La pub auto sous effet de crise
L’automobile a généré moins d’achats d’espaces publicitaires en 2020. En raison des fermetures des points de vente, les constructeurs, les enseignes d’entretien‑réparation et les établissements de crédit‑assurance ont réduit la voilure de 16,5 %, à 3,012 milliards d’euros bruts, selon les statistiques relevées par Kantar Media pour le compte du Journal de l’Automobile. Les constructeurs automobiles représentent tout particulièrement ce mouvement de contraction du marché. Ils ont investi 2,606 milliards d’euros bruts, soit - 17,8 % en comparaison à 2019. Une enveloppe dont 51 % sont allés aux médias télévisés, soit 1 point de moins en pénétration. La presse aussi a été victime des arbitrages, perdant 1,7 point de budget. Les constructeurs ont privilégié le Web, à l’instar des bannières digitales qui ont grimpé de 4,2 points.
Renault a investi 406,7 millions d’euros bruts au cours de l’exercice, soit 2,7 % de moins qu’en 2019, tandis que Peugeot a chuté de 36,4 %, à 229,4 millions d’euros. Troisième force du marché, Citroën a investi 219 millions d’euros dans les achats d’espaces, soit un montant 29,3 % en dessous des niveaux de l’année précédente. Avec une estimation de 153,8 millions d’euros bruts, Toyota fait mieux que le marché et se hisse au cinquième rang des marques.
Des données à prendre avec des pincettes. Comme le rappelle Gabriel Dabi‑Schwebel, fondateur de 1min30, agence qui accompagne des concessionnaires dans leur stratégie publicitaire, le coût des espaces a nettement baissé durant l’année 2020. Parfois, il lui est arrivé de négocier des tarifs 30 % en dessous de la normale. Ce qui peut expliquer en partie la fonte des chiffres. "Le marché a été compliqué pendant les deux confinements et il est encore assez mou en ce début d’année, observe le consultant en communication. Il ne faut pas arrêter de communiquer pour autant", suggère‑t‑il à ses clients. Le digital a pris le relais. Il a créé des opportunités en local. "Les annonceurs peuvent s’adapter, développer des campagnes événementielles et encourager les ventes à distance ", soutient celui qui a publié un ouvrage intitulé Acquisition Strategy Design en novembre dernier (éd. 1min30 Publishing).
L’électrique aime la TV
Pour Christophe Manceau, directeur du planning stratégique de Kantar Media, le véritable gagnant de cet exercice est, sans surprise, le véhicule électrique. Les investissements sont évalués à 315 millions d’euros bruts dans l’univers plurimédia. Un montant supérieur de 118 % par rapport à l’année précédente. Une croissance en ligne avec l’augmentation des ventes. Sur le périmètre étudié par les équipes de Christophe Manceau, pour promouvoir le véhicule électrique, trois quarts des budgets ont été investis dans la télévision, média qui convient au faible niveau de maturité du grand public. "Les constructeurs gardent la radio pour les modèles thermiques, car les messages portent davantage sur les événements tels que les JPO", constate l’expert du secteur.
Pour les annonceurs, il reste cependant du chemin à parcourir. Selon les enquêtes consommateurs de Kantar Media, pour 22,3 % des Français, la voiture idéale demeure une grande routière. Les hybrides figurent au deuxième rang à 17,7 % (+ 4 points par rapport à 2015) et les VE ne glanent que 8,2 % des voix (+ 1,2 point). " Plus frappant, 35,6 % des gens veulent soutenir l’écologie, mais ce critère tombe au 13e rang des motivations d’achat avec 18 % des suffrages, note Christophe Manceau. Les paroles ne sont que rarement suivies d’un passage à l’acte. " Le véhicule électrique doit faire l’objet d’une rupture dans la communication, mais les spécialistes du marketing sont‑ils prêts à suivre ? "Il faudra être capable de raconter une nouvelle histoire, parfois en s’appuyant sur une marque dédiée", conseille‑t‑il.
Les réseaux sociaux peuvent jouer un rôle dans ce changement d’image et cette capacité à toucher une cible réceptive. "Ce n’est pas un épiphénomène car la navigation Web s’est accrue de 61 % avec la crise sanitaire et l’engagement sur les réseaux sociaux a bondi de 60 %", souligne Christophe Manceau. Un intérêt à y aller que Gabriel Dabi‑Schwebel défend aussi. "Cette stratégie doit être motivée par une envie de s’impliquer pour être toujours dans la tendance, conditionne‑t‑il. Les constructeurs ont les moyens d’être présents sur toutes les plateformes, les concessionnaires doivent être plus rigoureux afin de garantir un retour sur investissement." Et dans tous les cas, se rejoignent les deux observateurs, l’authenticité et la sincérité sont devenues des lignes de conduite. La crise a rendu les internautes de plus en plus regardants sur le contenu des messages.
(Article extrait du JA 1294)
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