Transpolis nous a ouvert ses portes
Le panneau à l'entrée qui signale l'interdiction de prendre la moindre photographie donne le ton. On pénètre sur un lieu protégé par le secret. Le gage du confort pour les industriels qui viennent y réaliser des expérimentations. Pour la première fois, le site de Transpolis a ouvert ses portes au public. Erigé sur les vestiges d'une base militaire, à Béligneux (à une trentaine de kilomètres au nord-est de Lyon), ce complexe se veut le pendant européen de M-City aux Etats-Unis, à savoir une véritable ville-laboratoire pour les nouvelles technologies de mobilité.
L'inauguration officielle est prévue pour janvier 2019, d'où la présence d'engins de chantier et d'artisans qui s'activent pour finaliser l'aménagement. Mais l'essentiel tient debout et la voirie est praticable jusqu'à être accessible à l'autocar depuis lequel nous effectuons la visite des installations. Six kilomètres de route à l'image des tracés de campagne débouchent sur douze kilomètres de circulations en milieu urbain. Plus loin, une longue bande reproduit les conditions de circulation sur autoroute. Transpolis rassemble la diversité des univers.
Au sol, les marquages français, italiens, allemands ou encore espagnols permettront aux véhicules de voyager à travers l'Europe. Avec de l'adhésif, il sera également aisé de dépasser les frontières et de simuler un parcours au Japon. Tout est prévu sur les 80 hectares de terrain (dont 30 hectares de ville factice) que couvre Transpolis. D'ailleurs, depuis octobre des tests ont commencé sur certains tronçons, tel que celui dédié à la résistance des barrières de sécurité. Un autocar qui a servi à l'expérimentation gît en contre-bas.
20 millions d'euros d'investissement public-privé
Pour réaliser ce projet né il y a dix ans dans l'esprit de la direction du pôle de compétitivité-cluster LUTB (devenu Cara), il a fallu trouver un budget de 20 millions d'euros. Une somme collectée pour moitié auprès des pouvoirs publics, dont cinq millions d'euros sont venus de l'Etat et autant de la Région Rhône-Alpes. Et pour moitié auprès de 14 investisseurs privés, parmi lesquels Renault-Nissan, Toyota, Renault Trucks, Plastic Omnium ou encore Navya.
En qualité de site d'expérimentation, Transpolis a retenu un modèle économique de location. Les clients pourront profiter des infrastructures 365 jours par an et aussi des compétences en ingénierie disponibles sur place. "Entre le bitume et l'intelligence, la valeur du devis devrait se répartir en 20/80", explique Stéphane Barbier, le directeur du développement de la ville-laboratoire. A l'ouverture, les ressources humaines se constitueront de 15 ingénieurs et 5 personnes au support. "Nous pourrions étoffer cette équipe et doubler les effectifs dès 2019", envisage-t-il. Sur la base du périmètre actuel, Transpolis va devoir générer un minimum de 2,5 millions d'euros de chiffre d'affaires pour atteindre son seuil de rentabilité, estime globalement le directeur du développement.
L'un des premiers contrats décrochés l'a été dans le cadre du projet Avenue, qui entend mettre en service des véhicules autonomes dans plusieurs villes d'Europe, dont celle de Lyon. Navya pourra, à titre d'exemple, exploiter les solutions de simulation digitale d'environnement afin de parfaire son modèle comportemental avant une mise à la route. L'intégralité du site de Transpolis sera cartographiée pour intégrer les données dans les véhicules autonomes des clients. "Nous sommes encore en négociation avec un des acteurs", confie Stéphane Barbier.
Retenu comme pilote 5G
Transpolis a tout mis en œuvre pour la connectivité, en particulier les échanges entre véhicules (V2V), vers les infrastructures (V2I) et les tiers (V2X). Sous le sol, 300 km de fibre optique se déroulent et alimentent des points auxquels viendront se brancher des équipements (feux tricolores, signalisations, éclairage public…). Pus remarquable encore, l'annonce du directeur du développement : le laboratoire servira de site pilote pour la 5G, à l'occasion du dispositif prévu par le plan gouvernemental dévoilé l'été dernier. C'est ainsi que Bouygues est devenu un partenaire technique – une forme de sponsor – et qu'Ericsson fera durablement son entrée sur le complexe dont le contrat d'exploitation court sur cinquante ans.
L'électromobilité aura sa place, assure le directeur du développement. Cent kilovoltampères permettront de fournir un réseau de bornes de recharge déployé in situ. Les véhicules légers comme les poids lourds pourront s'y brancher. Une piste à induction ou des équipements d'électrification de la voie pourraient apparaître ensuite. "Si Air Liquide veut aménager une station hydrogène, nous étudierons le dossier et sa faisabilité, assure Stéphane barbier. Tout est possible s'il y a de l'intérêt."
L'ambiance de la base demeure intacte. Quarante bâtiments de 900 m² chacun – qui servaient au stockage de munitions – participent à l'animation du décor qui prend des allures de studios hollywoodiens. Pour l'heure, aucun plan de réhabilitation n'est envisagé. Au mieux "un ou deux" seront transformés en pavillons d'événementiel. Mais il y a un problématique : aucun des clients ne peut s'installer. Dans le meilleur des cas, la communauté de communes pourrait construire une technopole sur 40 hectares non loin de Transpolis. Alors, comme sur le circuit de Mortefontaine (60), l'idée de céder certains des entrepôts contre rémunération a un cheminement à faire. Le modèle économique de la ville-laboratoire n'est peut-être pas encore figé. Nous y reviendrons donc dans quelque temps pour voir comment les choses ont évolué.
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