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Réemployer les véhicules essence Crit'Air 3 mis au rebut pour soutenir les ménages les plus modestes

Publié le 7 décembre 2023

Par Jean-Baptiste Kapela
7 min de lecture
La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a adopté à l’unanimité, le 29 novembre 2023, une proposition de loi pour favoriser le réemploi de véhicules les moins polluants, après leur mise au rebut. Si la loi passe, près de 10 000 véhicules essence Crit’Air 3 pourraient permettre d’éviter la précarité liée à la mobilité de certains ménages.
59 % des véhicules finissant en centre de VHU sont Crit'Air 3. ©CL-Medien

Dans la course à la décarbonation de l’automobile, il faut faire feu de tout bois. Le 29 novembre 2023, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a adopté une nouvelle proposition de loi de l’ancien sénateur Joël Labbé.

 

Celle-ci vise à favoriser le réemploi des véhicules les moins polluants après leur entrée dans un centre VHU. Fait rare pour être souligné, cette dernière a été adoptée à l’unanimité avec un consensus transpartisan.

 

Ce texte, composé de neuf amendements, s’inspire d’un article de la loi Climat et Résilience introduit par le Sénat, mais qui "n'avait malheureusement pas survécu à la commission mixte paritaire", précise Jean-François Longeot, sénateur du Doubs. Les sénateurs sont partis du constat que la promulgation de la loi d’orientation des mobilités (LOM) en décembre 2019 avait tendance à mettre de côté une partie des Français.

 

"Quatre ans après la promulgation de la loi LOM, force est de constater que l'accès à cette mobilité n'est pas une réalité pour tous nos concitoyens, en particulier dans les zones rurales, ajoute le sénateur du Doub. Or, la mobilité est un élément essentiel pour l’insertion professionnelle, l’accès à l’éducation et à l’emploi."

 

"Le dispositif prévu par la proposition de loi est légèrement retravaillé depuis la loi Climat et Résilience, mais son objectif, lui, reste le même. Il s'agit de permettre à certains des véhicules, aujourd'hui mis aux rebuts dans le cadre de la prime à la conversion (Pac), d’éviter leur destruction. Elle permettra ainsi aux autorités organisatrices de la mobilité (AOM) à titre volontaire, de bénéficier de ces véhicules, précise Jean-François Longeot. Cela doit permettre la mise en place des services de location solidaire au profit des ménages les plus fragiles."

 

Des véhicules qui pourraient encore rouler

 

Selon la commission, le secteur des transports représente la plus grande part des émissions de gaz à effet de serre en France (30 %). Pour lutter contre l'impact de l’automobile sur la qualité de l’air et la pollution, la France compte plusieurs mécanismes, et notamment la prime à la conversion.

 

Pour rappel, elle permet aux particuliers souhaitant acheter une voiture neuve ou d’occasion moins polluante, de bénéficier d’une aide allant jusqu’à 6 000 euros après la mise au rebut de leur ancien véhicule.

 

En général, les véhicules finissent dans un centre de traitement de VHU agréé. Les particuliers bénéficient de la prime à la conversion en présentant un "certificat de cession pour destruction" à un concessionnaire ou à l’Agence de services de paiement (ASP). Le dispositif fonctionne bien selon la commission. Ainsi, en 2022, 92 000 véhicules se sont trouvés mis au rebut après la Pac.

 

Un bilan réalisé par le commissariat général au développement durable datant de septembre 2022 précise par ailleurs qu’en 2021, la Pac a permis d'éviter 45 tonnes d’émissions de particules fines et 160 000 tonnes d’émissions de CO2. Néanmoins, la commission soulève un bémol : la plupart des véhicules mis au rebut pourrait encore rouler sans impact majeur pour l’environnement "sous certaines réserves".

 

A lire aussi : 1,3 million de primes à la conversion et bonus écologiques versés depuis 2018

 

Sur les 92 000 véhicules, l'âge moyen est de 20 ans, 70 % fonctionnent au diesel et 30 % à l’essence. Tous sont systématiquement détruits après leur arrivée dans un centre de VHU. Mais selon les chiffres donnés par la commission, 59 % des véhicules sont classés Crit’Air 3.

 

Des véhicules considérés comme moins polluants par les sénateurs et qui pourraient encore rouler. "En pratique, et hors zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m), dans lesquelles certaines catégories de véhicules voient leur circulation limitée, les véhicules mis "automatiquement" au rebut sont, pour certains d’entre eux, moins polluants qu’une partie du parc automobile roulant" présente le rapport de la Commission.

 

Une précarité automobile réelle

 

Autre constat de la commission : la précarité liée à la mobilité touche un quart des Français. D’après un sondage Wimoov et la Fondation pour la nature et l’homme (FNH) datant de 2022, 13,3 millions de Français seraient ainsi dans cette situation. À noter que 8,5 % de la population ne dispose d’aucun équipement individuel de mobilité ou d’abonnement à un service de transport en commun.

 

40 % des foyers fiscaux du premier quartile ne possèdent pas de véhicules (a contrario de la moyenne nationale qui est de 20 %) selon le Secours catholique. La commission d'enquête soulève que le prix d’acquisition et le coût des carburants sont les principaux freins.

 

La loi LOM devait justement réajuster ces inégalités par le biais des autorités organisatrices de la mobilité (AOM) et l’organisation de "services de mobilité solidaire" pour les ménages les plus précaires. Certains AOM ont déjà mis en place ce genre de services, mais sans cadre précis.

 

D’autre part, la commission met en exergue les garages solidaires, des associations permettant l’accès aux mobilités pour les ménages défavorisés via la vente de véhicules d’occasion, la location ou encore la réparation. Il en existerait 150 en France selon le réseau Solidarauto.

 

A lire aussi : Le groupe Mary aide les demandeurs d'emploi à se véhiculer

 

"Compte tenu de la modicité des loyers pratiqués par les garages solidaires, leur modèle économique repose essentiellement sur le don" présente le rapport. Un modèle économique jugé fragile par la commission. "Cette proposition de loi n'a pas vocation à porter une solution aux plus de 13 millions de Français touchés par le phénomène de précarité mobilité. Il me semble toutefois que le dispositif de location solidaire proposé aura sa zone de pertinence, de manière tout à fait complémentaire aux autres politiques publiques. À l’image du renforcement de l'offre de transport collectif et le leasing social. Il doit entrer en vigueur dans les prochaines semaines", assure le sénateur du Doub.

 

Un cadre ferme du dispositif

 

Face à ces deux constats, la proposition de loi, et notamment son article 1, devrait ainsi permettre de dégager une dizaine de milliers de véhicules Crit’Air 3 destinés à la destruction aux profits des AOM. L’objectif étant que ces derniers puissent proposer des services de mobilité solidaire, par eux-mêmes ou via les garages solidaires.

 

Cependant, la commission précise que cela devra se faire sous réserve du niveau de pollution et de fonctionnement des véhicules.

 

À noter que les conditions d’éligibilité des véhicules devraient être fixées par décret faisant suite à un examen de l’Ademe. D’autre part, l’article 2 de la proposition de loi devrait permettre de favoriser le développement du rétrofit.

 

Le gouvernement doit d’ailleurs remettre un rapport au parlement pour élaborer les mesures pour soutenir la conversion de véhicules pour les associations comme les garages solidaires.

 

Un amendement de la proposition de loi encadre également la durée de réutilisation des véhicules. Ainsi, les véhicules proposés ne seront disponibles qu’à la location et non à l’achat. Les propriétaires de ces véhicules seront donc les AOM précise un autre amendement.

 

Trois ans après une éventuelle application de la proposition de loi, une évaluation permettra de mesurer l’impact "sanitaire et environnemental".

 

"J'espère que le texte recueille également un large accord lors de son examen en séance publique qui aura lieu le 13 décembre prochain. Une fois adoptée par le Sénat, la proposition de loi poursuivra sa route à l'Assemblée nationale. Aussi, nous appelons le gouvernement à soutenir cette initiative sénatoriale", avance Jean-François Longeot.

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Vos commentaires

  1. je vous cite : "Sur les 92 000 véhicules, l'âge moyen est de 20 ans, 70 % fonctionnent au diesel et 30 % à l’essence. CES DERNIERS (donc ceux à essence) sont systématiquement détruits". Cette phrase est en contradiction avec le titre de l'article dont le sujet est le réemploi des véhicules essence critair 3.

    1. Bonjour Daniel,

      Merci pour votre remarque. Vous avez raison, grâce à la nouvelle loi, si elle est adoptée, tous les véhicules à essence arrivant dans les centres de VHU ne seront plus systématiquement détruits. Ils pourront être reconditionnés et loués à des automobilistes en situation de précarité.

      Cordialement,

      La rédaction du Journal de l'Automobile

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