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Electronique embarquée : rame-t-on à contre-courant ?

Publié le 24 septembre 2014

Par Gredy Raffin
8 min de lecture
A une poignée de jours du Mondial de l’Automobile et son déferlement de technologie embarquée qui s’y annonce, il paraissait intéressant de prendre la température chez les fabricants d’électronique embarquée. Si certains ont réussi le virage de l’OEM, d’autres voient leurs volumes fondre. Enquête.

Est-ce la fin de l’électronique embarquée telle que nous la connaissions ? Volontairement provocatrice, la question n’en reste pas moins légitime. Les acteurs du marché, qui se frottaient encore les mains il y a quelque temps, alignant les bâtons, comptent désormais chacune des ventes. Quelle que soit la famille de produits, l’inquiétude règne car les volumes s’effritent. A qui la faute ? De toute évidence aux constructeurs automobiles qui équipent de mieux en mieux leurs véhicules, si bien que le marché de la seconde monte concerne maintenant davantage le parc roulant plus ancien. La présence de la direction de Clarion parmi l’assistance lors des Etats-Majors du VO (EMVO), organisés en juin dernier par le Journal des Transactions (JTA), est une illustration de l’intérêt porté au marché de l’occasion. Une cible qui, elle-même, fond sous l’effet du renouvellement des produits mis à la route.

Fatma Chamakh ne s’en cache pas. La directrice commerciale pour les activités Automobile et Sports de Garmin France rappelle que le marché du PND enregistre sa cinquième année de baisse consécutive et que les experts en prédisent la fin. Tout du moins sous la forme que nous connaissons. Si le matériel trouve de moins en moins de sens aux yeux des consommateurs, "l’intelligence", comprendre le logiciel, qu’il contient lui survivra. En France, les ventes de PND accusent un recul 10% et les prévisions tablent sur 1,2 million d’unités à la fin de l’année 2014, soit un niveau de déclin jugé acceptable. Dans ce contexte si difficile, Garmin se réjouirait presque de constater une érosion des 4% de ses volumes. Un score qui lui permet de revendiquer une progression de 6% de sa part de marché, à 32%.

Garmin dit être parvenu à stabiliser le prix moyen de vente de ses produits. Le montant s’établit à 135€ contre une moyenne de 110€ en France. "Nous tirons les prix vers le haut grâce au contenu et à l’offre de mise à jour gratuite", analyse Fatma Chamakh, qui promet d’autres investissements, dont on verra les concrétisations au Mondial de l’Automobile de Paris, en guise de lancement de la période de Noël. "Nous allons nous imposer en tant que marque à contenus au deuxième semestre. Ainsi, nous pourrons atteindre notre objectif de 40% de pénétration.

En face, TomTom, endosse le costume du leader inébranlable, dont les poches sont pleines d’arguments favorables. "Nos études arrivent à la conclusion que 85 % des utilisateurs désirent un produit dédié", rapporte Vincent Martinier, le directeur marketing de TomTom France. Ce qui l’amène à penser que la phase de renouvellement amorcée participera à soutenir la stabilité des ventes. Mais avec une pénétration supérieure à 50%, le marché en sera clairement dépendant.

Les autoradios luttent pour le maintien de la valeur

Cette réalité grisâtre du marché, d’autres la dépeignent. "Nous sommes sur une tendance baissière, très spécifique à la France", constate Abbas Abassi, le directeur commercial et marketing de Clarion. "Le marché s’oriente vers les autoradios 1-DIN, plus faciles à intégrer, mais à la valeur plus faible", regrette-t-il en partie. Il y voit un comportement propre au consommateur français qui "peine à investir 1000€ dans un système multimedia 2-DIN plus complet que celui vendu par le constructeur automobile", mais également un manque de compétence dans les centres-autos. De fait, le marché s’équilibre entre les deux solutions. Le représentant de Clarion parle d’une chute de 30%, à moins d’un million de pièces au total, au premier trimestre 2014, selon les informations partagées au sein du Club de l’Electronique embarquée, la fédération des fabricants (environ 80% des marques) dont sa société compte parmi les membres. Il revendique cependant une pénétration de 16%. Ce qui constitue un minimum vital pour la marque qui, par manque d’investissement dans la ligne de produits 1-DIN, a vu ses parts se réduire à 1%. "La gamme va être renouvelée en 2015", assure Abbas Abassi. En attendant, la priorité est mise sur le créneau de la première monte décalée. Un relais de croissance qui pèse déjà 50% du chiffre d’affaires de Clarion.

Toutes les conditions sont donc réunies pour soutenir un élan de guerre commerciale. Rude, celle-ci va jusqu’à conduire des marques de haut rang à pratiquer des tarifs de produits à bas coûts. Des prix de vente tombés si bas que, parfois, les autoradios coûtent moins cher que la main-d’œuvre nécessaire à leur installation. Une situation qui a eu raison de prétendants tels Oxygen, Takara ou Tokaï, mais dont Pioneer dit avoir tiré parti. "Il y a deux ans, le segment des autoradios sans mécanique est devenu la chasse gardée des marques d’entrée de gamme, nous avons alors pris le pari de redonner de la valeur avec notre fonction MixTrax et, résultat, nous représentons 30% du marché en valeur", se félicite Sébastien Rosnet, responsable marketing de Pioneer. Vendre plus cher à défaut de vendre plus de volume, le credo de Pioneer a d’ailleurs globalement porté ses fruits. Le fabricant pense renforcer ses arguments avec la montée en puissance du Bluetooth. Il parle notamment de la récupération des fonctions Siri Eyes Free (commande vocale d’Apple) d’ici peu. En attendant, il duplique sa ligne stratégie sur le marché des haut-parleurs.

Le son aux mains d’une poignée d’acteurs

"En décroissance stable de 10%", c’est le bilan que tire quant à lui Frederic Houis, directeur marketing et produit de MTX Audio, dudit segment des haut-parleurs. Un pessimisme à relativiser. Selon certaines études, le marché des HP pesait 362000 unités au terme de l’année fiscale 2012-2013. Un an plus tard, son poids était de 342000 unités, soit -5,5%. Sur la même période, la valeur perdait environ 5,2%, à 18 millions d’euros de chiffre d’affaires.

Sur celui des caissons de basse et subwoofer, le repli atteindrait 6%. Comme les fabricants d’autoradios, les marques d’ingénierie du son peinent à expliquer leur valeur ajoutée aux consommateurs. Il faut dire que les innovations ne sont pas légion ces derniers temps, ce qui n’aide pas à répondre à la question récurrente des clients : que gagne-t-on à monter en gamme ? En face, les constructeurs ont, là encore, réagi et pris le marché à leur compte. A la sortie d’usine, le taux d’équipement en caisson de grave, par exemple, est passé de 5 à 98%. Ce qui, néanmoins, n’empêche pas quelques belles réussites industrielles, à l’instar du Français Focal. Avec MTX Audio, Alpine, JBL et Pioneer, la société stéphanoise figure dans le Top 5 hexagonal, dont les parts de marché cumulées atteignent près de 80%.

L’essor des applications se confirme

Un autre marché observe également un quasi-monopole, celui des assistants d’aide à la conduite. Ils ont su se fédérer quand il fallait lutter pour leur survie, en juin 2011, mais depuis, tout est revenu à la “normale”. Les quelques chiffres qu’il est possible de collecter sont donc à prendre avec prudence. A date, Coyote domine les débats, avec environ 80 % des volumes. Wikango, à la faveur des difficultés d’Inforad, aurait augmenté sa pénétration pour glaner plus de 10 %, laissant les dernières ventes comme des miettes aux concurrents.

Cette réussite apparente cache à peine une tout autre réalité : les fabricants de boîtiers peinent à composer avec l’essor des applications mobiles, dont ils sont eux-mêmes éditeurs. “Il y a une baisse de la demande spontanée en magasin, relève Loïc Rattier, le directeur associé de Wikango. Seuls les professionnels de la route et les clients les plus âgés se tournent encore véritablement vers les produits dédiés.” Comprendre par cette analyse que les jeunes ont recours à leur smartphone et que, dans ce cas, les solutions “gratuites” comme Waze, la propriété de Google, gagnent de plus en plus de terrain.

Toutefois, la messe n’est pas dite. Les fournisseurs historiques ont encore de belles cartes à jouer, à l’instar du travail mené par Coyote, dont l’application eCoyote va être homologuée par le Car Connectivity Consortium (CCC) pour fonctionner sous MirrorLink. Après son entrée chez Renault et chez PSA Peugeot Citroën, Coyote s’ouvre donc les portes de Volkswagen Group qui équipera Volkswagen, Seat et Skoda au fil des renouvellements, mais aussi de Toyota. “Toucher un public plus large constitue notre priorité, insiste Nicolas Franco, le responsable des relations constructeurs de Coyote. Cela passe par le MirrorLink, mais également par CarPlay d’Apple et Android Auto de Google, si possible.”

Le physicien allemand, Georg Christoph Lichtenberg, écrivait : “adapte-toi au monde, car ta tête est trop petite pour que le monde s’y adapte”. Coyote est un cas d’école. Tout comme TomTom. Et c’est une leçon pour le secteur : l’industrie automobile dicte une nouvelle marche à suivre et ils ne peuvent que se mettre au pas. La course aux signatures de contrats OEM n’aura jamais été aussi passionnante.
 

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