L’événementiel à la fête
Il est 19 heures, tout est encore calme dans les travées du stade Gerland. Ce soir du 15 décembre 2013, le club de l’Olympique lyonnais reçoit celui de l’Olympique de Marseille pour un match de football qui s’annonce captivant. Alors que les supporters attendent l’ouverture des grilles, les loges s’organisent. Et dans l’une d’elles, un groupe de blogueurs s’active. Leur présence n’est pas le fruit du hasard. C’est ce soir précisément que Hyundai Motor France a décidé de lancer un nouveau concept de communication : la SociOL Room. Partenaire majeur de l’équipe lyonnaise sous forme de sponsorisation, Hyundai a décidé de faire vivre aux fans la rencontre sportive en direct, via les réseaux sociaux Twitter et Facebook. “Nous innovons dans la façon d’activer une population composée de cibles potentielles, explique Jean Nelson, le responsable de la communication de Hyundai France et artisan de l’opération. Nous avons travaillé conjointement avec l’Olympique de Lyon, qui y trouve aussi un intérêt, soucieux de générer des contacts avec sa marque.” Une analyse que Jean Michel Aulas, l’emblématique président du club rhodanien, soutiendra après la rencontre.
Une opération comme celle-ci reste inédite en France dans le secteur de l’automobile. En fait, elle s’inspire d’une pratique née autour des sports américains. Mais elle témoigne d’une volonté certaine des constructeurs d’aller chercher le client par des approches différentes. “Les marques ont besoin de mettre en scène leur présence auprès du marché, soit une théâtralisation destinée à donner un supplément d’impact dans un contexte de recul de la fréquentation, notamment des salons”, entrevoit Charles Forget, directeur en charge du secteur automobile chez Equancy.
N’est-ce pas une lapalissade que de dire qu’à l’ère du numérique grandissant, les points de contacts se multiplient ? Il appartient donc aux marques et à leurs réseaux de faire le tri. Les ressources financières se faisant rares, procéder à des arbitrages devient une évidente nécessité. Et dans ce contexte, force est de constater que l’organisation d’événementiels obtient de plus en plus les faveurs des professionnels de l’automobile. Pour mémoire, il existe trois types de schémas : l’association au projet d’un constructeur, le financement d’une opération imposée et la libre initiative. Une dernière solution qui n’exclut pas une participation du concédant. Il faut une stratégie d’une précision chirurgicale, en fonction des marques et des emplacements, rappelle-t-on au sein du groupe Duffort. La holding a clairement défini sa ligne de conduite. Elle ne mise pas tout sur les événements, bien entendu, mais ils tendent à prendre de l’importance. Une politique encouragée par le succès des dernières opérations montées, telles que les rassemblements de passionnés autour du 4x4 en forêt avec Mitsubishi ou de sportives sur le tracé du Mans.
Résonner avec les attentes
Pour Marc Méchaï, spécialiste automobile chez Accenture, “il n’y a pas plus d’événements, ils sont juste mieux ciblés”. Et il défend la démarche car, d’après lui, “les moments de vérité et de points de contact sont nombreux, mais ne doivent pas nécessairement nourrir un dessein commercial direct”. L’expert précise que les événements doivent être réalisés par centre d’intérêt et autant que faire se peut couper les liens immédiats avec l’automobile. A titre d’exemple, un concessionnaire pourrait inviter des prospects sensibles aux questions environnementales, voire des écologistes déclarés, pour discuter de ses problématiques “vertes” et les amener d’eux-mêmes à découvrir les efforts que fait le constructeur dans le domaine. Une sorte de sponsoring déguisé. D’ailleurs, en tant que constructeur, quel était le but de Nissan en s’engageant lors de l’édition 2013 du Marathon de Paris si ce n’est prouver la non-émission de CO2, le silence et l’endurance des batteries des Leaf.
Au cabinet Equancy, on épouse à peu près cette idée. “Pourquoi le client participe-t-il à un événement ?, s’interroge Charles Forget. Parce que l’invitation résonne avec ses valeurs et parce qu’il y a une promesse en bout de ligne. Les concessions sont des entreprises de service et la stratégie d’événementiels doit s’inscrire dans cette philosophie.” Et Marc Mechaï d’anticiper : “Le digital et la voiture connectée sont les plus prometteurs des vecteurs de communication. La relation sera si enrichie qu’au final, elle permettra une meilleure compréhension, et donc une segmentation plus fine.”
Journées portes ouvertes, l’overdose ?
Suivant cette logique de service décrite par Charles Forget, l’un des formats les plus connus reste la tenue de “journées portes ouvertes”. Chez les constructeurs français, il y en aura cinq cette année. Outre celle de janvier, il y en aura en mars, en juin, en septembre et en octobre. Et peut-être même une autre supplémentaire en cas de nécessité. Pertinent à sa création, ce concept permettant de contourner ponctuellement les restrictions imposées par la loi sur le travail dominical pour accueillir les clients en concession, perd de son impact. Un distributeur Renault, qui dit suivre religieusement le plan dicté par son constructeur, confie toutefois noter une perte de portée. Il est rejoint par un de ses confrères de chez Peugeot : “Cinq portes ouvertes par an, cela tend à tuer le caractère exceptionnel.” Mais aussi par un analyste qui, il y a quelques mois, nous confiait lors d’un échange informel que les résultats d’une étude menée en France auprès du réseau d’une marque japonaise arrivaient à la même conclusion. “En substance, les visiteurs repartent du point de vente sans avoir conscience de l’expérience qu’ils viennent de vivre, laissait-il entendre. Il faudrait envisager des animations, quelque chose qui réunisse la famille et marque les enfants pour changer le rapport avec les lieux.” Il n’empêche que des ventes sont conclues durant ces journées. “Il est difficile d’en mesurer l’efficacité réelle, persistent à nuancer les concessionnaires. Nous sommes aidés dans les négociations par la marque et ne savons donc pas s’il n’y a pas un report des actes d’achat qui auraient pu être conclus dans la semaine précédant l’événement.”
Quel avenir pour les salons ?
En temps de crise, les gens ont besoin de rêver, mais pas seulement. Ils ont besoin de découvrir et d’essayer. Les salons automobiles constituaient la meilleure réponse à cette problématique. Cette vérité perd en force. Devient contestable. Là encore, de l’avis des observateurs, les arbitrages ont eu leur effet et globalement fait pencher la balance en faveur des rendez-vous nationaux. “En tant que constructeur, il n’y a plus aucun intérêt à investir sur un salon régional”, se dit convaincu Charles Forget. Les rendez-vous régionaux reviennent donc à la charge des distributeurs locaux, qui peuvent, au mieux, être soutenus par leur concédant. Cette nouvelle approche a eu raison des ambitions du dernier salon de Lyon, prévu en octobre dernier, et a manqué de faire capoter les plans de celui de Toulouse en novembre. Au Parc des expositions de la Ville rose, la majeure partie des acteurs locaux – et donc des plus grandes marques du marché – ayant fait l’impasse sur la sollicitation. “Nos concessions sont désormais concentrées en pôle, juste à l’extérieur des agglomérations. Toutes les conditions sont ainsi réunies pour que le client prospecte en un temps réduit. Je ne vois donc pas l’intérêt d’investir des sommes immenses dans un stand. C’est ce qui cause la perte des salons locaux”, analysait un des grands investisseurs de la place toulousaine.
Un avis que l’on partage très volontiers chez Mitsubishi France. Une alternative a par conséquent été trouvée. A la direction marketing et communication, on explique, en effet, qu’il sera question de multiplier les apparitions dans les salons thématiques comme ceux des professions libérales, de la famille, du nautisme, afin de chercher des clients par cible affinitaire. “L’idée étant de se présenter là où les propositions automobiles n’abondent pas”, avise Delphine Lalande, directrice marketing. Elle en convient : sortir et aller à la rencontre du client potentiel est une bonne solution au problème de fréquentation du point de vente. La marque a ainsi été exposée dans plus d’une trentaine d’événements par an, depuis deux ans. La directrice marketing ne chôme pas et se charge de signer les partenariats en central pour le compte des distributeurs. “Il n’y a aucune obligation de participation, mais toute absence doit être justifiée”, explique-t-elle. A l’heure actuelle, précisons que les équipes françaises achèvent la création d’une page Internet destinée à relayer les opérations programmées dans le réseau. Cela se fera soit sous la forme d’une rubrique client (accessible avec le numéro de châssis), soit au travers d’un calendrier mis en ligne.
La notion de MROI
“L’événementiel est, pour ainsi dire, indispensable pour les marques car il permet un contact direct avec des clients qui, bien souvent, sont gérés par des tiers et leur appartiennent”, juge Ludovic Nodier, de Video Conseil, cabinet spécialisé dans la définition de stratégie CRM. Mais que doit-on en tirer ? Un responsable marketing d’une concession Peugeot imagine en faire l’un des leviers de la montée en gamme de sa marque en changeant le lieu de ses invitations.
Mais il y a une part de risque évident. Reprenons l’exemple du groupe Duffort et de son opération au Mans. Sur ce projet, il est parvenu à réunir environ 300 personnes par jour, durant trois jours. Si le chiffre fait rêver, Tristan de Céleyran, le directeur marketing du groupe, projette déjà d’en rendre l’accès payant à l’édition 2014 afin de n’intéresser que les clients potentiels. A 120 000 euros le rendez-vous (logistique, location du circuit et restauration), il ne sera plus question de recevoir le tout-venant dans une réunion dont le but est de renforcer l’image du groupe. Car le ROI d’un événementiel, c’est bien cela : la notoriété, l’achat d’une réputation.
Comment se mesure-t-il ? Voilà ce qui constitue la véritable difficulté. Peut-être est-ce ce détail crucial qui freine encore nombre de distributeurs, souvent les plus modestes, à se lancer. “Nous mettons en place un outil de gestion capable de suivre les actions par contact, explique Tristan de Céleyran. L’idée étant d’avoir une visibilité sur l’historique pour en connaître la valeur et s’assurer que chacun de nos clients en base de données soit sollicité au minimum une fois par trimestre.” Chez Accenture, la problématique a été relevée. Le cabinet inclut d’ailleurs la notion de “média” et parle plus volontiers de MROI. “Le calcul est à la fois simple et compliqué. Il se base sur l’historique et la statistique, et varie en fonction des cas”, résume Christine Removille, responsable chez Accenture Digital. Dans son ouvrage co-écrit avec Catherine Dedieu, intitulé Métamorphoses du marketing (édition Economica), elle explique que le “ROI moyen” ne signifie rien. Il faut davantage se concentrer sur le “ROI marginal” ou le “ROI combiné”. Le premier se concentre sur l’augmentation de volume de ventes dès lors qu’on investit un euro de plus ; le second intègre la notion d’association avec un autre média, notamment le digital, qui s’inscrit soit en amont, soit en aval.
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FOCUS - Le téléphone, mais aussi très fortement le Web
Dans une étude menée par CXP/Colorado auprès de 121 directeurs de relation client, marketing, commercial et communication, et relayée par nos confrères du site Internet Relationclientmag.fr, il est rapporté que 52 % d’entre eux s’attendent à une stabilité de l’utilisation du canal téléphonique par les clients dans les mois à venir (32 % prédisent un recul). Autre information relevée : 30 % des responsables œuvrent à la mise en place d’un outil d’interaction de type tchat, Web call back ou visio et 11 % planchent sur des outils de type assistant virtuel ou Web self service. Même si, jusqu’à maintenant, ces nouveaux outils ne représentent que 10 % de l’ensemble des flux traités, les organisations prévoient une augmentation de leurs usages : 79 % attendent une hausse, voire une forte hausse, de l’utilisation des médias sociaux, et 59 % des canaux synchrones (tchat, Web call back, visio).
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