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Industrie

“Nous devons capitaliser sur nos atouts de proximité et sur le parcours client”

Publié le 9 septembre 2014

Par Frédéric Richard
7 min de lecture
Arrivé fin 2010 chez Euromaster, Antoine Guérin a fait ses armes dans le groupe Michelin en lançant le groupe de distribution Tyre Plus en Chine, qui représente maintenant près de 1 000 points de vente. Une expertise aujourd’hui mise au service du développement du réseau Euromaster en France et en Suisse.
Antoine Guérin, directeur général France et Suisse d’Euromaster.

JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. Rappelons brièvement la position d’Euromaster à ce jour.

ANTOINE GUERIN. Euromaster, filiale du groupe Michelin, représente 3 000 personnes, 411 points de vente en France, dont 367 en propre et 44 franchisés. Nous commercialisons annuellement 3 millions de pneus, pour un chiffre d’affaires de près de 550 millions d’euros. La spécificité de l’entreprise reste son positionnement atypique entre la clientèle professionnelle et sa clientèle de particuliers. Nous avons notamment 100 000 comptes clients pro et plus d’un million de clients automobilistes classiques.

JA. Vous venez de lancer la révision constructeur, n’avez-vous pas le sentiment d’arriver un peu tard après la concurrence ?

AG. Cela fait trois ans que nous travaillons d’arrache-pied pour lancer ce projet : 196 de nos centres ne font que du VL, 77 ne font que de l’industriel et les autres travaillent sur les deux secteurs. Quand vous décidez de communiquer sur une prestation de cette envergure en télévision sur des grandes chaînes, il faut vraiment s’assurer que tout le monde est prêt. Nous avons dû former 1 500 personnes, investir dans des outils de diagnostic, dans des catalogues électroniques… Tout cela prend du temps, mais nous sommes maintenant en ordre de marche. Le CA progresse, chez les intégrés comme chez les franchisés.

JA. Si l’on se réfère aux chiffres bruts, et hors vie normale d’un réseau, le nombre de points de vente franchisés n’a que peu évolué depuis quatre ans chez Euromaster, est-ce une volonté de votre part ?

AG. Nous avons enregistré, sur la période, une quarantaine de franchisés supplémentaires. Notre objectif n’est pas de planter des drapeaux sur une carte. Quand un partenaire nous rejoint, il doit partager les valeurs du groupe, présenter les compétences requises… Car le client qui entre dans un centre Euromaster ne sait pas s’il s’agit d’un intégré ou d’un franchisé et nous devons présenter la même qualité de service partout sur le territoire. Nous avançons donc au rythme d’une dizaine de sites par an, mais je pense que cela va s’accélérer à moyen terme. Les perspectives sont bonnes en la matière, mais encore une fois, nous ne faisons pas la course aux points de vente.

JA. La multiplication des références pèse-t-elle sur votre organisation ?

AG. Rien qu’en VL, nous commercialisons 26 000 références. Ajoutez à cela une politique basée sur la disponibilité de marques à trois niveaux, Premium (Michelin, Conti, Bridgestone), Quality (Kleber…) et Confiance (Tigar…). Viennent ensuite les marques chinoises, vendues 40 % moins chères. Et en marge des pneus, nous élargissons de plus en plus notre activité de maintenance et de réparation. Donc, oui, la gestion des approvisionnements et des référencements reste un sujet important.

JA. Quelle cible est actuellement séduite par votre franchise ?

AG. Désormais, avec le lancement de la révision constructeur, nous constatons que nous intéressons les réparateurs classiques, qui ont l’expertise technique, mais qui traditionnellement s’étaient fait distancer sur le pneumatique, un secteur dans lequel nous leur apportons justement notre expérience. Ils se retrouvent donc bien chez nous.

JA. L’ensemble de la profession de réparation automobile cherche aujourd’hui des leviers de diversification, les prés carrés se réduisent chez tous les ex-spécialistes, Euromaster va-t-il poursuivre en ce sens ?

AG. Historiquement, nous sommes des experts du pneu pour tous les types de véhicules, et notre véritable gros chantier d’incursion dans un autre domaine reste la révision constructeur, pour les cinq années qui viennent. A ce titre, nous venons d’inaugurer notre nouvelle baseline, “pneus et entretien véhicule”, remplaçant “des experts pour vos pneus”, qui matérialise bien cette politique d’ouverture.
C’est une première étape et, par la suite, nous irons plus loin, mais nous ne deviendrons pas des réparateurs. Nous avons bien un certain nombre de centres qui pratiquent des opérations de remplacement de la courroie de distribution par exemple, mais il n’y a pas de communication nationale sur ces sujets très techniques, car ils ne sont pas opérés par tout le réseau.

JA. Comment appréhendez-vous le dossier TPMS (Tire Pressure Monitoring Systems) ?

AG. L’obligation des TPMS en première monte arrive en novembre pour les véhicules neufs, et va rapidement devenir un sujet pour nous. La démocratisation de ces équipements va générer des coûts importants et opaques pour le consommateur, qu’il va falloir leur expliquer. Car ceux qui voudront utiliser des pneus hiver, par exemple, devront faire équiper leur second jeu de jantes de capteurs afin de rester dans la légalité.
Par ailleurs, les opérateurs sont aujourd’hui capables de monter quatre pneus en trente minutes. Avec le TPMS, il faut beaucoup plus de temps. Cela aura un impact certain sur le coût de la prestation et l’organisation du travail, rien que pour la vérification du fonctionnement. Mais il est encore un peu tôt pour décrire précisément notre stratégie en la matière.

JA. Comment êtes-vous positionnés sur le pneu hiver ?

AG. Notre part de marché en pneus hiver est encore plus forte qu’en pneus été. Justement parce que travailler ce marché demande de l’expertise. Chaque année, notre équipe de commerciaux rencontre les responsables des flottes VL et les gestionnaires de parc dès le mois de juillet, et ils évaluent les besoins en pneus hiver. En septembre, nous disposons alors de près de 400 000 pneus en stock sur notre nouvelle plateforme spécialement dédiée à ce marché. Les enveloppes sont alors envoyées dans nos centres selon un assortiment de base en début de saison, puis progressivement selon les demandes. Ce qui est difficile à gérer, c’est l’arrivée de la neige, quand le particulier entre dans la boucle et que la demande explose en quelques jours ! Mais nous sommes parvenus à trouver la flexibilité qui nous permet de gérer ces pics d’activité, et nous pouvons aller jusqu’à plus de 100 pneus montés par jour dans certains centres !

JA. Quel est votre sentiment face aux plateformes B-to-B sur Internet, qui rencontrent un beau succès chez les professionnels ?

AG. Les plateformes Internet B-to-B se sont beaucoup développées auprès des professionnels en raison de la complexification dimensionnelle d’une part, mais également à cause des manufacturiers qui demandent de plus en plus d’anticiper les achats hiver. Aujourd’hui, on commande les enveloppes hiver en avril et on stocke en juillet ! C’est donc bien plus facile de faire appel à une multitude d’acteurs, via une place de marché sur la toile en un clic. Mais notre réseau n’a pas besoin d’y recourir, car nous avons mis en place avec nos fournisseurs une organisation très en amont des problèmes potentiels d’approvisionnement. Nos équipes internes anticipent particulièrement bien les besoins, ce qui nous a permis d’augmenter considérablement notre disponibilité. A ce jour, nous nous approvisionnons à 90 % chez les manufacturiers et nous n’avons pas besoin de faire appel à un intermédiaire ou à des grossistes étrangers.

JA. Et plus globalement, comment voyez-vous la progression des ventes de pneumatiques sur Internet ?

AG. Il est clair que 80 % des acheteurs se renseignent sur Internet pour leurs pneus. Mais seuls 10 % achètent directement sur la toile. Certes, cela fait de beaux volumes, mais il n’y a pas que des pure players sur la toile. Nous avons aussi notre rôle à jouer. C’est une chance pour nous, car notre position fait que nous maîtrisons l’ensemble de la chaîne. Sur notre site, il y a des infos, on peut prendre RDV, acheter des pneus, d’autres éléments, et même faire des devis depuis juin dernier… Et, en même temps, l’automobiliste est certain du professionnalisme et de l’expertise de l’atelier qui va lui réaliser la prestation de montage. Nous avons intégré Internet comme un élément incontournable, et surtout constitutif de notre parcours clients.

JA. Quel sentiment portez-vous sur les MDD, plébiscitées par certains de vos concurrents ?

AG. Quand on cherche à répondre aux besoins de l’ensemble d’une clientèle, le sujet doit être abordé… Aujourd’hui, la segmentation de notre offre nous paraît suffisante. Ce n’est donc pas à l’ordre du jour chez Euromaster pour les pneumatiques, mais à la vitesse où vont les choses, il faut savoir se remettre en cause en permanence, et je n’exclus rien. Quant aux pièces détachées, nous avons des partenariats importants avec des entreprises reconnues comme Shell, Bosch ou ZF. Mais quand notre programme de révision sera bien installé, à quatre ou cinq ans, il est possible que nous nous posions la question d’une gamme alternative, pourquoi pas avec eux, puisqu’ils disposent de plusieurs gammes dans leurs portefeuilles.
 

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