Pourquoi Michelin a investi dans Symbio FCell
Aplus d’un titre, Valérie Bouillon-Delporte, directrice stratégie market opportunities assessment au sein de l’IPO de Michelin, tient à démontrer que la prise de participation de Michelin dans Symbio FCell n’est ni une surprise, ni un écart. Elle parle même volontiers d’opération stratégique : “Depuis son origine, Michelin est investi dans la mobilité au sens large et notamment dans la mobilité durable. En 1996, nous avons créé un Centre de Recherche en Suisse, spécialisé sur l’électrification de l’automobile. Or, chacun sait que l’hydrogène est le meilleur moyen de fourniture d’énergie électrique. Dans ce domaine, nous avons aussi présenté les concepts Hy-Light et FCity H2 ces dernières années. Nous participons en outre au groupe de travail H2 Mobilité France. Nous suivons donc une ligne directrice cohérente”. De plus, l’IPO, créé il y a un an et faisant d’ores et déjà valoir un ancrage mondial dans les technologies propres, a aussi pour mission d’identifier des opportunités de cette nature et peut agir rapidement, s’étant délibérément doté d’une chaîne décisionnelle courte. “Notre champ d’intervention se situe hors du domaine du pneumatique et nous ne sommes pas là pour réaliser des investissements dans une logique de spéculation financière, car nous sommes avant tout attachés au savoir-faire”, précise Valérie Bouillon-Delporte.
“Les lignes bougent actuellement”
Michelin suivait l’évolution de Symbio FCell depuis un certain temps déjà, notamment les tests réalisés avec La Poste sur le système PAC faisant office de prolongateur d’autonomie pour le Renault Kangoo électrique. En clair, un range extender qui permet de rester dans le domaine du “zéro émission”, comme l’expliquait Fabio Ferrari, président de Symbio FCell dans nos colonnes. Selon Valérie Bouillon-Delporte, “c’est donc une solution qui apporte une réelle valeur ajoutée, d’autant que le frein de l’autonomie est levé et que le TCO reste maîtrisé”. A moins court terme, l’objectif est aussi de développer les recherches sur la pile à combustible : “Nous comptons utiliser ce levier pour accélérer le déploiement de certaines de nos technologies de laboratoire dans ce domaine sur le marché”. Tout en précisant que Michelin n’est pas là pour produire à la place de Symbio FCell, mais bel et bien pour les aider à améliorer leur industrialisation et à réussir leur changement d’échelle. D’un point de vue plus général, il s’agit aussi de décanter la situation de l’hydrogène en France, où le législateur a parfois fait montre d’inertie, voire d’une propension suspecte au strict respect du principe de précaution. Une situation pourtant paradoxale au regard des compétences des grands groupes français dans ce domaine (CEA, Areva SE, Renault, PSA Peugeot Citroën, Air Liquide, etc.). Toutefois, le panorama tend à évoluer, notamment avec l’impulsion des 34 plans de la nouvelle France industrielle. “Si vous êtes attentifs au jeu des levées de fonds, des entrées en Bourse et des homologations, vous constatez que les lignes bougent actuellement”, renchérit Valérie Bouillon-Delporte.
Les flottes captives comme première étape
Toutefois, inutile d’aller plus vite que la musique, et Valérie Bouillon-Delporte préfère se focaliser sur le premier jalon du développement des technologies à hydrogène : “Le premier marché sera celui des flottes captives, car c’est le meilleur moyen de contourner le problème des infrastructures. Avec le VE, nous constatons que les infrastructures doivent rattraper, entre guillemets, l’offre de véhicules et il ne faut donc pas commettre la même erreur. Ajoutons encore que les infrastructures des flottes peuvent ensuite s’ouvrir au grand public, avant d’envisager, dans un deuxième temps, un déploiement massif”. De plus, les applications de marché ne se limitent pas au VL et le PL, surtout entre 3,5 t et 6 t présente un vaste potentiel pour les prolongateurs d’autonomie sur pile à combustible. L’homologation avantageuse obtenue par le Renault Maxity à 3,5 t, alors qu’il embarque 1 tonne supplémentaire de batteries, en est une parfaite illustration. Sans même parler des transports fluviaux. Enfin, Valérie Bouillon-Delporte souligne qu’il s’agit d’un mouvement mondial comprenant l’Europe, les USA, la Corée du Sud, le Japon et depuis peu, la Chine.