Voiture d'occasion : le boom de la préparation esthétique
Par Ambre Delage
Il y a ce que les yeux voient et ce qu’ils ne voient pas. Dans le premier cas, le véhicule est propre et brille comme un sou neuf. Dans le second, il est débarrassé de ces irritantes petites griffures et microrayures qui enlaidissent la carrosserie, les plastiques des optiques sont déjaunis, les jantes retrouvent une seconde vie, l’habitacle fleure bon le neuf et il est, si besoin, totalement désinfecté. Dans le premier cas, le véhicule a fait l’objet d’un grand nettoyage. Dans le second, il est passé entre les mains d’un as de la préparation esthétique maniant, avec maestria, le lavage et le smart repair. Si, il y a encore quelques années, ce métier restait assez confidentiel, il fait aujourd’hui l’objet de toutes les attentions, tant auprès des vendeurs de véhicules d’occasion que des flottes.
Les flottes pour limiter les frais, les pros du VO pour mieux vendre
Et ce, pour plusieurs raisons. La première : l’exigence des clients. Aujourd’hui, en effet, l’automobiliste ne veut plus acheter une occasion qui a l’air d’une occasion. Il faut que la voiture sur laquelle il a jeté son dévolu soit belle, propre, débarrassée de la moindre cellule épithéliale du propriétaire précédent. La seconde raison : l’explosion du VO. Avec une hausse de 17,9 % en 2020, le marché de l’occasion n’en finit plus de marcher sur les platebandes du neuf. La preuve : il se vend, dans l’Hexagone, trois VO pour un seul VN. Or, pour mieux vendre ces occasions, à l’heure où Internet permet de comparer les prix de France et de Navarre depuis son canapé, mieux vaut les mettre en valeur. En l’occurrence, la préparation esthétique n’a pas son pareil pour ce genre de tâches.
Concrètement, pour Florian Benoit, fondateur et CEO de CosmétiCar : "Un concessionnaire fait appel à nous pour deux choses : le VN et le VO. Sur le neuf, nous réceptionnons le véhicule, nous faisons les premières mises en service (plaques, mises à niveau, enlevage des films en plastique, etc.), donc il s’agit davantage d’une mise à la route. Sur le VO, nous faisons du pressing intérieur, du lustrage de carrosserie, de l’entretien pour déternir les plastiques, déjaunir les phares, enlever les griffures, etc. Donc là, nous sommes vraiment dans la valorisation du VO. Les concessionnaires ne sont pas tous organisés pour faire cela, d’où le fait qu’ils nous sollicitent. Pour les professionnels de l’automobile, nous faisons 80 % de VO et 20 % de VN. Pour les flottes, nous intervenons de plus en plus pour faire de l’entretien courant, c’est‑à‑dire que l’on a des contrats mensuels ou bimensuels d’entretien jusqu’à la restitution ou alors nous intervenons juste avant la restitution pour éviter que les loueurs facturent des frais trop importants de remise en état." Car les flottes, elles, voient, en effet, dans la préparation esthétique une manière efficace d’entretenir régulièrement l’aspect général de leurs autos et, par conséquent, de limiter les frais de restitution qui ont eu tendance à exploser ces dernières années.
Un métier encore largement sous‑traité
Peintures mates, vernies, voire pailletées, carrosseries bicolores, montants de porte et tableaux de bord laqués, chromes omniprésents… Devant le souci du détail souhaité par les constructeurs en matière d’esthétique, une simple lingette avec de l’eau ne suffit plus à nettoyer les véhicules. Quant aux carrosseries, elles attirent les microrayures comme jamais. Moralité, pour les acteurs de la préparation esthétique, le marché a grandement évolué ces dernières années. En termes de demandes d’abord. "Là où l’on peut sentir une évolution, c’est dans les groupes de distribution. Avant, certaines personnes servaient de petites mains pour l’entretien courant des véhicules et ils faisaient appel sporadiquement à des entreprises comme la nôtre. Mais de plus en plus, ces mêmes groupes regardent de plus près la préparation esthétique au point de nous la confier plus systématiquement en sous‑traitance, pour avoir plus de souplesse dans leur cœur de métier", observe Hervé Casquet, directeur général de Sineo.
Une tâche rarement traitée en interne tant l’opération est chronophage : en moyenne, la préparation esthétique complète d’un véhicule prend entre 3 et 5 h pour des professionnels équipés des produits ad hoc. Seules exceptions à la règle : ceux qui créent aujourd’hui des centres de reconditionnement de véhicules d’occasion quasi industrialisés, à l’instar de Qarson, Emil Frey ou encore Briocar. Pour tous les autres, y compris pour des particuliers toujours plus soucieux d’entretenir leur véhicule, les entreprises spécialisées dans la préparation esthétique telles que CosmétiCar, Sineo ou encore Ecolave cartonnent.
C’est ainsi que Jérémy Richard, fondateur et PDG d’Ecolave explique : "En 2020, malgré une année particulière, plus de 70 % de nos agences ont recruté des collaborateurs, avec une moyenne de 7 salariés par site, parce qu’elles ont vu leur exploitation augmenter. En moyenne, le chiffre d’affaires de nos franchisés a progressé de 30 %, notamment parce qu’ils réalisent de plus en plus de prestations de lavage + smart repair. Autre évolution en 2020 : une augmentation de nos centres fixes. Certains franchisés ont, en effet, pris un local et aujourd’hui, Ecolave a 10 centres esthétiques en France… Nous en avions 4 en 2019 ! Ces centres fixes permettent de développer l’offre aux particuliers, car contrairement aux professionnels, ils préfèrent se déplacer plutôt que nous venions à eux pour ce type de prestations."
Le lavage sans eau : un atout majeur
Mais le marché de la préparation esthétique a aussi évolué en termes d’attentes, notamment de la part des flottes d’entreprise. Car devant des politiques RSE toujours plus présentes, le souci écologique est devenu un critère de choix prépondérant. Ainsi, pour Florian Benoit : "Il y a une notion qui prend de l’ampleur, c’est la consommation d’eau. Lorsque nous avons commencé à travailler auprès des flottes, nous soulignions nos interventions en mobilité, alors qu’aujourd’hui, dans les appels d’offres, ce qui est mis en avant, c’est le lavage de véhicules sans eau et donc forcément, cela joue en notre faveur. D’ailleurs, aujourd’hui, tous nos clients grands comptes nous imposent le nettoyage de véhicules sans eau." Un constat partagé par l’ensemble des acteurs de ce marché qui, tous, ont fait du lavage sans eau l’un de leurs principaux atouts. Sineo, par exemple, favorise le plus possible dans ses prestations le nettoyage sans eau et cherche sans cesse à n’utiliser que des produits 100 % biodégradables qui soient aussi performants que « leurs cousins issus de la pétrochimie", précise Hervé Casquet. Quant à Ecolave, Jérémy Richard avoue volontiers que désormais : "On ne nous appelle pas que pour le service et la qua‑ lité, mais aussi pour l’écologie."
De confidentiel, le secteur de la préparation esthétique est devenu une activité à part entière qui entend bien continuer à se développer, en marge de l’explosion du marché des véhicules d’occasion. Le plan d’attaque ? La digitalisation. "C’est une notion qui s’est accélérée avec le Covid et cela va changer considérablement la manière dont fonctionne la consommation de l’automobile. Et pour cause : aujourd’hui, on peut commander son véhicule sur Internet. Or, pour le livrer chez le client, ce qui se fait de plus en plus, il n’y a qu’à voir Tesla ou encore Volvo qui ne veut faire à terme que de la vente en direct, il faut faire un check‑up, une remise au point, un nettoyage… Cela, nous savons le faire et nous allons pouvoir très vite nous adapter", envisage Florian Benoit. Une notion qui n’a sans doute pas échappé non plus à Ecolave qui, lui, entend très rapidement diversifier son activité, pour répondre plus largement aux attentes de ses clients, en matière de carrosserie notamment.
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