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Le diktat du temps réel

Publié le 3 février 2012

Par Gredy Raffin
9 min de lecture
Le consommateur 2012 sera surinformé, exigeant et surtout pressé par le temps. Les pays développés poursuivent leur quête de maturité afin d’affronter de la manière la plus efficace ces enjeux capitaux. Le physique et le virtuel ne doivent plus faire qu’un, dans un contexte où l’information doit être traitée et disponible instantanément.
Que ce soit l’institut Ifop ou les experts de Capgemini, tout le monde s’accorde à dire que le smartphone occupe une place prépondérante dans le processus d’achat. L’influence des avis de consommateurs aussi ne cesse de croître.

Au début du mois de novembre dernier, Les Pages Jaunes et l’Ifop ont sondé 1 000 Français sur leurs attentes en matière de nouvelles technologies. L’objectif de cette étude était de jauger l’intérêt d’investir dans la virtualisation de l’information à destination des consommateurs. Une question cruciale à l’heure où les clients s’équipent de toujours plus de moyens de communication. Les deux entreprises collaboratrices en sont arrivées à la conclusion qu’il y avait des besoins évidents aussi bien d’informations que de contenus et de services, géolocalisés de préférence. Qu’il s’agisse d’acheter un véhicule neuf, un véhicule d’occasion ou une prestation atelier, Internet entre en permanence dans le top 3 des sources d’information utilisées, avec le passage direct sur le point de vente ou le bouche à oreille, au détriment de la publicité, notamment. A peine ce virage négocié par les professionnels de l’automobile, qu’un autre se présente. A en croire l’étude Pages Jaunes/ Ifop, l’avènement de l’ère des mobinautes est confirmé. Cette nouvelle population arpentant les commerces est encore mieux renseignée et pour cause, elle consulte davantage de sources d’information. Si un internaute en croise en moyenne 4,5 avant d’acheter un VN, un mobinaute en interroge 6,4. Au VO, ce rapport est de 5,1 contre 6,5 pour l’utilisateur d’un terminal mobile, et l’après-vente de 2,5 contre 2,9. Les Français ne s’en cachent pas, l’Internet mobile est d’une grande utilité, à 73 % dans le cas d’un achat VN, à 75 % pour le VO, à 77 % pour une visite à l’atelier et même à 85 %, en cas de réparation urgente. Ce n’est donc pas par hasard si, dans les hautes sphères, la question se pose de plus en plus : une application mobile permettant la prise de rendez-vous directe avec un professionnel a-t-elle du sens ? Selon l’enquête, 67 % des Français se déclarent intéressés par un tel service. Une proportion de 10 % supérieure en Ile-de-France.

Plus personne ne craint l’Internet

“En 2012, la mobilité va exploser”, cela ne fait définitivement plus aucun doute à en croire une porte-parole du Syndicat national de la Communication directe (SNCD). Cette tendance est devenue une évidence. Mais pour Pia Casanova, présidente d’Euro CRM, groupe de six centres de contact, la tempérance est de circonstance : “Dans l’automobile, les choses sont plus compliquées qu’ailleurs. Il y a beaucoup de paramètres à prendre en compte, qu’ils soient relatifs au constructeur, au distributeur ou au client.” Avec les terminaux mobiles, on ajoute un point de contact supplémentaire à gérer, et le monde automobile ne semble pas encore formaté pour cela. “Le géomarketing n’est pas quelque chose qui prend réellement dans les réseaux de marque. Ils n’en sont pas à ce stade, relève Raphaël Kattan, consultant chez Opus Consulting. Certes, des distributeurs ont tenté l’aventure sur les réseaux sociaux, mais souvent parce qu’ils y ont été contraints, non parce qu’ils avaient une stratégie arrêtée. Les marques sont en phase d’apprentissage, on ne peut donc demander aux réseaux de faire le travail.”

En reprenant l’étude du SNCD, intitulée “Email marketing Attitude”, on cerne quelques éléments supplémentaires sur les habitudes de consommation des Français. Réalisé par l’institut Ipsos au cours du mois d’août dernier, le sondage s’appuie sur un échantillon représentatif de 1 301 internautes français de 15 à 60 ans.

Si on parle de la complexité d’entretenir une relation virtualisée avec le client, il faut savoir que 35 % de nos compatriotes se considèrent comme des internautes confirmés, voire d’excellent niveau (à 32 %). Il n’y aurait donc plus de frein à vouloir établir des liens dématérialisés. Toutefois, la prise d’information doit être réalisée avec le plus grand soin. En effet, chaque Français possède en moyenne 2,5 adresses mail dont les usages diffèrent, mais dont la longévité égale, sinon dépasse, celle d’un numéro de téléphone. L’étude du SNCD révèle en effet que 75 % des adresses e-mail dites principales ont plus de quatre ans d’ancienneté et qu’elles servent pour 30 % à recevoir les promotions commerciales d’une marque dont ils sont clients, pour laquelle ils ont plus de considération que pour une marque dont ils ne consomment pas encore les produits (16 %). D’ailleurs, tant qu’à être contactés par Internet, s’ils ne sont pas indécis (à 19 %), les Français préféreraient largement le mail (78 %) aux autres solutions telles que Facebook (2 %) ou encore les applications mobiles (1 %), jugées plus intéressantes en messages sortants.

Toujours selon le sondage Ipsos conduit pour le SNCD, rares sont les clients à ne pas recevoir de newsletter suite à un achat (11 %) ; 40 %, en majorité des femmes de moins de 35 ans, veulent à travers ce canal de communication recevoir des offres, 32 % rester informés sur les nouveaux produits et services, et 30 % invoquent, entre autres réponses, la curiosité. Toutefois, un envoi d’information n’engendre pas systématiquement de la consommation : 47 % des internautes ne manifestent aucune intention d’achat à la suite de la réception d’un mail commercial. La question du “spam” s’est donc imposée aux sondeurs. Bien avant qu’il soit classé comme tel par les services de messageries (36 % des définitions suggérées), un mail est aujourd’hui considéré comme spam dès lors qu’il est envoyé par un expéditeur non autorisé (63 %) ou inconnu (35 %), qu’il contient un discours commercial (28 %) ou fait une offre trop alléchante (9 %). Les professionnels de l’automobile peuvent donc se réjouir d’être en présence d’une population qui a appris à faire le distinguo entre l’intrusion et l’opportunité commerciale.

Un consommateur sociabilisé

“Le secteur de l’automobile est passionnant de par sa maturité, mais il peut être épuisant car les habitudes et les méthodologies, parfois dépassées, y sont solidement ancrées et il est difficile de les faire bouger. Dans le cœur de métier qui est la vente, certains semblent vouloir réintégrer des méthodes du passé, des méthodes de rigueur qui se sont dissoutes au fil du temps. Nos clients réclament de nos formations qu’elles recadrent les forces commerciales”, constate Marc Tessier, le président d’Opus Consulting, notamment prestataire de service au sein du réseau Audi et Nissan. “Il fut un temps où il y avait de la communication, le vendeur allait vers le client et inversement. Aujourd’hui, l’acheteur se rend en concession surinformé, avec pour seule idée de négocier la remise. Ce qui rend le métier plus difficile à exercer”, continue-t-il. “Nous les sentons désarmés. En dépit des programmes de formation et des outils des constructeurs, nous avons au quotidien l’impression qu’ils sont perdus”, complète Raphaël Kattan, son consultant.

La surinformation et l’exigence du consommateur, une tendance forte qui n’a pas échappé aux consultants de Capgemini dans son étude annuelle, Cars Online. En phase de conquête, c’est la rapidité qui ferait la différence. Et Sébastien Garcin, expert en marketing digital chez Capgemini Consulting, d’illustrer : “En France, si on rappelle dans l’heure, on obtient 80 % de prises de rendez-vous. Si on recontacte le lendemain, ce taux tombe à 50 % et le retour sur l’investissement consenti est donc bien moindre.” L’enjeu est ainsi majeur pour les marques, mais la réalité est “qu’il n’y a aucune culture de la réactivité en France, contrairement à ce que l’on observe chez nos voisins”, déplore l’analyste. Joindre le prospect dans l’heure, c’est un doux rêve, mais y parvenir dans les quatre heures suivant la génération du lead est tout à fait réalisable, dès lors que les organisations se mettent en place. “Les constructeurs doivent maintenant se structurer comme des e-commerçants même si, à terme, l’achat est validé en concession”, tranche Eric d’Arche, expert automobile chez Capgemini. Il cite notamment le cas de Nissan comme une bonne approche. “Les Français suivent la bonne direction, mais avancent trop lentement”, comparent les deux observateurs. La faute peut-être à des décisionnaires en décalage avec la nouvelle culture et qui, par prudence, mesurent chacun des pas accomplis.

L’édition 2011 de Cars Online dresse le portrait-robot d’un consommateur “social” pour qui les avis des autres comptent beaucoup. Un Français lambda se laisse à 59 % influencer par le commentaire positif d’un autre utilisateur et à 52 % par un commentaire négatif. Cela venant confirmer la tendance internationale, selon laquelle 71 % des acheteurs disent retenir une marque ou un concessionnaire si, sur les sites d’échange d’impressions, les remarques sont positives. D’ailleurs, la génération de contenus sur le site Internet des marques est grandement appréciée, en France (60 % en 2011 contre 39 % en 2010), comme sur tous les marchés en général (73 % contre 65 % en 2010). “Toutefois la création de plates-formes propres aux constructeurs n’est pas forcément une bonne idée”, préviennent les experts de Capgemini. “Un Français consulte 3,5 sites en moyenne par jour, dont Google, sa messagerie et Facebook. Il n’ira donc pas sur le réseau social du constructeur avec une réelle assiduité”, explique Sébastien Garcin. La solution pourrait venir de Renault ou BMW, qui ont décidé de se reposer sur des communautés à valeur ajoutée, qu’il s’agisse de TomTom, Coyote ou BMW Connected.

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ZOOM - Qu’est-ce que Pacitel ?

Fondée sur le droit d’opposition classique de la loi de 1978, il s’agit d’une liste répertoriant les numéros de téléphone fixes et mobiles des consommateurs français qui ne souhaitent plus être démarchés par les entreprises dont ils ne sont pas clients et à qui ils n’ont pas donné leur consentement. Elle a été officialisée en décembre dernier, née de l’initiative de grands donneurs d’ordre, désireux d’adopter une démarche responsable. Une fois signataire de la charte, les entreprises ou leurs prestataires s’engagent à ne travailler qu’à partir d’une liste Pacitel fraîche de moins de 48 heures et à ne pas l’exploiter plus d’un mois. “Pacitel va dans le bon sens car cela améliore la qualité de notre travail”, confie-t-on chez Actel.
“Cela nous aide à générer des économies de temps et d’hommes”, renchérit-on chez Euro CRM. A ce jour, les acteurs de l’automobile ne sont pas encore signataires de Pacitel, contrairement aux secteurs de la banque, de l’assurance et des télécommunications.
Notons deux choses, d’abord que seules les entités juridiques sont signataires. C’est-à-dire qu’un constructeur partisan n’engage pas légalement son réseau de concessionnaires.
Ensuite, que le sénateur auvergnat, Jacques Mézard, souhaiterait aller plus loin en généralisant l’interdiction de prospecter par téléphonique sans autorisation. Affaire à suivre.

 

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