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L'évasion de Carlos Ghosn au centre d'un procès

Publié le 14 juin 2021

Par Christophe Jaussaud
4 min de lecture
Deux Américains ayant aidé Carlos Ghosn à fuir le Japon comparaissent devant la justice japonaise. Michael Taylor et son fils Peter risquent jusqu'à trois de prison.
Le procès de Michael Taylor et son fils Peter a débuté le 14 juin 2021.

 

Le procès de Michael Taylor et son fils Peter, accusés d'avoir participé à l'audacieuse exfiltration de Carlos Ghosn du Japon fin 2019, s'est ouvert lundi 14 juin 2021, à Tokyo, et les deux Américains ont d'emblée reconnu les faits. Tous deux sont arrivés au tribunal menottés, vêtus de vestes noires et de chemises blanches, et masqués en raison du Covid-19.

 

L'air calme, Michael Taylor, 60 ans, ancien membre des forces spéciales américaines reconverti dans la sécurité privée, et son fils Peter Taylor, 28 ans, n'ont pas contesté les faits exposés par un procureur. Ils avaient été arrêtés en mai 2020 aux Etats-Unis, en vertu de mandats d'arrêt émis par Tokyo, avant d'être extradés au Japon en mars dernier en vue d'y être jugés, ayant épuisé tous les recours possibles aux Etats-Unis. Ils encourent jusqu'à trois ans de prison.

 

Au matin du 31 décembre 2019, le Japon apprenait la fuite au Liban de son plus célèbre inculpé : Carlos Ghosn, jusqu'alors en liberté sous caution dans l'attente de son procès pour malversations financières présumées, avec l'interdiction de quitter le pays. Deux jours plus tôt, le Franco-libano-brésilien avait tranquillement quitté son domicile à Tokyo pour rejoindre Osaka en prenant le shinkansen, portant bonnet, masque et lunettes pour éviter d'être reconnu. Les deux hommes qui l'accompagnaient ont été identifiés à partir d'images de surveillance : Michael Taylor et George-Antoine Zayek, un homme d'origine libanaise qui reste introuvable.

 

Une fuite bien organisée

 

Les trois hommes ont rejoint un hôtel près de l'aéroport international du Kansai, près d'Osaka. Les enquêteurs pensent que Carlos Ghosn s'est alors glissé dans un gros caisson de matériel audio, percé de petits trous pour lui permettre de respirer. Se faisant passer pour des musiciens, ses deux complices ont pu embarquer leurs bagages sans leur faire passer les contrôles de sécurité, comme c'était alors permis au Japon pour les jets privés. Les trois hommes se sont ainsi envolés vers Istanbul, d'où Carlos Ghosn a pris un autre avion privé pour le Liban, où il réside toujours.

 

Peter Taylor, présent à Tokyo juste avant la fuite et qui avait rencontré plusieurs fois Carlos Ghosn au Japon dans les mois précédents, a lui quitté le pays seul à bord d'un avion vers la Chine. Un document des procureurs américains a parlé d'"une des fuites les plus effrontées et les mieux orchestrées de l'histoire récente".

 

Carlos Ghosn fait aussi l'objet d'un mandat d'arrêt du Japon avec une demande d'arrestation par Interpol, mais reste hors d'atteinte au Liban, qui n'extrade pas ses ressortissants. Celui qui a déclaré n'avoir "pas fui la justice" mais "échappé à l'injustice" au Japon, est resté très discret sur les conditions de son exfiltration pour "protéger ceux qui ont pris le risque" de l'aider. Il assure n'avoir pas impliqué des membres de sa famille.

 

Déjà trois condamnations en Turquie

 

Cependant sa fille cadette, Maya, a apporté deux valises à Peter Taylor à Tokyo le 29 décembre. Et c'est Carole, l'épouse de Carlos Ghosn, qui aurait noué le premier contact avec Michael Taylor six mois avant la fuite, le rencontrant également au Liban à l'été 2019, selon les procureurs nippons. Carlos Ghosn aurait ensuite échangé avec Michael Taylor via un téléphone portable clandestin. Les Taylor ont reçu plus de 1,3 million de dollars du camp Ghosn, dont plus de 860 000 dollars pour payer les frais de l'opération, puis après son exfiltration environ 500 000 dollars en bitcoins pour payer leurs frais d'avocats, toujours selon les procureurs japonais.

 

A lire aussi : Carlos Ghosn lâche ses vérités

 

En février, trois ressortissants turcs ont été condamnés par un tribunal d'Istanbul dans cette affaire, un responsable de la compagnie turque de location de jets privés MNG Jet et deux pilotes. Par ailleurs, la fuite de Carlos Ghosn n'a pas empêché l'ouverture l'an dernier d'un procès pénal à Tokyo au sujet de rémunérations différées totalisant plusieurs dizaines de millions de dollars que le patron de Nissan était censé toucher à sa retraite, mais sans que cela ait été mentionné dans les rapports boursiers du groupe.

 

Un ancien responsable juridique de Nissan, l'Américain Greg Kelly, arrêté le même jour que Carlos Ghosn en novembre 2018, se retrouve ainsi seul sur le banc des accusés, Nissan étant jugé en tant que personne morale. Tout en étant engagé dans plusieurs contentieux au civil contre Nissan, Carlos Ghosn, qui clame son innocence sur toute la ligne, est aussi concerné par diverses enquêtes en France. Des juges d'instruction français l'ont récemment auditionné pendant plusieurs jours à Beyrouth. Mais l'ancien patron ne peut être mis en examen hors du territoire français. (avec AFP)


 

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