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Indigo Weel : "Nous allons tester notre service automobile dans des villes intermédiaires"

Publié le 2 novembre 2018

Par Gredy Raffin
7 min de lecture
Le groupe gestionnaire de parkings a de grandes ambitions sur le marché de la mobilité partagée au point d'avoir créé une filiale et instauré un mécanisme industriel qui concerne maintenant les automobiles. Jean Gadrat, le directeur général d'Indigo Weel, est revenu sur la genèse du projet. Entretien.
Jean Gadrat, directeur général d'Indigo Weel.

 

Le groupe Indigo a investi sur la mobilité partagée en développant une gamme complète de véhicules. Pouvez-vous revenir sur la genèse du projet et ce qu'il révèle de la stratégie d'Indigo Weel ?

Jean Gadrat. Depuis les années 60, nous construisons des parkings. Ils ont évolué avec le taux d'équipement automobile des Français. Nous savons que la voiture va perdurer, mais son mode d'utilisation et sa motorisation vont évoluer, entre le partage, la consommation à la demande et l'électrification. Nous ne pouvons rester les bras croisés face à ses mutations. De fait, nous avons lancé des vélos partagés en 2011. Cela n'a pas fonctionné car les gens ne descendaient pas dans les parkings pour les louer. En 2017, nous avons décidé de sortir des parkings pour proposer ce service dans la rue, tout en gardant en tête que nous y reviendrions ensuite. Cela a été expliqué a Autonomy en novembre et démarré à Metz en décembre. Ensuite, nous avons investi six villes, Tours, Bordeaux, Lyon, Toulouse, Angers et Grenoble, soit des profils variés. Trois générations de vélos nous ont aidés à perfectionner le produit en fonction des retours, et des taux et motifs de casse. Nous présentons aujourd'hui la sixième ou septième génération.

 

Que s'est-il passé par la suite ?

JG. Nous avons développé l'application mobile associée. Il faut savoir que, pour un vélo mis en service, on obtient près de dix téléchargements. En commençant par le vélo traditionnel, nous avons donc pu minimiser les coûts d'acquisition, sachant que notre objectif reste de migrer les utilisateurs vers d'autres solutions de mobilité de notre gamme électrique, dont les vélos, les scooters et les trottinettes.

 

Concernant la gamme électrique, Indigo a adopté une stratégie toute particulière de batterie unique, comment cela fonctionne-t-il ?

JG. En effet, nous avons réduit les investissements en concevant un type unique de batterie. C'est-à-dire que nous avons imaginé un modèle standardisé, tant en termes de performance que de gabarit. Elle sert ainsi à tous nos véhicules. Le vélo électrique comme la trottinette n'en nécessitent qu'une, le scooter en embarquera deux, voire plus en fonction de la puissance. Il en faudra six pour la voiture que nous présentons. Il y a plusieurs avantages. Nous jouons sur un effet volume pour baisser les coûts de production, puis en tant que gestionnaire de flotte, nous n'avons alors qu'un type de batterie à charger. Aussi, nous pouvons penser à des infrastructures de recharge légères et amovibles à installer dans nos parkings, telle l'"armoire" de stockage des batteries que nous avons présentée.

 

Comment procéderez-vous ?

JG. On peut concevoir que des équipes Indigo seront missionnées pour effectuer l'échange de batteries dans les véhicules (méthode dite du "swap", NDLR) ou que les usagers exécutent la manœuvre contre une forme d'avantage. Outre le gain d'instantanéité, comme dans une station-service, il y a un côté sécuritaire évident, puisque nous évitons que des gens aient à recharger des batteries chez eux, avec tous les risques d'incendie que cela sous-entend.

 

Quand on est gestionnaire de parkings, on peut s'inventer loueur de vélos, mais le rôle de concepteur de batteries est bien plus éloigné. Comment orchestrez-vous toute cette situation ?

JG. C'est vrai et telle est la raison de notre évolution douce, soutenue par un actionnaire préoccupé par les transformations de la mobilité. Nous refusons de fonctionner comme les opérateurs chinois qui débarquent sans crier gare. Nous collaborons avec les villes, nous signons des chartes de bonne conduite, nous leur laissons la supervision des projets… Tout cela, nous le devons à notre expérience de gestionnaire de contrat de délégation de service public (DSP). Et les résultats sont là puisque nous avons été accueillis avec bienveillance dans les sept villes que nous couvrons. Grenoble a été jusqu'à nous proposer un contrat d'exclusivité de vingt-quatre mois pour le free-floating, soit un véritable gain de pérennité.

 

Mais de manière plus industrielle, quel est votre secret pour cette batterie ?

JG. Cette fois, nous pouvons le dire : ce sont les Français qui ont été prendre les Chinois en photo ! Nous avons en effet été en Chine observer la méthode et à Taiwan pour rencontrer Gogoro, le constructeur de scooters électriques qui utilisent le swap et dont la batterie a été retenue pour les scooters de Coup. Nous nous sommes extasiés devant ce concept, considérant que nos parkings pourraient servir de lieu d'hébergement des distributeurs de batteries chargées. Ensuite, nous avons contacté une société française qui produit des batteries en Chine. Une fois qu'elle a été dessinée selon notre cahier des charges, nous avons démarché des constructeurs de vélos, de scooters, de trottinettes ou encore de voitures en présentant la batterie et en imposant que le véhicule puisse l'accueillir. Nous ne nous chargeons pas de la R&D, mais nous leur apportons un volume nécessaire à l'amortissement de l'appareil de production.

 

Combien vous coûte la batterie ?

JG. Nous sommes encore en phase de prototypage, donc le prix actuel n'est pas révélateur. La batterie comprend les cellules, leur enveloppement, le cerveau de la batterie, et la définition du modèle économique revient donc à notre partenaire de définir les éléments nécessaires, tandis que nous imaginons la forme à adopter pour l'intégrer à toute la flotte dans sa diversité. En l'occurrence, nous avons opté pour un rectangle long pouvant adopter toutes les positions. Nous fixons un minimum de 800 charges et le calcul se fait sur la base du nombre de kilomètres d'autonomie rapporté à la distance moyenne parcourue par location. Les batteries doivent pouvoir vivre cinq à sept ans et être recyclées ou réemployées. Il est important de savoir dès aujourd'hui quel part du prix de la batterie couvrira les frais de fin de carrière. Mais notre modèle économique repose sur de la mobilité, du taux d'utilisation et non sur du Grid ni sur de la subvention publique. D'ailleurs, la fin d'Autolib' a ouvert la porte à des opérateurs privés qui ont le même modèle d'affaires, ce qui libère les collectivités d'un poids financier.

 

Lorgnez-vous vers le marché parisien ?

JG. Bien sûr. La stratégie sera celle du contournement. Nous allons tester notre service automobile dans des villes intermédiaires pour apprendre, et ensuite, nous investirons la capitale. Nous sentons que ce marché mérite une approche intelligente au risque de s'exposer à une situation non profitable, comme certains. On ne peut pas démarrer avec 120 voitures. Pour être rentable, il en faut plus. Il y aura bien 20 000, ce qui laisse de la place. Et je pense que notre produit à batteries amovibles, conjugué à notre réseau de parkings, nous offre un avantage, à la fois en termes de légèreté d'infrastructure de recharge et en garantie de disposer de places de stationnement.

 

Comment voyez vous ce rapport à la logistique ?

JG. Il faut une équipe interne avec des employés qui, placés en situation pérenne, pourront adhérer à une culture d'entreprise. On ne peut pas tout faire reposer sur des partenariats avec des prestataires auto-entrepreneurs, même si cela offre de la souplesse par rapport aux coûts fixes. Je sais, cependant, qu'animer une équipe 100 % intégrée n'est pas un choix idéal pour le modèle économique, il y a un intérêt à recourir à une communauté rémunérée, voire des ambassadeurs par quartier.

 

Revenons aux véhicules. Vous allez voir directement des constructeurs de tout genre dans un rôle de donneurs d'ordre, faisant l'impasse sur les offres des constructeurs classiques. C'est une approche bien différente…

JG. En effet, c'est important de le souligner. Les grands constructeurs historiques, un peu dogmatiques, sont désormais concurrencés par des asiatiques qui placent la notion du client-roi au-dessus de tout. L'exploitant en bout de chaîne fait remonter l'information pour influencer la conception du véhicule. Ce qui est une vision intéressante de la collaboration.

 

Et quelle est l'histoire derrière cette vision ?

JG. Les vélos sont nés chez Indigo. Puis notre partenaire, SharingOS, nous a conçu une application pour les exploiter. Nous avons trouvé agréable de maîtriser notre volume de production pour l'adapter à nos véritables besoins. Nous avons donc trouvé un constructeur de scooters, puis CHJ, un constructeur de voitures chinois, dans la même logique : leur technologie et leur capacité se mettent au service du client que nous sommes.

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