'y a pas d'évolution majeure prévue sur ce point.
JA. Dans une optique similaire, Dacia bénéficie de l'image de Renault, mais avec l'élargissement annoncé de votre gamme, ne craignez-vous pas que Dacia puisse nuire à Renault, à terme, surtout que Renault a déserté le haut de gamme et essuyé l'échec de Laguna ?
BR. Il faut bien comprendre que Renault est à la base du succès de Dacia. Notre marque s'est appuyée sur l'ingénierie de Renault et bien entendu, sur son réseau. Bref, la clé du succès actuel de Dacia, c'est Renault. En revanche, il n'y a pas de risque de cannibalisation, car le positionnement des marques est distinct. Par exemple, Renault propose un confort de conduite de meilleur aloi, des options comme les toits ouvrants ou des climatisations perfectionnées. Dacia ne le fait pas et ne le fera pas, restant au niveau de l'entrée de gamme du groupe. Les chiffres étayent ce discours. Depuis le lancement de la Logan break MCV en 2007 et sur le marché des ventes à particuliers qui constitue le cœur de cible de Dacia, Renault a progressé de 2,1 points et Dacia de 5,2 points. Avec 27,7 % de part de marché, jamais le Groupe Renault n'a été aussi performant qu'aujourd'hui.
JA. Malgré le succès et les récompenses, les hommes qui assurent le pilotage opérationnel de Dacia en France sont plutôt effacés au sein du groupe, qu'est-ce que cela vous inspire ?
BR. Comme je l'évoquais à l'instant, c'est tout simplement parce que la réussite de Dacia est issue de Renault et que le développement de la marque s'appuie aussi sur l'expertise commerciale des collaborateurs de Renault. Il n'y a jamais eu volonté de créer une structure de marque à part entière, afin de conserver une grande flexibilité. Les équipes dédiées à Dacia sont donc transverses et intégrées chez Renault.
BIO EXPRESS
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