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Le diplôme d’ingénieur en Maintenance des Véhicules passé au crible

Publié le 2 juillet 2010

Par Alexandre Guillet
21 min de lecture
Deux ans après le lancement du diplôme d'ingénieur du CNAM, spécialité Maintenance des Véhicules, en partenariat avec l'AFISA, il apparaissait pertinent de dresser un premier retour d'expérience...
Deux ans après le lancement du diplôme d'ingénieur du CNAM, spécialité Maintenance des Véhicules, en partenariat avec l'AFISA, il apparaissait pertinent de dresser un premier retour d'expérience...
... avec les principales parties prenantes. Des échanges qui questionnent l'enjeu clé de l'élévation des compétences et l'avenir de la profession. Extraits.

Alexandre Guillet : En préambule, question de béotien volontiers provocatrice : que vient faire un ingénieur dans une concession automobile ?

Les participants

• Jean-Pierre Trenti, président du GARAC, vice-président du  CNPA, administrateur de l'ANFA, président de l'AFISA.

• Liliane Rivière, directeur général du GARAC.

• Yves Terral, délégué général de l'ANFA.

• Michel Terre, professeur des universités au CNAM et directeur de l'école d'ingénieurs du CNAM.

• Annick Razet, professeur des universités au CNAM et  responsable de la formation
Ingénieur CNAM-GARAC.

• Laurent Roux, chef d'établissement du GARAC.

• Manoël Lesourd, responsable département technique UL/VI, Direction services VI  Mercedes-Benz France.

• Lionel Coq, directeur après-vente du groupe Actena Automobiles - Volvo.

• Jaques Lepineux, coordinateur au sein du groupe Schuller.

• Francis Bartholomé, trésorier du directoire national du CNPA et président du groupe Saint Christophe - Ford.

• David Paques, Le Journal de l'Automobile.

• Alexandre Guillet, Le Journal de l'Automobile.

Jean-Pierre Trenti, président du GARAC, vice-président du CNPA, administrateur de l'ANFA, président de l'AFISA : "Le monde de la distribution connaît une forte évolution depuis quelques années, avec l'essor de groupes de grande envergure et de ce qui est communément appelé "plaques". Cela fait apparaître de nouveaux besoins en termes de profils et de compétences. Dès lors, nous avons jugé que le BTS n'était pas forcément suffisant. Nous avons donc œuvré à la mise en place d'un diplôme d'ingénieur de maintenance, à ne pas confondre avec un ingénieur de conception. Nous mesurons aujourd'hui que nous avons pris une bonne décision, car les besoins s'expriment fortement et à deux niveaux : technique, mais aussi management et commerce. Ces besoins se manifestent d'ores et déjà, mais cela va s'accentuer à l'avenir, car de nouvelles technologies s'annoncent.
Par ailleurs, le choix de l'apprentissage était primordial car au-delà du savoir-faire, les futurs diplômés doivent maîtriser la réalité et les particularités d'une entreprise de distribution. C'était le seul moyen de former des ingénieurs en prise directe avec le terrain".

Jaques Lepineux, coordinateur au sein du groupe Schuller : "Au départ, je me suis posé la même question : mais que vient faire un ingénieur dans une concession ? Mais on s'aperçoit effectivement très vite, en réfléchissant, que vu l'évolution actuelle des groupes, ce type de compétences devient nécessaire. Trente ans auparavant, la question ne se serait pas posée, mais aujourd'hui, nos métiers réclament beaucoup plus de compétences. Au niveau d'une plaque régionale ou d'un groupe, on sait que nous allons avoir besoin de coordinateurs capables de résoudre les problèmes des sites, mais aussi de discuter avec le constructeur, j'insiste sur ce dernier point. Le diplôme d'ingénieur répond à cette problématique".

Lionel Coq, directeur après-vente du groupe Actena Automobiles - Volvo : "Je partage l'analyse de Jaques Lepineux. Que ce soit en management des hommes, communication, relations et suivi clientèle… de nouveaux besoins émergent, en plus de la sophistication technologique de nos métiers. J'abonde aussi dans le sens de l'importance des négociations avec les constructeurs. Aujourd'hui, ce n'est plus un milieu concurrentiel, mais un milieu d'attaque franche sur des postes clés de la réparation et de la maintenance. Bref, le diplôme est taillé pour relever ces défis et dans le bon timing, ce qui n'aurait pas forcément été le cas avec la seule formation interne, pour faire fructifier le capital expérience".

Alexandre Guillet : Une fois le besoin identifié, pouvez-vous revenir sur les étapes de mise en place du projet, sachant qu'à l'échelle d'une branche professionnelle, il y a forcément des points de divergences et de l'inertie ?

Jean-Pierre Trenti : "Après une enquête dans les réseaux via l'Observatoire de l'ANFA, nous avons établi un premier cahier des charges et nous nous sommes logiquement rapprochés de la présidence du CNAM pour leur expliquer nos objectifs. Pour bien connaître cette institution, nous savions qu'ils avaient des choses à nous apporter et à partir du moment où nous nous sommes mis d'accord, nous avons travaillé sur le référentiel du diplôme".

Yves Terral, délégué général de l'ANFA : "Il s'agit d'une démarche de branche professionnelle qui a été avalisée par l'ensemble des partenaires sociaux gestionnaires de la convention collective des services de l'automobile. Organisations patronales, syndicales et professionnelles ont cautionné cette démarche, c'est important de le souligner. Elles l'ont fait pour trois raisons principales. Primo, l'existence d'un besoin avéré qui, d'un point de vue social, peut se traduire par des embauches. Secundo, d'une manière générale, nous souhaitons pouvoir tirer nos filières de formation vers le haut et donc, l'existence au niveau supérieur de deux certifications, licence professionnelle et au dessus la formation d'ingénieur, va dans ce sens et nous permet de pouvoir proposer aux jeunes un parcours potentiel du CAP au diplôme d'ingénieur. C'est d'ailleurs un outil de communication exceptionnel vis-à-vis des jeunes et des familles. Tertio, c'est une formation préparée par l'apprentissage, et je rappelle que c'est la voie royale d'insertion professionnelle dans la branche. Ce renforcement de l'apprentissage est d'ailleurs soutenu par les partenaires sociaux".

Michel Terre, professeur des universités au CNAM et directeur de l'école d'ingénieurs du CNAM : "Il faut bien comprendre ce qu'est le CNAM et notamment un point qui le différencie d'autres établissements. Sa mission est de servir l'industrie et les services. Quand l'industrie et les services nous sollicitent, nous ne pouvons pas ne pas répondre ; notre mission est de répondre à ces demandes. Il était donc naturel d'examiner le projet du GARAC. En outre, la filière de l'apprentissage fait partie de notre ADN et ce choix avait son importance. Enfin, la volonté de tirer les étudiants vers le haut, sans barrages de diplômes ou de temps d'ailleurs, est aussi une clé de voûte de notre philosophie".

Alexandre Guillet : De votre point de vue de représentants de la distribution, que vous inspire le choix du CNAM comme partenaire ?

Francis Bartholomé, trésorier du directoire national du CNPA et président du groupe Saint Christophe - Ford : "Jean-Pierre Trenti m'a demandé de suivre ce dossier et d'apporter la contribution de la distribution. Le CNAM, nous connaissons très bien, par le biais des ancrages régionaux et de la formation, donc il n'y avait ni craintes ni réserves. De plus, c'est un choix positif dans une optique de notoriété et de valorisation de nos formations.
Accompagner les évolutions technologiques et pourvoir aux besoins de la distribution en middle-management sont des choses essentielles. Nous avons besoin de gens qui ont appris et ont envie d'apprendre à apprendre, bref, de têtes bien faites. Ce diplôme est donc une évidence, même si cela a surpris au départ et que Jean-Pierre Trenti a peut-être eu raison trop tôt".

Lionel Coq : "Ce diplôme nous permet aussi d'intégrer d'autres jeunes. C'est une richesse pour les entreprises et un vecteur de valorisation. D'autant que, si on explique bien les choses, il n'y a pas de problème d'intégration et d'acceptation par les autres salariés, notamment les chefs d'atelier. Ce n'est pas le même profil que les chefs d'atelier d'ailleurs. Tout en étant au cœur du métier, ils doivent avoir des qualités de mise en perspective".

Alexandre Guillet : Le référentiel du diplôme d'ingénieur accorde une place importante à l'anglais, avec un score minimum élevé à obtenir au TOEIC notamment. Ne peut-on pas s'interroger sur la pertinence de cette exigence pour des profils destinés à évoluer en concession ?

Francis Bartholomé : "Non, tout simplement parce que cela fait partie des basiques indispensables pour un ingénieur. Et ce n'est de surcroît pas une exigence gratuite. Considérant que ces diplômés seront au contact des constructeurs, il faut savoir que de nombreux échanges se font en anglais, qui est la langue de travail pour les constructeurs étrangers".

Manoël Lesourd, responsable département technique UL/VI, Direction services VI Mercedes-Benz France : "Je partage tout à fait cette opinion et tiens à souligner que le diplôme d'ingénieurs ne peut pas se limiter à la technique. Ce titre implique aussi une culture générale de bon aloi et un bagage général soutenu. De plus, si vous prenez notre exemple, effectivement, l'anglais s'avère indispensable lors de nombreuses réunions car de toutes les façons, vous n'avez que deux choix : anglais ou allemand. De même, de nombreuses notes d'information sont en anglais".

Répartition entreprises
d'accueil des étudiants
de deux premières promotions :

Promotion 1
• Concession : 6 (SPEG SAS Paris (75), Actena Automobiles Port Marly (78), Villemomble Automobiles Villemomble (93), Atlantic Automobile Vénissieux (69), Groupe Saga Angers Villeveque (49), Volkswagen Paris Est Paris (75)).
• Succursale : 2 (Commerciale Automobile Vénissieux (69), Société Commerciale Citroën Paris Nord St-Denis (93)).
• Constructeur : 1 (Mercedes-Benz France
Le Chesnay (78)).
• Communauté urbaine : 1 (Communauté
de Strasbourg (67)).

Promotion 2
• Concession : 11 (Groupe Reva SAS Carbon Blanc (33), TDSA Groupe Tuppin St Quentin (02), Peugeot Svica Juvigny-sur-Orges (91), Peugeot Svica Créteil (94), STCA St Ouen l'Aumône (95), Groupe Huillier Mercedes-Benz Saint-Egrève (38), CG Auto Groupe Suma Nevers (58), Cedat Brive Charensac (43), Peugeot Svica Corbeil Essonne (91), Mercedes-Benz Boulogne-Billancourt (92), Groupe Métin Meaux (77)).
• Sous-traitance : 1 (MS Motor Service France Goussainville (95)).
• Equipementier : 1 (Bosch St Ouen (93)).
• Distributeur : 1 (AD Distribution Mantes-la-Ville (78)).

Alexandre Guillet : Au-delà de l'anglais, le référentiel s'articule autour de plusieurs axes : quels sont-ils ?

Liliane Rivière, directeur général du GARAC : "Tout d'abord, je mettrais volontiers le référentiel en perspective avec la mission du GARAC, école de la profession. Nous devons accompagner la profession pour répondre à ses besoins, mais nous devons aussi anticiper. Nous l'avions d'ailleurs fait dès 1980 avec le BTS et plus récemment avec le Bac Pro 3 ans. Le diplôme d'ingénieur doit donc accompagner la complexification des métiers et répondre à des besoins émergents en compétences nouvelles. Il y a les compétences scientifiques et techniques, autour du diagnostic par exemple, mais ce n'est pas tout. Il faut aussi prendre en compte l'importance croissante de l'approche qualité, des méthodes, de la vision systémique. C'est la valeur ajoutée de demain au même titre qu'une solide culture d'entreprise comprenant le management, la maîtrise des organisations, le marketing. En outre, la culture internationale ne peut pas être laissée de côté, surtout qu'elle a tendance à ne pas être assez prise en compte dans l'enseignement professionnel. Par rapport aux entreprises concernées par ce diplôme, c'est une évidence. Bref, les différents points que j'évoque laissent clairement apparaître que cela dépasse le cadre du BTS et justifie la mise en place d'un niveau supplémentaire".

Yves Terral : "J'abonde dans le sens de Mme Rivière en insistant sur le mot "compétences". Au-delà des programmes, nécessaires bien entendu, il faut aussi faire montre de pragmatisme par rapport aux entreprises. Cinq compétences peuvent être mises en avant concernant le diplôme d'ingénieur. Tout d'abord, la capacité à appréhender et à maîtriser les évolutions du secteur, mais aussi se positionner comme un référent technologique et scientifique à l'intérieur d'une entreprise, voire d'un groupe, sans oublier l'aptitude à représenter son entreprise en interne comme en externe, c'est-à-dire face à des techniciens parfois chevronnés et des ingénieurs, et également la capacité à gérer la rentabilité et les centres de profit, avec une maîtrise du management tertiaire. Enfin, la capacité à appréhender la dimension internationale. Nous l'avons en partie évoqué à propos de l'anglais, langue vernaculaire et mondiale".

Francis Bartholomé : "Les cinq points exposés par M. Terral résument parfaitement les objectifs de ce diplôme. C'est un besoin d'autant plus important que la pyramide des âges est vieillissante dans notre filière et que cela se ressent déjà au niveau du middle-management. Après, chaque chef d'entreprise intègre ce profil selon ses besoins spécifiques, mais cela garantit une double vision : opérationnelle et prospective".

Annick Razet, professeur des universités au CNAM et responsable de la formation Ingénieur CNAM-GARAC : "Les bases scientifiques sont nécessaires pour pouvoir aborder ensuite toutes les sciences de l'ingénieur, à savoir la maintenance et le diagnostic pour l'automobile. Les basiques de la culture d'entreprise, management, gestion, marketing…, ne se discutent pas non plus. Quant à la culture internationale, c'est très important et je rappelle que c'est même préconisé par la Commission des Titres d'Ingénieurs".

Alexandre Guillet : On comprend bien ces besoins, mais plus prosaïquement, à quelle place mettre ce type de profils dans une concession ou un groupe ? Pour quelles fonctions, quel métier ?

Jaques Lepineux : "La filière après-vente évolue fortement et prend une place de plus en plus importante dans les affaires. Au-delà du seul commerce, nous avons besoin de référents. Cela renvoie à la dimension de la réflexion au moment même où la plupart de nos collaborateurs ont la plupart du temps la tête dans le guidon. Nous avons plus que jamais besoin de leaders pour le middle-management et de profils évolutifs".

Laurent Roux, chef d'établissement du GARAC : "Non seulement ce diplôme donne du sens à la filière, nous l'avons dit, mais il doit permettre aussi de garder des jeunes dans nos métiers car il ouvre des perspectives élargies. La valorisation de la voie professionnelle est ainsi forte. C'est un aboutissement de ce qui peut se faire par pédagogie de projet car les jeunes sont dans la longue durée et l'alternance, avec des points de passage de bilan et d'évaluation réguliers. Enfin, par rapport à la notion de leader, je renvoie à la culture générale et à ce mot célèbre : la culture générale, c'est l'art du commandement".
Les compétences en management et en gestion de centres de profit reviennent régulièrement dans vos discours, pourquoi avoir opté pour un diplôme d'ingénieur et non de manager ?

Manoël Lesourd : "Les compétences de l'ingénieur sont indispensables dans nos sites ! Les métiers de l'après-vente sont très technologiques. Mais nous avons aussi besoin de profils plus larges, en lien avec le business. D'où les différentes compétences évoquées et d'où l'importance de l'alternance qui met un pied de la formation dans l'entreprise. On a vraiment besoin de référents et de superviseurs. Actuellement, dans un atelier, la connaissance appartient à deux personnes. Quand l'un manque, c'est une source de problème… Donc disposer d'un superviseur d'envergure est très précieux".

Francis Bartholomé : "Considérant que nos métiers évoluent très vite, nous avons logiquement besoin de profils évolutifs. En outre, contrairement à avant, aujourd'hui, on ne fait plus le même métier pour la vie et un même métier se modifie aussi beaucoup plus vite et fréquemment".

Michel Terre : "La passion de l'innovation et l'esprit critique scientifique sont essentiels surtout lorsqu'on mesure la complexité des véhicules modernes. Et sous cet angle, les choses ne vont pas devenir plus simples dans les années à venir".

Lionel Coq : "Nous faisons déjà face à une carence en techniciens. Donc il nous faut des gens logiques qui comprennent avant de réparer. Je vous assure que ce n'est pas la norme. Donc la notion de superviseur polyvalent, qui peut devenir une plaque tournante dans l'entreprise prend toute sa valeur. Et parallèlement, sous l'angle de la productivité, on nous en demande beaucoup plus… Les constructeurs abaissent drastiquement les temps d'intervention et les compétences sont à la baisse dans les ateliers. Il faut réagir".

Manoël Lesourd : "Depuis 15-20 ans, on a baissé le niveau dans l'automobile, en orientant des jeunes en difficultés vers cette filière, souvent par défaut. Force est de constater que nous avons un peu perdu le métier et les pédales… Or, aujourd'hui, nos métiers sont justement plus exigeants qu'avant. Avec des responsabilités énormes et l'essor de notions complexes comme le diagnostic ou les services par exemple. Le mécanicien d'antan, c'est fini… On a perdu du temps et pris du retard, mais ce type de formations va dans le bon sens pour que nous redressions la barre rapidement".

Yves Terral : "Au-delà des compétences que nous avons listées, je crois aussi qu'il convient d'insister sur le fait que cette formation vient préciser une qualité. Je m'explique : il ne s'agit pas de prédestiner à une fonction donnée, mais de privilégier l'adaptabilité. Ce diplôme se présente comme une boîte à outils, favorisant une relative polyvalence que les entreprises peuvent ensuite typifier au gré de leurs besoins".

Alexandre Guillet : Deux ans après le lancement du diplôme, quel premier retour d'expérience peut-on établir, aussi bien sous l'angle opérationnel dans les entreprises qu'au niveau de l'implémentation éducative et pédagogique dans l'établissement ?

Manoël Lesourd : "Au premier chef, on peut souligner que de gros progrès ont été accomplis entre la première et la deuxième promotion, avec une meilleure qualité d'information, une sensibilisation des jeunes à la réalité du diplôme plus précise et un accueil en entreprise plus efficace. Le triple encadrement entreprise-GARAC-CNAM est aujourd'hui beaucoup mieux rôdé".

Liliane Rivière : "Cet encadrement constitue bien entendu un enjeu majeur. Les référents académiques assurent le suivi des jeunes, mais en plus, nous avons mis en place un coordinateur qui facilite le suivi avec l'entreprise elle-même et ses tuteurs. Nous avons trouvé ainsi un bon équilibre et un gage de rigueur et de réactivité si besoin".

Annick Razet : "Considérant que c'est un nouveau diplôme et une formation d'envergure, il est logique que nous ayons quelque peu tâtonné la première année. C'est vrai que les entreprises avaient parfois des difficultés à positionner les jeunes et à leur donner des missions précises. Nous avons tout de suite corrigé le tir en améliorant la coordination de l'alternance et le suivi, notamment via Internet".

Laurent Roux : "Nous avons en fait construit une meilleure boucle de régulation entre les différents partenaires. C'est important car l'alternance un mois/un mois n'est pas le rythme que nous connaissons d'ordinaire et il implique un travail très structuré sur le reporting et les différents niveaux de médiation. Il fallait s'adapter à la spécificité de cette formation et en un mot, nous utilisons le livret d'apprentissage classique, mais nous allons beaucoup plus loin par ailleurs. Car il faut bien comprendre que ces jeunes ne sont pas que dans la découverte, ils ont aussi des missions à mener à bien, des innovations à proposer. Ils sont déjà porteurs de valeur ajoutée surtout quand l'entreprise leur fait confiance, ce qui est le cas. On mesure d'ailleurs cela avec le niveau des mémoires d'ingénieurs qui vont être soutenus au semestre 6".

Jaques Lepineux : "La première année est la plus difficile pour l'entreprise car il s'agit alors de positionner le jeune, soit un travail de découverte, de rapport hiérarchique, de définition de tâches. Ensuite, une fois cette première étape bien traitée, le jeune prend confiance et les choses deviennent plus simples. La hiérarchie de l'entreprise prend conscience du profil et tout devient naturel".

Lionel Coq : "Dès le départ, il nous incombe de nous projeter vers l'avenir et de proposer un projet structuré à notre hiérarchie. Il faut tout de suite penser à l'avenir du jeune et à son intégration future dans nos filières de l'après-vente. Deux enjeux se posent au préalable : comment passer d'un état scolaire à un état de réalité, comprenant le volet économique du business, et autant dire que les deux dernières années n'ont pas été les plus simples non plus sous cet angle, et comme passer de l'état de jeune à une plus grande maturité. Dans cette optique, la durée de la formation est la bonne. Il y a aussi des points très positifs dont on peut d'ores et déjà parler : ces jeunes font valoir un esprit d'analyse de très haut niveau. A un niveau encore scolaire bien sûr, ils vont très vite et sont très clairvoyants".

Manoël Lesourd : "Le jeune que nous accueillons est au siège social, ce qui facilite peut-être les choses, mais toujours est-il qu'il remplace actuellement un ingénieur produits avec des missions très variées, diagnostic, expertise, maquettage… Je peux avancer qu'il est au niveau d'un ingénieur de l'Estaca et si je devais aujourd'hui prendre la décision de l'embaucher, la réponse serait positive. Et il lui reste sa troisième année à faire, donc c'est très prometteur. La valeur de la polyvalence que nous avons évoquée se révèle très précieuse. Et pour avoir assisté à des soutenances d'autres jeunes en formation, ce n'est pas une exception. Bref, l'expérience est très probante et au gré des besoins du groupe naturellement, nous allons réfléchir à prendre un autre jeune".

Jacques Lepineux : "Je crois que le fait d'évoluer dans un siège facilite l'intégration, la rend plus rapide. Dans une concession, c'est un peu plus long et le management doit être plus terre à terre dans un premier temps. Mais l'expérience est assurément positive".

Francis Bartholomé : "Au niveau du CNPA, nous avons aujourd'hui une importante mission d'information à mener, vis-à-vis des concessionnaires et des réparateurs agréés, afin que tous s'approprient cette formation et que les flux d'inscription se pérennisent. Nous devons convaincre les entreprises de la pertinence de cet investissement sur l'avenir. D'autant qu'avec la concentration constatée dans la distribution et l'arrivée d'un nouveau règlement, les besoins en compétences vont aller s'accentuant. Et n'oublions pas, tout de même, que c'est nous qui avons demandé cette formation".

Alexandre Guillet : Justement, ne craignez-vous pas, comme cela a été avancé dès le départ et alimente toujours des discussions, que cette formation profite in fine aux constructeurs qui peuvent embaucher ces profils de haut niveau une fois le travail de formation effectué, d'autant qu'on sait que les politiques de GRH sont encore embryonnaires dans la distribution ?

Yves Terral : "Nous sommes flattés que les constructeurs s'intéressent à cette formation… Toutefois, je rappelle que celle-ci représente un effort économique significatif pour la Branche et il serait donc souhaitable que ce soit les entreprises concernées au premier chef qui en profitent, même si je ne veux en aucun cas faire du chauvinisme économique".

Jean-Pierre Trenti : "Au départ, lorsque nous présentions le projet avec M. Carillo et le soutien de l'ANFA, personne ne nous suivait… Un an après, tout le monde adhérait et réclamait une place… C'est anecdotique, mais significatif tout de même. Et dès le début, l'objection d'une formation pour les constructeurs, entre guillemets, était avancée. Nous répondons que nous formons d'abord pour nous et nous veillons à la répartition des jeunes dans les entreprises, les premières promotions en témoignent. Par ailleurs, il faut avant tout voir le bon côté des choses : ce diplôme d'ingénieur en maintenance est le premier diplôme de ce type en Europe et même dans le monde ! Actuellement, d'autres pays et d'autres professions étudient notre diplôme pour voir si cela fonctionne et réfléchissent à le dupliquer. C'est sans doute que nous ne sommes pas complètement dans l'erreur, en tout cas, j'ai la faiblesse de le penser…".

FOCUS

L'AFISA en bref

L'Association pour les Formations d'Ingénieurs dans les Services de l'Automobile a été créée pour superviser ce diplôme d'ingénieur. Elle regroupe le CNAM, le GARAC, l'ANFA et le CNPA. Elle est actuellement présidée par Jean-Pierre Trenti.

Mots de conclusion


Francis Bartholomé, trésorier du directoire national du CNPA et président du groupe Saint Christophe - Ford :
"La notion d'investissement est aujourd'hui centrale et capitale, à différents niveaux. Pour garantir l'avenir, si on cherche le bon investissement, il va forcément s'orienter sur les compétences, c'est-à-dire les hommes. A quoi ça sert d'avoir des bâtiments mirifiques, des cathédrales à des coûts parfois exorbitants si les compétences ne sont pas à l'intérieur ? Je ne dis pas cela contre les constructeurs, mais il y a des priorités de chef d'entreprise et les hommes en font partie. D'où l'importance de ce diplôme d'ingénieur pour la profession".

Liliane Rivière, directeur général du GARAC : "Nous avons beaucoup parlé des besoins en middle-management et j'insiste volontiers sur l'intitulé "coordinateur management et qualité après-vente automobile". Ce diplôme répond à ces besoins de par la polyvalence même qu'il induit. Par ailleurs, je rappelle qu'au lancement du BTS, les mêmes objections et réserves étaient avancées et quelques années plus tard, le BTS était pleinement intégré dans la profession et personne ne songeait à s'en passer. Nous sommes donc persuadés que le diplôme d'ingénieur va s'imposer. D'ores et déjà, 80 % des jeunes qui constituent les promotions se situent dans la distribution et les services. Nous sommes au cœur de la cible. Les 20 % de cas particuliers, entre guillemets, sont aussi enrichissants car ils assurent un dialogue avec l'ensemble de la filière automobile. L'intérêt de la profession ne saurait se trouver sans une diversité relative. Enfin, avec ce diplôme de haut niveau en alternance, nous continuons à travailler sur l'optimisation de la relation école-entreprise".

Jean-Pierre Trenti, président du GARAC, vice-président du CNPA, administrateur de l'ANFA, président de l' AFISA : "Nous n'avons pas le droit d'échouer. Et ce pour deux raisons. D'une part, parce que nous sommes convaincus d'avoir raison d'aller dans cette voie. Peut-être avons-nous lancé le projet un peu trop tôt, mais c'est anecdotique. D'autre part, ce diplôme d'ingénieur répond à des besoins de la profession, des besoins qui ne se démentiront pas à l'avenir. Il répond aussi à la politique globale visant à valoriser l'alternance. A terme, notre objectif n'est pas de constituer des promotions pléthoriques, mais de pérenniser des effectifs stables en adéquation avec le juste besoin de la profession".

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