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SITL : une orientation délibérément environnementale

Publié le 1 avril 2005

Par Tanguy Merrien
10 min de lecture
La Semaine internationale du transport et de la logistique vient de s'achever. Pendant trois jours, transporteurs, logisticiens et autres prestataires se sont côtoyés et ont échangé leurs expériences pratiques sur le développement durable, thème principal du Salon cette année. Recueil. Le...
La Semaine internationale du transport et de la logistique vient de s'achever. Pendant trois jours, transporteurs, logisticiens et autres prestataires se sont côtoyés et ont échangé leurs expériences pratiques sur le développement durable, thème principal du Salon cette année. Recueil. Le...

...Salon de la Semaine internationale du transport et de la logistique (SITL), qui s'est déroulé du 22 au 24 mars dernier, Porte de Versailles, à Paris, a fermé ses portes. Dédié aux solutions durables pour de nouvelles intelligences dans le transport, l'événement était placé cette année sous le thème du développement durable. Les organisateurs du SITL souhaitaient en effet démontrer la dynamique du secteur dans ce domaine. Une mise en exergue en quelque sorte des entreprises ayant su appréhender le développement durable pour l'insérer au cœur de leur activité. Le Salon a même créé un prix spécial Développement durable, afin de récompenser le binôme chargeur/prestataire (autrement dit le transporteur et son client) ayant appliqué une démarche volontaire dans ce sens. L'expression peut sembler aussi artistiquement floue que d'autres formules bien pensées, mais celle-ci s'installe progressivement dans les mentalités… Dans les textes, il s'agit de répondre aux besoins présents de notre société sans compromettre les besoins futurs, en prenant en compte le facteur économique, social et environnemental. Appliqué dans le monde des transports, l'enjeu est de taille. Certains acteurs se sont largement exprimés sur le sujet et ont pu apporter des exemples d'application concrète. Si le développement durable est entré dans les mœurs et n'apparaît plus comme un concept, il s'oppose frontalement à la formidable progression du transport routier depuis plusieurs années. Les faits sont là : la cohorte croissante depuis une quinzaine d'années de poids lourds sur les routes et autoroutes de France représente à elle seule 20 % des émissions de gaz carbonique.

Une nouvelle règle de comportement : une réalité en entreprise ?

Sachant que le fret routier représente le mode de transport le plus utilisé pour le transport de marchandises et que, par un fait mathématique, il devrait encore augmenter du fait de l'extension de l'Europe, la France peut tirer la sonnette d'alarme car les critères du sommet de Kyoto sont loin d'être respectés. En effet, l'Union européenne est tenue de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 8 % par rapport à leur niveau de 1990 au cours de la période de 2008-2012. Or, les volumes d'échanges devraient, selon toute vraisemblance, augmenter de près de 50 % dans les dix ans à venir. Alors, comment prendre en compte l'environnement et ce concept de développement durable dans le domaine du transport ? N'est-ce pas incompatible ? Les entreprises de transport font-elles réellement des efforts pour intégrer cette notion écologique au sein même de leur activité ? Quels sont les freins à sa mise en place ? A toutes ces questions légitimes, un quorum de




SITL EN CHIFFRES


  • 350 exposants.
  • 15 000 visiteurs en 2003
  • 19 000 m2 d'exposition.

  • professionnels a tenté de répondre pendant le Salon. Avec la volonté de dresser un état des lieux de la situation de la France dans son contexte européen. Ainsi, Jean-Claude Michel, président de la SITL et président du directoire du groupe Norbert Dentressangle, estime que le transport routier reste à ce jour le seul moyen de transport qui permette un développement économique profitable pour un pays. "Mais un camion pollue et peut générer des accidents. Il faut donc que la profession prenne ses responsabilités, fasse un bilan et établisse des critères d'applications, tant en interne qu'en externe d'ailleurs. Arrêtons le dogmatisme." Autrement dit, il devient nécessaire que tous les professionnels concernés, transporteurs, donneurs d'ordre et pouvoirs publics, échangent leurs idées et prennent les décisions qui s'imposent autour de la table des négociations. En interne, il s'agit d'expliquer, de motiver et de former les salariés et plus particulièrement les chauffeurs, pour que ces derniers adoptent un comportement citoyen. "Chaque entreprise peut s'engager dans cette voie citoyenne, sociale et économique", lance Jean-Claude Michel. Qu'en est-il alors de la solution alternative que représente le ferroutage ? "Le seul décideur, c'est notre client, explique-t-il, et ce mode de transport ne correspond pas à ses attentes. Au niveau européen, il n'y a pas de coordination et les infrastructures ne sont pas suffisantes." Un avis également partagé par Denis Choumert, directeur achats et logistique de Ciments Calcia, qui explique que, malgré les réflexions menées dans ce sens, les sites industriels s'inscrivent dans un maillage territorial complexe, où interviennent divers fournisseurs. "La démarche est en cours, mais il existe encore trop de distorsions entre tous les acteurs pour que le ferroutage soit correctement appliqué. Il faut que les décisions soient prises de manière commune."

    La massification des flux pour optimiser chaque transport

    Outre la nécessité d'une prise de décision collégiale, les professionnels reconnaissent également la mutation d'un secteur qui se veut définitivement mondialiste, avec des flux de plus en plus importants. Il est donc nécessaire de massifier ces flux, selon l'expression consacrée, c'est-à-dire de faire du volume pour optimiser les trajets et éviter autant que possible le retour à vide des camions. D'autres axes de développement permettant de réduire le nombre de véhicules sur les routes sont également à l'étude. Augmenter les possibilités de charge des poids lourds par exemple. En passant de 40 à 44 tonnes, les statistiques montrent une baisse de 6 à 7 % des camions sur les routes. L'amélioration de la technique des motorisations des véhicules (Normes Euro 4 et l'obligation des filtres à particules notamment), permettrait de réduire les émissions de gaz. Le regroupement d'entrepôts, en dehors des villes et près d'axes autoroutiers et ferroviaires, dans des parcs logistiques, est une autre solution déjà pratiquée. Ces parcs, éloignés des habitations, rassemblent 10 à 15 entrepôts, pour une surface de 200 000 m2 en moyenne. Une concentration stratégique qui évite ainsi une dissémination anarchique des sites sur le territoire. Enfin, le développement de




    FOCUS

    Réalité d'un test
    En transportant l'année dernière, entre Fos-Marseille et Lyon, 2 794 conteneurs par voie fluviale, le groupe Carrefour aurait réalisé une économie de 3 000 camions, soit une diminution des rejets de CO2 de 130 tonnes, pour une économie budgétaire de 6 %.

    nouveaux modes de transports alternatifs est aussi une solution, "à condition", lance Jérôme Bedier, président de la Fédération du commerce et de la distribution, "qu'ils soient efficaces tant économiquement qu'écologiquement". Alors, quid des véhicules de livraison électriques dans les centres-villes ? Des tests ont démontré que leurs caractéristiques actuelles sont encore trop peu adaptées aux besoins réels : peu d'autonomie, faible capacité de charge, celle-ci étant encore trop dépendante du poids du véhicule. "Il faudrait une réelle volonté des pouvoirs publics pour que les véhicules électriques deviennent un mode de transport courant - sans jeu de mot - dans la livraison de marchandises", conclut Jérôme Bedier. Le directeur des Transports terrestres, du ministère de l'Equipement et des Transports, Patrice Raulin, constate que la route a pris les devants par rapport au transport ferroviaire qui diminué de 18 à 13 % ces quinze dernières années. "La France, explique-t-il, est un pays de transit qui améliore sans cesse son infrastructure routière. Le financement est combiné entre pouvoirs publics et privés. Le gouvernement a déjà injecté 7 milliards d'euros dans cette optimisation." Quant à la diminution de l'utilisation du réseau ferroviaire, elle pourrait s'expliquer, selon lui, par au moins un facteur déterminant : la baisse qualitative du réseau pour le transport des marchandises, les efforts de la SNCF étant orientés vers le transport des passagers. De plus, au niveau communautaire, le directeur des Transports terrestres reconnaît le manque d'harmonie crucial entre les pays. Le réseau ferroviaire en Espagne, par exemple, diffère du modèle français. "Du coup, certaines voies espagnoles sont incompatibles avec nos trains", lance-t-il.

    Le transport routier reste le mode le plus souple et efficace

    D'une façon générale, les professionnels sont favorables aux transferts modaux, à condition qu'ils soient utilisés de manière pertinente. C'est ce que résume Stefano Chmielewski, le P-dg de Renault Trucks : "Le transport combiné est un mode efficace sur longue distance, et le ferroutage ne se justifie selon nous que sur des portions de parcours limitées, pour franchir un obstacle naturel par exemple. C'est un leurre de dire que les transferts modaux pourront changer significativement la donne en matière d'enjeux climatiques." Selon lui, le transport routier conserve des avantages considérables de souplesse et d'efficacité qui en font un mode dominant pour longtemps. De plus, il absorbe massivement et de manière économiquement acceptable l'accroissement des besoins de mobilité des marchandises. Le transport routier doit innover dans ses outils, ses pratiques, ses infrastructures. "Ceci passe par une approche systémique de tous ses acteurs : les constructeurs, les professionnels routiers, les logisticiens et les opérateurs des infrastructures", estime le président. Et d'ajouter qu'il serait judicieux que plus de fonds publics soient consacrés à aider la recherche pour le mode routier, "car c'est là que sont les enjeux essentiels pour la société tout entière", conclut-il.


    Muriel Blancheton


     





    QUESTIONS À<<<

    Stefano Chmielewski, P-dg de Renault Trucks


    "Des mesures de types permis d'émissions n'auraient pas grand sens."


    Journal de l'Automobile. Quels sont les impacts négatifs liés à votre activité ?
    Stefano Chmielewski. Les impacts négatifs qui nous préoccupent en priorité sont les impacts indirects liés pour l'essentiel à l'utilisation faite de nos produits. Il s'agit des nuisances environnementales (pollution, bruit, effet de serre…) et des accidents de la circulation routière. Nous consacrons depuis de nombreuses années d'importantes ressources humaines, financières et technologiques pour que des progrès significatifs soient apportés à nos produits, au bénéfice de toute la société. Nous avons obtenu des résultats positifs, qu'il s'agisse de la pollution par les gaz d'échappement qui a pratiquement disparu ou de la sécurité routière. Sur le plan industriel, nous avons mis en œuvre des systèmes de management de l'environnement afin que nos sites de production ne provoquent pas de nuisances, ni pour nos collaborateurs, ni pour les riverains de nos usines. La maintenance et la fin de vie de nos véhicules sont aussi des phases génératrices de nombreux déchets. Là encore, nous avons mis en place un système spécifique de management de l'environnement dans tout notre réseau pour limiter au maximum l'impact négatif de son activité.


    JA. Le secteur du Transport peut-il appliquer les mêmes mesures que les autres secteurs industriels, en matière de rejets de CO2 ?
    SC. L'exploitation saine d'un camion impose que ce dernier observe une consommation minimum car le carburant pèse pour près de 20 % dans le compte des charges d'exploitation du transporteur. Le transport se fait donc pour l'essentiel à consommation minimale et il est difficile d'imaginer des mesures simples allant vers une limitation supplémentaire des consommations spécifiques des véhicules. Par ailleurs, la profession est très atomisée avec près de 40 000 entreprises en France. Des mesures de type permis d'émissions, telles qu'elles sont appliquées depuis peu dans certaines industries, n'auraient à notre avis pas grand sens et ne changeraient pas fondamentalement la situation.


    JA. Quelles seraient les mesures que le gouvernement devrait prendre pour inciter tous les acteurs à développer une politique de développement durable ?
    SC. Il ne faut espérer aucun miracle à court terme, ce n'est que la conjonction des patients efforts de tous les acteurs du transport routier qui permettra d'exploiter quelques gisements encore existants en matière d'économies de carburant. Les constructeurs y participent en améliorant les performances des véhicules et, par exemple, grâce au post-traitement des gaz d'échappement, nous espérons un gain significatif en consommation dès mi-2006. Nous menons aussi des recherches pour développer des filières d'énergies alternatives telles que l'électricité ou le gaz naturel, de nouvelles chaînes cinématiques avec l'hybridation et, pour certaines applications, la pile à combustible. Les opérateurs de transport peuvent agir par exemple sur la formation des conducteurs à la conduite économique, par une organisation plus efficace de leurs tournées ou par un entretien plus minutieux de leurs véhicules. Les chargeurs ont leur rôle à jouer en favorisant les transferts modaux et en donnant la priorité aux chargements complets ou même en révisant certains schémas de logistique industrielle de distribution. Enfin les pouvoirs publics peuvent donner une impulsion importante en encourageant par exemple le renouvellement des parcs anciens, ou par la résolution de certains problèmes récurrents de congestion routière responsables de formidables gaspillages de gazole.

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