Renault : 2 milliards d'euros d'économies d'abord, la relance viendra plus tard
2 milliards d’euros d’économies sur trois ans, 14 600 postes supprimés dans le monde dont 4 600 en France et la fermeture unique, pour l’instant, du site de Choisy-le-Roi en région parisienne qui produit des moteurs et des boîtes de vitesse en échange standard : le plan d’économie de Renault présenté lors d’une conférence de presse par Jean-Dominique Senard, président du groupe et Clotilde Delbos, directrice générale par interim a résolument tourné la page de la gouvernance de Carlos Ghosn.
"Il s’agit de rebâtir les fondations durables pour les trois ans à venir. Après 6 mois de travail intense, nous avons la conviction que nous prenons les bonnes décisions et c’est une prise de parole sereine et déterminée pour une entreprise qui a besoin d’un avenir", a indiqué en préambule Jean-Dominique Senard. "C’est de notre responsabilité de prendre des décisions difficiles dans le respect des personnes et des organisations mais la crise nous oblige à agir en respectant le temps long qu’est celui de l’industrie", a-t-il ajouté.
Le constat est sans ambiguïté pour le groupe automobile qui a brûlé 5,5 milliards de liquidités sur les trois premiers mois de l’année 2020 et un bilan financier 2019 qui montrait une perte de 141 millions d’euros. "Dans un contexte de baisse du marché automobile mondial, de réglementations toujours plus nombreuses, Renault avait déjà enregistré des baisses de ses performances. Les vents adverses ont montré les limites de notre ancienne stratégie qui pariait sur la hausse des marchés émergents et d’une hausse des volumes de production. Cette entreprise a été taillée pour une croissance qui n’a pas eu lieu et à cette époque, la fin justifiait les moyens, que ce soit en terme de dépenses en recherche & développement et d’objectifs de ventes, parfois faits au détriment de notre rentabilité. Nous devons jeter les bases d’une performance saine et résiliente, générer un cash-flow suffisant pour assurer l’avenir et baisser nos fixes fies. C’est le seul objectif du plan", a précisé Clotilde Delbos. Le groupe taillé pour commercialiser 5,5 millions de véhicules n’en aura vendu finalement que 3,8 millions l’année dernière.
Des économies avant un plan stratégique
Ainsi, pas question ce matin, de plan stratégique, de réorientation, dont cette tâche est réservée à Luca de Meo, nouveau directeur général du groupe qui prendra officiellement ses fonctions le 1er juillet 2020. Pour lui laisser les coudées franches, Renault doit donc se serrer la ceinture et ce plan d’économies de 2 milliards d’euros doit agir sur trois domaines : l’ingénierie, la production et les frais de structure.
800 millions d’euros d’économies en ingénierie
Moins de diversité de versions, de motorisations dans les modèles et contraction du nombre de plateformes (de 13 à 4), baisse de 25 % des composants qui entrent dans la fabrication des modèles et contraction également du nombre de sous-traitants de 9 à 4 pour traiter le volume d’affaires. Cette efficience sera trouvée également dans les motorisations dont la part commune avec l’Alliance, aujourd’hui de 75 % passera à 85%. L’ensemble de ces mesures, qui touche aussi le Technocentre, doit permettre de réduire de 800 millions d’euros des coûts d’ingénierie.
650 millions d’euros de baisse des coûts de production
Le sujet de la production, très sensible puisqu’il touche en grande partie les emplois du groupe, a commencé à être dévoilé, sans pour autant que l’ensemble des réponses soient apportées. "Nous allons réduire notre capacité de production de 4 à 3,3 millions de véhicules d’ici 2024", a précisé Clotilde Delbos, "chaque usine a été passée en revue et pour l’instant seule la décision de fermer le site de Choisy-le-Roi, en France, a été prise." L’usine de Flins (78), où est produite actuellement la Zoe, pourrait récupérer une partie de son activité. Sachant que cette usine fera l’objet également d’un plan de reconversion, après l’arrêt de l’assemblage de la Zoe prévu en 2024.
Les sites de Caudan (86), qui accueille la Fonderie de Bretagne, de Dieppe, où est assemblée l’Alpine, et de Maubeuge (59), dédiée au Kangoo, n’ont pas reçu d’informations précises sur leur futur plan de charge. "Concernant le site de la fonderie de Bretagne, nous allons lancer une étude stratégique et nous allons travailler avec la région pour l’avenir de l’activité. Mais le statu quo n’est plus possible", a cependant indiqué Jean-Dominique Senard. Même analyse pour l’usine de Dieppe qui produit l’Alpine mais qui n’est pas rentable. "Nous devons voir comment valoriser le site qui rassemble beaucoup de valeur de compétence et emploie des gens passionnés", avance le président du groupe.
"Notre taux d’utilisation de nos capacités de production en France atteint 60 %. Nous possédons une capacité de produit 1,08 million de véhicules alors que seuls 655 000 sortent des lignes. Baisser nos capacités est indispensable sous peine de connaître des problèmes de pérennité des usines. Tout est fait pour rendre la compétitivité à nos sites français. Si nous parvenons, nous pourrons attirer l’assemblage en France d’autres modèles de l’Alliance", a complété Clotilde Delbos. Ainsi des sites d’assemblage actuels pourraient changer d’acticité demain. De même, les décisions antérieures d’augmenter les capacités en Roumanie ou au Maroc ont été stoppées, la cession des parts dans la JV avec Dongfeng en Chine va concourir à ces économies. Enfin, le groupe a annoncé la fabrication en France d’un moteur électrique de 100 kW, initialement prévu en Chine. L’ensemble de ces mesures doit générer une économie de 650 millions d’euros.
700 millions d’euros d’économies de frais de structure
Au-delà des coûts d’ingénierie et de production, c’est bien l’intégralité des frais de structure qui doivent être drastiquement revus pour un gain de 700 millions d’euros environ. Ces économies vont passer par la suppression de 14 600 postes dont 4 600 en France, grâce à des mesures de reconversion, de mobilité interne mais aussi de départs volontaires. "Mais Renault n’a pas l’habitude de laisser les gens sur le bord de la route, et ce n’est pas maintenant que nous allons commencer", a affirmé Jean-Dominique Senard qui a confirmé qu’aucune baisse d’effectif par pays n’avait encore été décidée. En revanche, ces économies seront également à trouver dans les frais généraux, les services marketing et fonctions supports.
L'Alliance et les alliances
Renault assure en revanche, que tout est mis en œuvre pour conserver les productions existantes en France, voire même les augmenter, notamment pour tout ce qui concerne les produits à forte valeur ajoutée. Le groupe annonce ainsi la création d'un pôle d'activité stratégique pour l'électrique avec la production d'un nouveau moteur de 100 kW cité précédemment et son implication dans le projet de recherche dans les batteries futures, et notamment solides. Le plan stratégique de l'Alliance annoncé le 27 mai 2020, apportera également son lot d'optimisations, que ce soit dans les achats ou les plateformes.
"Mais attention, le plan Renault n'a rien à voir avec les stratégies liées à l'Alliance. Le manque de compétitivité de Renault est bien lié aux travers de Renault et au fait que Renault a trop grossi par rapport à des objectifs de volumes qui devaient arriver", complète Clotilde Delbos.
Les alliances avec d'autres constructeurs, et notamment Daimler, restent prometteuses selon Jean-Dominique Senard qui confirme que le partenariat, qui a déjà produit ses effets (avec la production du Citan), va être relancé. "Les discussions sont très positives", a -t-il précisé.
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