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Constructeurs

Le réseau Nissan en attente d’oxygène

Publié le 16 juin 2021

Par Christophe Bourgeois
6 min de lecture
Le réseau Nissan s’inquiète. Après des années de ventes en baisse, la marque reste à la traîne. Alors que le marché a progressé sur le premier trimestre, elle ne décolle toujours pas. L’arrivée du nouveau Qashqai en juin va-t-elle changer la donne ?
L’arrivée de nouveaux produits, comme le Qashqai et sa technologie e‑Power, l’Ariya (photo) et le X‑Trail, devrait redonner des couleurs à la marque en France, espère le réseau.

 

Les chiffres parlent d’eux‑mêmes. Sur la deuxième moitié de la décennie 2010, Nissan a dévissé de 42 % en France. De 74 102 immatriculations VP enregistrées en 2015, la marque japonaise ne commercialisait plus que 42 313 véhicules en 2019, année de référence ante-Covid.

 

Pendant cette période, elle est passée de la 9e place du secteur (entre Ford et BMW), avec 3,9 % de part de marché, à la 14e (entre Kia et Hyundai), pour ne représenter une pénétration que de seulement 1,9 point. Il n’y a que l’année dernière où Nissan a su contenir sa baisse avec des ventes à - 22,5 % lorsque le marché automobile enregistrait - 25,5 %.

 

Les raisons d’une telle dégringolade ? Elles sont nombreuses et disparates, à la fois conjoncturelles et structurelles. "Nous payons les ambitions personnelles de Carlos Ghosn qui voulait faire de l’Alliance le numéro un des constructeurs automobiles avec des choix stratégiques en dehors du marché", résume un concessionnaire du Grand Est. Cela a commencé par le lancement de la Micra qui a été un demi‑succès. Présentée fin 2016, puis commercialisée six mois plus tard, la cinquième génération, qui partage la même plateforme que la Renault Clio, n’a jamais vraiment rencontré son public.

 

Lors de sa présentation, la marque avait pour ambition d’en vendre près de 20 000 exemplaires par an. Elle ne s’est jamais écoulée à plus de la moitié des prévisions. "Trop chère, trop grande par rapport à l’ancienne génération, une communication pas assez forte et pas adaptée, les clients ne se sont pas retrouvés et la conquête n’a pas compensé", analyse un concessionnaire du nord de la France. Nissan a beau avoir réagi dix‑huit mois plus tard en repositionnant sa citadine, le mal était fait, même si aujourd’hui, le constructeur affirme qu’elle est en accord avec les ambitions commerciales.

 

 

Une gamme réduite

 

 

En parallèle, la gamme proposée par la marque n’est pas ou plus en adéquation avec les attentes des clients. "Alors que nous vendions 50 % des Juke en diesel dans notre région, le nouveau modèle n’est disponible qu’avec un seul moteur essence et même pas hybride, regrette un distributeur. Nous travaillons beaucoup sur la fidélisation pour conserver et faire patienter nos clients."

 

Son taux de conquête est tombé de 50 % en 2016 à 30 % en 2020. Enfin, pour compléter le tableau, le réseau manque cruellement de produits à vendre depuis plusieurs mois, principalement des Qashqai. Bien que cette génération soit en fin de vie et si elle n’a plus l’aura d’antan, elle reste un modèle important pour le réseau. "Sans parler de la pandémie, les atermoiements de Nissan sur l’avenir du site de Sunderland, liés aux incertitudes du Brexit, nous ont posé quelques problèmes sur le Qashqai", souligne‑t‑on dans le réseau. "Nous avons donné la possibilité au réseau de stocker des versions diesel en décembre et essence en février", présente Koen Maes, président de Nissan West Europe – France.

 

Koen Maes, président de Nissan West Europe – France

 

 

Un message reçu cinq sur cinq… par une partie du réseau. "Ce dernier dispose à fin avril d’environ 1 600 véhicules en stock dont 70 % de modèles diesel, explique Nissan. Mais le niveau de stock est très disparate, car les distributeurs n’ont pas tous anticipé la demande et ce, malgré un soutien financier de la part de notre captive." Contrairement à d’autres, les concessionnaires Nissan ne sont pas en colère, mais inquiets du devenir de la marque. "Nissan connaît une baisse de régime, admet un distributeur normand. Mais dans notre malheur, elle se déroule dans une période où tout le monde est dans une situation compliquée. L’arrivée de nouveaux produits, comme le Qashqai et sa technologie e‑Power, l’Ariya et le X‑Trail, devrait nous redonner des couleurs." "Certes, le Qashqai va nous permettre de retrouver le sourire, mais pas avant l’année prochaine", relativisent certains concessionnaires. Car bien que commercialisé dans le réseau d’ici quelques semaines, la salve la plus importante ne sera pas disponible avant l’automne, la pénurie sur les semi‑conducteurs étant passée par là. "Nous allons concentrer nos livraisons sur les commandes clients", explique Koen Maes qui visite un à deux sites par mois.

 

 

Soutien financier

 

 

Reste également le problème de l’électrique. Hier pionnier dans ce domaine avec la Leaf, Nissan s’est fait distancer. "Les loyers ne sont pas adaptés au marché", lâche un autre concessionnaire. "Pour notre gamme 2021, nous allons enrichir sa dotation et repositionner son tarif", répond Koen Maes. Nissan annonce une rentabilité positive sur l’épaisseur du trait de 0,1 %. Malgré les inquiétudes sur le manque de produits à vendre, le réseau veut y croire. "Nissan a changé de stratégie en réduisant les ventes tactiques, note un investisseur. La marque privilégie la rentabilité plutôt que le volume, ce qui est un changement de paradigme." "Au temps de la précédente présidence, Nissan ambitionnait de faire 5 % de part de marché en Europe, se rappelle le concessionnaire du Grand Est. Aujourd’hui, c’est tombé à 2,5 %." Ce qui n’est pas sans poser de problèmes aux distributeurs qui ont investi en conséquence d’un avenir fastueux.

 

D’autant plus que le réseau était habitué à de meilleures rentabilités. Le constructeur a conscience que ces dernières années ont été difficiles à vivre pour le réseau. "Nous avons mis en place des soutiens financiers, rappelle Koen Maes. Nous avons notamment accéléré le paiement des primes marketing, révisé les objectifs pour les primes de volume et investi dans le label VO afin d’augmenter les marges." Nissan compte également mettre l’accent sur le marché de l’utilitaire. "Nous visons 7 200 véhicules à partir de l’année prochaine, en nous appuyant sur le nouveau NV250 (sur la base du Renault Kangoo, NDLR) et sur la garantie de cinq ans, explique Koen Maes. Nous allons également renforcer notre compétitivité, former notre réseau et améliorer nos outils logistiques afin que ce dernier puisse bénéficier d’une meilleure visibilité sur les stocks." Cela sera‑t‑il suffisant pour que les 51 investisseurs et les 203 points de vente retrouvent des couleurs ? "Rappelez‑moi dans un an, je pourrai vous répondre", lâche un des opérateurs interrogés. "Tout repose sur le Qashqai. Nous espérons que les ventes seront au rendez‑vous", glisse en substance l’ensemble des concessionnaires sondés. Car il y a urgence. D’autant plus que la concurrence guette. Et comme la nature a horreur du vide…

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