Aide sociale
La tendance est clairement à la croissance. N’en déplaise à certains prédicateurs qui juraient le contraire. D’après la dernière étude de Capgemini, les réseaux sociaux, de par le monde, sont une source d’information dans 22 % des parcours d’achat. Alors, certes, ils sont bien loin des concessionnaires (55 %) ou des moteurs de recherche (52 %), ou encore des sites de marques (54 %), mais ils affichent l’une des meilleures progressions d’une année sur l’autre (16 % en 2013). D’autant plus, si on les regroupe en une catégorie avec les forums qui sont sollicités dans 31 %. Un constat plus marqué en France où, selon les données de NetPop Research pour Google, les acheteurs y ont recours dans 49 % des cas (contre 35 %, en 2013).
Une déferlante sur laquelle les constructeurs doivent apprendre à surfer. Et la tâche n’est pas aisée. “Le social suscite deux types de réaction chez les constructeurs : ils y voient une opportunité, mais ne savent pas comment l’aborder compte tenu de la multiplicité des sites Internet qu’ils possèdent déjà”, analyse Fabrice Valmier, directeur associé de VT Scan Groupe, qui accompagne tous les types d’annonceurs sur les problématiques de communication, de la définition de la stratégie à la conduite du changement en passant par l’audit des agences partenaires. Jusqu’à présent, les réflexions portaient davantage sur les outils, sur les moyens à mettre en œuvre, et non sur la stratégie, non sur le but. Le temps est venu d’apporter de la maturité aux projets.
“Depuis que… plus jamais je…”
Tout commence par un travail sur la culture même de l’entreprise. A l’instar de ce qu’ont réalisé la SNCF ou la grande distribution, qui ont été capables de s’attribuer un territoire de marque et de le consolider, les constructeurs doivent s’imposer une vision claire. Et de se donner les moyens de provoquer une rupture constructive dans ce parcours client qui a considérablement changé. “Les constructeurs ont-ils conscience que les financeurs, par exemple, avec leurs propres dispositifs, sont des apporteurs d’affaires potentiels ?”, interpelle Fabrice Valmier. Les portes d’accès échappent parfois à leur contrôle, mais il faut créer les couloirs qui ramènent vers la concession.
Les réseaux sociaux concentrent l’attention et, de fait, les budgets. Chez Mazda, on admet grossir l’enveloppe d’année en année. La part de ce seul canal dans les investissements sur le digital atteint désormais 5 %. Des ressources prises notamment sur les achats d’espaces dans la presse, dit-on. “Au départ, nous avions confié la tâche à notre agence digitale pour créer les comptes et une stagiaire en interne faisait le relais, se rappelle Pierre de Villeplée, directeur marketing de Mazda France. Depuis, nous l’avons titularisée et lui avons confié la charge de l’ensemble des espaces conversationnels.” Cette évolution témoigne de la prise en main du sujet. En marketing, il existe un concept : “Depuis que… plus jamais je…”. Un exemple concret : depuis que les terminaux mobiles connectés ont émergé, les clients ne se sont plus limités à naviguer sur leur ordinateur. Et la consultation d’Internet en point de vente a changé l’expérience client. Aussi, depuis que les réseaux sociaux proposent une expérience différente dans bien des secteurs, plus jamais les constructeurs automobiles ne pourront faire de choses “simples”.
Non à la censure
Chez Fiat, après deux années d’observation, la ligne éditoriale a été définie. “Nous avons décidé qu’il n’y aurait aucune censure, fait savoir Jérémie Ballouard, le responsable communication digitale du groupe en France. Cela nous a demandé d’argumenter longuement auprès de la direction.” Oui, il subsiste encore une crainte vis-à-vis de la critique. Mais il faut accepter l’idée que les réseaux sociaux sont des espaces publics incompatibles avec toute forme de vision stalinienne. La marque italienne considère plutôt que tous les départements doivent donc s’impliquer, en premier lieu celui de la relation clientèle, pour échanger avec ses fans, en toute transparence.
Une vision que partage Jaguar. En tant que marque exclusive, il n’a pas été aisé de trouver la bonne formule. Il a été finalement établi que la stratégie sera pilotée depuis le siège anglais, mais que les filiales auront la possibilité de donner une couleur nationale à leur page, avec des publications locales.
Dans une autre mesure, la délocalisation concerne aussi les concessionnaires. “Nous venons de présenter notre prochaine version de site Internet qui servira de modèle à nos partenaires. En ce qui concerne les réseaux sociaux, nous leur laissons la liberté et préférons instaurer un esprit de collaboration. Nous relayons mutuellement les informations publiées. De fait, nous respectons les limites de l’ingérence.” Pas mieux chez BMW, qui dit n’avoir aucune veille spécifiques sur les activités des concessionnaires.
L’émergence des “newsroom”
Facebook sert à animer la passion, avec un ton amical. Twitter permet de toucher des influenceurs, qu’ils soient journalistes, blogueurs ou directeurs de communication. Sur LinkedIn, la cible est professionnelle, sérieuse, et sur Viadeo, il s’agit presque de faire des ressources humaines. Instagram donne de la visibilité aux nouveaux produits, quand Pinterest a une notion plus artistique. YouTube a un rôle de relais d’informations didactiques. Google+ a un intérêt dans une logique de référencement. Cette vision très pragmatique correspond à la stratégie du groupe JFC Duffort, comme nous l’explique son directeur de communication, Tristan de Céleyran, qui depuis deux mois à peine expérimente le renfort d’une gestionnaire de communauté.
Et si tous ces canaux ne servaient pas qu’à la diffusion ? C’est dans cette voie que Fabrice Valmier invite les constructeurs. Il émerge en effet une tendance, celle des “newsroom” (salle d’informations). Cette pratique consiste à identifier et à sélectionner, chaque jour, un des sujets qui fera du bruit sur la Toile pendant les 48 prochaines heures, puis à s’inviter de manière constructive aux conversations y ayant trait pour chercher à s’en emparer. “Il faut relever le défi de devenir une marque participative”, exhorte l’expert du digital. Il ne faut pas se leurrer, cela réclame des ressources que peu de constructeurs peuvent s’offrir, d’autant plus en ces temps incertains. Mais le but est louable, puisque les marques pourraient de fait concilier la consistance stratégique et l’immédiateté du temps réel qu’imposent certains médias chauds tels que Twitter. “La révolution culturelle des entreprises, c’est aussi apprendre à se dire que certaines choses relèvent du consommable, de l’effet de mode”, clame-t-il encore. Il en est une qui ne passera pas de sitôt, n’en déplaise aux réfractaires.
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FOCUS - Espaces privatifs
Mazda et BMW sont deux exemples récents d’initiatives librement inspirées de la socialisation. Le Japonais a créé, en septembre dernier, MazdaRebels, soit un site Internet européen sur lequel tous ceux qui se sentent dans la peau de précurseurs peuvent venir partager leur vision ou faire la promotion de leur projet. Pour sa part, BMW a mis en ligne BMWStories, un lieu où les internautes racontent une anecdote vécue avec la marque.
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FOCUS - Changement de règles
En roi des réseaux sociaux, Facebook impose ses règles. Elles vont encore évoluer, au grand dam des marques qui vont contribuer à la profitabilité du site. En effet, comme chacun sait, les publications sont gratuites. En revanche, les nouveaux algorithmes limiteront la diffusion des messages auprès des fans, dans leur fil d’actualité. Pour s’assurer de toucher une audience plus large, les annonceurs devront s’acquitter d’une somme variable, en fonction de la taille de la communauté. Pour faire carton plein, une marque challenger pourrait avoir à débourser 120 euros par publication.
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