S'abonner
Services

QPark : "La présence de l'enseigne dans la rue perd en influence sur la prise de décision"

Publié le 22 juin 2016

Par Gredy Raffin
6 min de lecture
La digitalisation du parcours d'achat a irrémédiablement changé les habitudes de consommation des automobilistes. Michèle Salvadoretti, directrice générale de QPark France et présidente du syndicat des exploitants de parkings, nous livre sa vision du métier et ses engagements stratégiques.

LE JOURNAL DE L'AUTOMOBILE. Si Parkopolis (le salon de référence du secteur, NDLR) se tenait cette année, quelles seraient les tendances des échanges ?

MICHELE SALVADORETTI. Elles auraient été celles de l'an passé, car elles amorçaient déjà les révolutions technologiques, l'émergence des start-up qui viennent en relais et, finalement, l'ubérisation de l'industrie du parking. Parce que c'est bien de cela dont il est question, en toile de fond. Il y aurait été par ailleurs abordé la transformation technologique des aires de stationnement qui ajoutent des services comme l'autopartage ou la recharge des véhicules électriques.

JA. Risquons-nous de nous y perdre face à cette émergence ?

MS. Non, pas du tout, mais nous prenons conscience de l'entrée dans une ère nouvelle. En quarante ans, ni les organisations ni les hommes n'ont eu de repos face aux évolutions constantes. Par exemple, le personnel n'a plus le profil du gardien de parking, mais celui du professionnel de la relation client avec une mission au périmètre élargi.

JA. Les études se font rares dans votre secteur d'activité. Que peut-on dire des derniers chiffres ?

MS. Il n'y a pas d'enquête récente à proprement parler. Après deux années de recul, nous notons que les clients préparent de plus en plus leur entrée au parking sur Internet. Nous avons organisé un symposium, début juin, aux Pays-Bas, il en ressort des informations croisées, que plus de 40% des parcours d'achat commencent en ligne. La présence de l'enseigne dans la rue perd de fait en influence sur la prise de décision.

JA. Que manque-t-il alors dans ce parcours client en voie de digitalisation ?

MS. Déjà, il faut souligner que ce nouveau mode de consommation engage le client dans un choix assumé et non subi. Ce dont on peut se réjouir, alors qu'il a de plus en plus le sentiment d'être piégé par les communes qui se structurent pour réduire l'accès des automobiles. Partant de ce constat, en ce qui concerne les axes de développement, il pourrait y avoir des liens croisés avec d'autres acteurs économiques, comme des centrales de réservation à des événements ou des lieux de sortie.

JA. Ne décrivez-vous pas, ici, un schéma d'ouverture de la donnée ?  

MS. C'est une forme d'open data, en effet, mais je décris surtout un croisement de fichiers entre partenaires, dans un écosystème. Nous ne parlons pas de logique fermée, mais plutôt maîtrisée. On pourrait citer les exemples des accords avec Ubeeqo ou avec Toyota, avec des centres culturels ou des hôtels. Nous pouvons travailler dans un cadre national ou local, en fonction des besoins. Pour ce faire, nous avons nommé un ambassadeur, soit un responsable de centre de profit, dans chacune des villes que nous investissons.

JA. Selon nos informations, des tractations sont ouvertes entre Q-Park et BMW, ces rumeurs sont-elles avérées ?

MS. Nous avons des échanges avec des constructeurs, ce n'est un secret pour personne. En tant que directrice de filiale, je ne suis en revanche pas impliquée directement dans les processus de négociations internationales, et je ne saurais donc pas dire quels sont les partenaires envisagés par le groupe Q-Park.

JA. Collaborez-vous avec les industriels sur l'automatisation de la conduite ?

MS. Non, nous n'allons pas jusque-là. Nous préparons nos parcs de stationnement à cette évolution. Nous menons des réflexions. Si, demain, il y a 20 ou 30% de véhicules autonomes, nous adapterons peut-être la moitié de nos parcs avec des zones dédiées. Mais il y aura une période de mixité.

JA. Vous vous disiez, il y a un an, "prêts à changer de modèle économique" (Lire ici), est-ce engagé ?

MS. Oui, même si nous n'avons pas encore franchi le pas. L'économie du partage prend de l'ampleur et les véhicules vont vers plus d'autonomie. Ce qui ne va pas réduire le nombre de voitures, mais modifier les comportements.

JA. Quel lien entretenez-vous avec les start-up ?

MS. Nous n'avons pas fait le choix du soutien par la mise en place de structures de financement, d'encadrement ou d'intégration. Q-Park a fait le choix de sa propre architecture, pour maîtriser son parcours client. Il n'y aura que des intercommunications avec entreprises choisies.

JA. Comment voyez-vous ces acteurs de la conciergerie et les voituriers ?

MS. Il faut répondre à la demande du client qui veut pouvoir récupérer son pressing ou son colis à toute heure. Nous sommes actifs et développons un projet avec InPost dans cette optique et menons des réflexions avec des supermarchés dotés de Drive. Les clients pourront trouver leurs courses dans des coffres. Quelques sites sont à l'étude, dans le cadre d'un concours. Je ne peux pas encore révéler les partenariats locaux.

JA. Toujours présidente du syndicat et porte-parole au CNPA, quels sont les chantiers de la profession ?

MS. Il y a beaucoup de sujets, dont la dépénalisation du stationnement de voirie, attendue pour le 1er janvier 2018. Nous allons appréhender un nouveau métier qui est celui de la supervision. Une privatisation appliquée dans le reste de l'Europe. En améliorant les forces de contrôle, nous pensons rejoindre les autres pays, où le paiement du stationnement en voirie est presque deux fois plus respecté qu'en France.

JA. Quel est le modèle économique ?

MS. Nous supportons les coûts de développement et, par manque de contrôle, nous ne gagnons pas les sommes qui assurent l'amortissement. En changeant la loi, nous allons être les garants de notre rentabilité.

JA. A quelques mois des élections présidentielles et en ces temps de protestation, quelles sont vos batailles ?

MS. L'engagement se manifeste au travers du CNPA, avec toutes les branches de métiers de services. Nous nous positionnons sur les défis de la mobilité, notamment urbaine. Nous voulons prendre part à cette révolution. Nous voulons attirer l'attention sur cette "ubérisation" qui voit des sociétés se développer au mépris des règles de sécurité et de développement durable.

JA. Que réclamez-vous ?

MS. Nous représentons un poids de 20000 salariés directs et indirects, autour de 2000 parcs de stationnements pour un chiffre d'affaires de 1,3 milliard d'euros environ. Les gestionnaires de parkings sont des investisseurs qui supportent le risque des projets pour un montant annuel de près de 200 millions d'euros par an. Nous ne réclamons aucune aide financière. Nous réclamons une réglementation équitable et appliquée à tous. Nous jouons le jeu et appelons à de la considération dans le dialogue qui s'instaure.

Vous devez activer le javacript et la gestion des cookies pour bénéficier de toutes les fonctionnalités.
Partager :

Sur le même sujet

Laisser un commentaire

cross-circle