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Constructeurs

Renault : Sandouville de nouveau à l'arrêt

Publié le 11 mai 2020

Par Christophe Jaussaud
5 min de lecture
Alors que la production avait repris le 28 avril 2020, la justice, saisie par la CGT, a ordonné la fermeture de l'usine de Sandouville le jeudi 7 mai dernier. Le référentiel des mesures sanitaires, signé le 2 avril, n'est toutefois pas remis en cause.
L'usine de Sandouville, en Seine-Maritime, avait progressivement repris la production le 28 avril 2020.

 

La justice a contraint, jeudi 7 mai 2020, Renault à fermer son usine de Sandouville, en Seine-Maritime, en raison de mesures de protections jugées insuffisantes face au Covid-19 mais le groupe automobile français annonce qu'il va faire appel. Saisi par la CGT, le tribunal judiciaire du Havre condamne en référé Renault "à suspendre la reprise de la production" car celle-ci ne "permet pas d'assurer (...) la sécurité des travailleurs de l'usine face au risque lié au Covid-19", selon l'ordonnance de référé révélée par le média normand Le Poulpe, dont l'AFP a également eu une copie.

 

L'usine, qui compte 1 848 collaborateurs, avait repris partiellement son activité le 28 avril après l'avoir arrêtée le 16 mars à cause de l'épidémie. Elle a été arrêtée jeudi après-midi jusqu'à nouvel ordre, selon la direction. La production est suspendue "le temps de la mise en place effective" de mesures comme "organiser et dispenser pour chacun (des) salariés avant qu'ils ne reprennent le travail une formation pratique et appropriée".

 

Le tribunal condamne aussi Renault à mettre "en œuvre des actions de prévention ainsi que des méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs". Il demande aussi "une régularisation de la procédure de consultation du CSE". Le constructeur automobile doit en outre "modifier tous les plans de prévention ainsi que les protocoles de sécurité". Chaque obligation ordonnée "sera assortie d'une astreinte de 3 000 euros par infraction constatée et par jour de retard à compter de la date de signification".

 

Pour Gérard Le Corre de la CGT de Seine-Maritime, "cette décision constitue un point d'appui important pour les équipes syndicales de milliers d'usines ou d'entreprises où l'activité reprend sans consulter correctement les représentants du personnel et sans prendre toutes les mesures de prévention nécessaires". Elle "va bien plus loin que l'ordonnance concernant Amazon qui se limitait à la question de la mise à jour de l'évaluation des risques en y associant les représentants du personnel", estime le représentant de la CGT. Amazon a été sommé le 24 avril par la cour d'appel de Versailles de procéder à une évaluation des risques liés à la crise du coronavirus avec les représentants du personnel et de réduire son activité d'ici là sous astreinte de 100 000 euros par infraction constatée.

 

Une démarche politique de la CGT

 

De son côté la direction de Renault, qui estime que l'activité avait repris "dans de bonnes conditions" grâce à "un dialogue social instauré depuis plusieurs semaines", rappelle que la "reprise progressive" de ses usines en France "s'effectue dans le cadre social défini par le contrat de solidarité et d'avenir signé avec les organisations syndicales CFDT, CFE-CGC et FO le 2 avril 2020". Le groupe affirme "que la décision du tribunal porte principalement sur des modalités de présentation de l'ensemble des mesures de prévention aux institutions représentatives du personnel et ne remet pas en cause le référentiel sanitaire défini par Renault".

 

Guillaume Ribeyre, délégué syndical central CFE-CGC, premier syndicat chez Renault dit son incompréhension. Le syndicat a "participé pour essayer de mettre en place des conditions sanitaires qui semblaient être de bon niveau". "Inquiet" pour le personnel il a aussi "peur" de la durée d'arrêt du site. Pour Franck Daoût, délégué syndical central de la CFDT-Renault, "c'est la surprise, une déception et un mécontentement". Il dénonce "une démarche politique" de la CGT, à laquelle "on ne s'associe pas du tout". La coordination des syndicats CGT, elle, regrette "d'être obligé d'avoir recours aux tribunaux pour que la santé des salariés puisse être enfin prise en considération", souligne Fabien Gâche délégué central.

 

"Une prise d'otages par la CGT et la justice"

 

Le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger a jugé, samedi 9 mai, la "CGT irresponsable" pour avoir obtenu en justice la fermeture de l'usine alors qu'un "dialogue social assez exemplaire" avait eu lieu pour une reprise "en toute sécurité". "La posture de la CGT est irresponsable et infondée (...) Cette fermeture obligée par le recours de la CGT est très grave", a dénoncé Laurent Berger sur France inter. "Il faut arrêter ce type de pratiques (...) Je suis pour qu'on valorise le dialogue social de proximité et qu'on sorte des rapports de force stériles", a dit Laurent Berger. "La réalité c'est que l'usine va rester fermée lundi 11 mai et que 700 intérimaires vont être renvoyés chez eux. Ce n'est pas un service rendu aux travailleurs", a-t-il déploré. Dans un communiqué vendredi 8 mai, la branche métallurgie de Force ouvrière (FO-métaux) avait aussi dénoncé "une prise d'otages par la CGT et la justice des 2 000 salariés et 700 intérimaires de l'usine."

 

En France, le groupe avait choisi de redémarrer en premier les sites d'assemblage de Flins (Yvelines) et Sandouville car ils fabriquent des modèles dont les carnets de commandes sont pleins. A Sandouville, Renault a produit 132 231 véhicules en 2019, essentiellement des véhicules utilitaires Renault Trafic. Comme ses concurrents, Renault a suspendu ses activités dans la plupart des pays au cours du mois de mars, dans le contexte de la pandémie de Covid-19. Un lent redémarrage est en cours sur certains sites industriels européens alors que plusieurs usines ont déjà repris l'activité en Russie, en Roumanie, au Portugal et en Espagne. (avec AFP)
 

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