L’intelligence artificielle au service du marketing
Recevoir une offre promotionnelle pour une vidange, une semaine après avoir réalisé sa révision, réceptionner un mail qui commence par "Cher monsieur" lorsque l’on est une cliente : qui n’a pas connu ce genre de déconvenues ne comprend pas véritablement la signification du mot agacement.
Les règles de sollicitation à l’ancienne des clients sont bel et bien à bannir. Tout d’abord, pour réduire la pression marketing, de plus en plus importante quel que soit le domaine d’activité. Enfin, pour échapper à la sanction ultime des fournisseurs de services de messagerie : voir son e‑mail être mis dans la boîte des indésirables ou même être blacklisté.
Place donc au message sur mesure, à l’e‑mail personnalisé et surtout pertinent, place au marketing prédictif. "Tous les professionnels ont des DMS et des CRM avec des fichiers clients. Mais il n’est plus possible d’inonder sa base, sous peine de voir son marché s’épuiser complètement, affirme Éric Champarnaud, cofondateur de C‑Ways et dirigeant d’Autoways. Pour faire la différence, il faut être précis dans les ciblages et la façon dont on détermine les offres."
Mieux connaître ses clients
Depuis 2017, quelques acteurs ont commencé à placer de l’intelligence artificielle dans leurs offres marketing. C‑Ways, AAA DATA : ces deux organismes s’appuient sur les bases de données clients auxquelles sont ajoutées les données du SIV (système d’immatriculation des véhicules) géré par le ministère de l’Intérieur. Récemment, l’acteur Bee2link s’est offert la start‑up Neuralytics, une société spécialisée dans les outils de vente prédictifs. Avec sa marque maprochaineauto, l’entreprise se positionne comme "un centre de réveil des intentions d’achat". Qui achète quelle voiture, à quel moment, quel est le taux de fidélité : tous ces éléments mixés permettent ainsi de mieux connaître ses clients et de savoir quelle est la période privilégiée pour apporter une offre suffisamment pertinente pour déclencher un acte d’achat.
Mais la plus grande avancée est sans doute partie du service à l’atelier. Ce secteur d’activité recèle une pépite : le service facturation ! CarHistory, outil créé par Laurent et Virginie Baire, anciens concessionnaires Kia et Suzuki en région parisienne, a cette particularité de lire les factures générées par l’atelier. "Couplé au plan d’entretien des constructeurs, CarHistory a été construit autour du métier de l’après‑vente, explique Virginie Baire. Nous analysons l’ensemble de ces données et nous faisons la distinction entre les factures de révision, de garantie et même de cession interne." Non seulement ce décodage permet de nettoyer les bases de données chez les professionnels, mais en plus, il cible mieux les clients à contacter. "Pendant la première période de confinement au printemps 2020, nous avons réussi à déterminer, chez tous les concessionnaires partenaires de CarHistory, quels étaient les clients qui auraient dû venir à l’atelier. Nous avons identifié et contacté chacun d’entre eux de manière progressive afin de ne pas saturer l’après‑vente, mais fin juillet, tout le retard accumulé avait été rattrapé", confirme la cofondatrice de CarHistory.
Cette quantité adaptée de clients à contacter est l’une des clés de la réussite pour un marketing équilibré et efficace. "Si nous traitons 4 à 5 millions de clients par an, nos relances se basent sur du microciblage qui ne permet d’en envoyer qu’en petite quantité, ajoute Olivier Guillemot, cofondateur de Custeed (ex‑GarageScore), qui a lancé Custeed Automation à l’automne 2020. Nous brassons un volume énorme de données issues des DMS et des CRM des groupes de distribution qui nous font confiance. Mais le traitement du client est unique, ce qui permet de gérer au mieux la pression marketing. D’ailleurs, nous avons installé une règle au sein de notre outil qui consiste à ne pas solliciter plus d’une fois par trimestre les clients. Ainsi, un dispositif de relance en véhicule neuf ne peut pas être envoyé en même temps qu’une campagne à l’après‑vente."
Améliorer le taux de fidélité
Le groupe Cavallari a été parmi les premiers groupes en France à déployer CarHistory. Distributeur Honda, Volvo, Kia, Ferrari, Opel mais aussi Honda Motos et Aixam avec 5 sites dans la région Paca et sur Monaco, le groupe a suivi le prérequis de Kia France pour utiliser cet outil de marketing. "La mise en place a été très simple. En réalité, nous laissons le système tourner seul et dès le départ, nous nous sommes aperçus de sa capacité en observant la salve de rappels ciblés chez nos clients. Chaque jour, CarHistory nous fournit une dizaine de clients à contacter et identifie les fiches d’appel avec un SMS ciblé, à mon nom. C’est un travail de fourmi mais qui nous a permis d’améliorer de manière significative notre taux de fidélité, qui est passé de 56 % à 64 % pour la marque Kia", explique Jérémy Iracane, directeur après-vente du groupe. Sur la totalité des clients rappelés, un quart se transforme en rendez-vous, un quart reçoivent un SMS personnalisé car absent au moment de l’appel, un autre quart déclarent poursuivre leur entretien dans un autre réseau et enfin le dernier quart n’a plus la voiture. "Le système de relance est très simple, sur une seule page figurent les informations du client, de la voiture et son historique d’entretien. Nous avons de ce fait élargi l’outil pour les marques Honda et Volvo", affirme Jérémy Iracane.
Baisser la pression marketing
La pression marketing est également surveillée comme le lait sur le feu par Fidcar, autre prestataire présent dans ce domaine, qui propose la solution FidcarPredict. Mais au‑delà de cet aspect, c’est aussi la capacité à définir des prédictions qui améliore le taux de conversion. Or, cette capacité se nourrit des données accessibles au sein des DMS des professionnels, mais aussi de leur traitement. Custeed travaille sur une base de 150 indicateurs.
"L’information est disponible mais complètement indigeste pour un distributeur car éparse selon les services et les DMS différents suivant les marques. En centralisant toutes ces données et en les enrichissant, nous faisons en sorte que les algorithmes évoluent", précise Olivier Guillemot. Fidcar aspire également toutes ces data, de manière quotidienne, et leur ajoute une dose d’intelligence artificielle basée sur les informations personnelles des clients. "Nous regardons plus loin que les règles de facturation. En couplant les données des véhicules avec celles des clients, comme leurs dépenses annuelles, nous observons le besoin de consommation, ce qui nous permet de nous placer en anticipation d’une dépense", précise Fabrice Caltagirone, cofondateur de Fidcar. Une culture du marketing qui permet d’atteindre un taux de conversion directe de plus de 5 % contre 1 % de manière générale.
"Nous avions la volonté d’affiner nos ciblages pour répondre aux besoins de nos client tout en faisant baisser la pression marketing et connaître le retour sur investissement de nos campagnes", explique Romain Illegems, responsable communication marketing digital et e-commerce du groupe. Cet outil est connecté à notre base client mais aussi aux données de facturation. Si de manière classique, nous disposons du nombre de mail ouvert, et cliqué avec cette solution nous allons plus loin car elle nous permet d’avoir un esprit critique sur l’offre proposée aux clients et la réajuster immédiatement. On est plus sur une frappe chirurgicale", s’amuse Romain Illegems.Je fais très attention aux chiffres avancés. Mais dans le cas du groupe, je sais que nous sommes passés de 1 à 2 % de taux de transformation à un chiffre variant entre 5 et 10 % selon l’objet de la campagne."
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