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Industrie

"Les synergies ont beaucoup apporté à l’élargissement des gammes"

Publié le 7 octobre 2011

Par Hervé Daigueperce
12 min de lecture
Didier Sepulchre de Condé, directeur général, NTN-SNR Roulements, Europe - Après l’inquiétude suscitée par le rapprochement avec le groupe NTN, SNR observe un taux de croissance inégalé et les deux entreprises bénéficient de synergies porteuses et globales.

JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. Comment se porte le groupe NTN-SNR, il se dit que les commandes ne cessent d’affluer ?
DIDIER SEPULCHRE DE CONDÉ.
Comme beaucoup, le groupe a souffert de la crise, et aussi du tsunami qui a amplifié le phénomène, et dont on mesure les conséquences sur la remontée en puissance actuelle. Cependant, il ne faut pas oublier que NTN-SNR est constitué, pour deux tiers, d’activité automobile, et bénéficie d’une reprise assez exceptionnelle. La production automobile devrait atteindre un record, qui devrait se situer entre 78 et 80 millions de véhicules. Notons au passage, que les Japonais devraient réaliser leur plus grande année, après un premier semestre désastreux, cela révèle la hauteur du challenge qu’ils se sont fixé, et aussi qu’au regard de la demande mondiale, tout le monde soit aux prises avec des difficultés d’approvisionnement. De notre côté, nous sommes, très rapidement, revenus à des niveaux nettement supérieurs à ceux que nous avons connus en 2007 et 2008.

JA. Comment expliquez-vous que vous dépassiez vos attentes les plus hautes, même sur un marché porteur ?
DSDC.
NTN-SNR s’étant clairement positionné, sur des constructeurs performants, puis émergents, le groupe s’en trouve naturellement bénéficiaire. Les Allemands entrent typiquement dans ce processus, et aussi PSA, sur de nombreux segments ou encore Dacia, pour lequel SNR est le fournisseur largement majoritaire. Nous bénéficions, à plein, de l’évolution des pays émergents, qui font plus que contrebalancer la quasi stabilité des marchés de l’Europe de l’ouest. Nous sommes plutôt, aujourd’hui, dans une phase de saturation de capacités avec des fournisseurs, qui ont quand même essuyé des difficultés financières et dont l’inertie de redémarrage s’avère assez longue. Il faut également compter avec cette crainte du “double deep” ou de deuxième vague de crise, en 2012, crainte qui pèse, chez certains, sur les décisions d’investissements en hommes et en équipements.

JA. A l’heure actuelle, vous devriez quasiment créer d’autres sites de production, y compris en Europe ?
DSDC.
Globalement, c’est tout de même ce que nous faisons en agrandissant énormément. Aujourd’hui, nous n’avons jamais connu un tel plan d’investissement sur trois ans, qui va se monter à 250 millions d’euros ! Ces investissements sont majoritairement automobiles, mais nous avons un point d’inflexion, aussi, sur l’industrie qui est un secteur aujourd’hui sur lequel, dans les pays émergents, se présentent de très grosses opportunités. Nous terminons notre globalisation qui a été initiée et permise par notre rapprochement avec NTN, et dont on relève, chaque jour, les effets de synergie. Ce qui reste à accomplir, en globalisation, consiste à accroître le capacitaire en Europe de l’est, et en Amérique latine, et d’en développer en Inde et en Russie. Aujourd’hui, même s’il n’est pas complètement dimensionné au niveau que nous pourrions le souhaiter, le groupe est présent partout dans le monde.

JA. Beaucoup d’inquiétude a présidé au rapprochement SNR-NTN. Après bientôt 5 ans, est-ce que vous pouvez en tirer un bilan, où en êtes-vous et est-ce que vous pensez que cela a mis trop de temps ou pas assez ?
DSDC.
Ce genre de rapprochement est, de toute façon, compliqué, parce que culturellement très éloigné. Cependant, l’éloignement géographique ne constitue pas forcément un handicap, contrairement à ce qu’on pourrait penser, et l’écart culturel peut même représenter un facteur positif, si au départ, on en tient compte et on le respecte. Personnellement, je pense que sur ce plan culturel, comme au niveau des affaires, les choses se sont plutôt bien passées. Les synergies nous ont permis de devenir, en première monte, le premier fournisseur de Daimler, de prendre des parts de marché chez Peugeot qui auraient été impensables, si nous n’avions pas eu notre présence en Chine, etc. Et nous continuons à prendre des PDM parce que nous disposons d’une offre globale, qui permet d’offrir des packages intéressants. Les synergies ont beaucoup apporté à l’élargissement des gammes, en rechange, aussi, et pas seulement en références japonaises.

JA. Les entreprises japonaises ont beaucoup de mal avec la rechange, culturellement c’est “interdit”, arrivez-vous à passer ce cap ?
DSDC.
Absolument, car, il existe une vraie demande, en Europe de l’ouest notamment. Et il est vrai qu’en tant que leader mondial du roulement de roues première monte, avec autour de 40 % de PDM, cela nous procure une solidité de gamme, et d’approvisionnement, dont la pérennité, pour nos clients, s’avère établie. L’énorme avantage de notre position rechange, réside dans la première monte qui garantit que, dans 30 ans, la rechange sera NTN-SNR. Nous avons changé de dimension et nous pouvons sur la distribution moteur, également, nous présenter comme un fabricant. C’est un message que nous nous efforçons de transmettre.

JA. Est-ce que vous avez, en ce qui vous concerne, une autonomie d’opérer ? Ce qui n’est pas toujours aisé dans un grand groupe japonais ?
DSDC.
Nous avons un actionnaire qui donne ses directives mais qui, en même temps, restructure son organisation en s’appuyant sur les compétences. Typiquement, aujourd’hui, NTN essaie de structurer l’organisation de la rechange auto monde, mais le référent, c’est SNR, chez qui il puise les meilleures pratiques de la rechange automobile. Cela vous confère, à l’intérieur même d’une relation d’autorité, une autorité de compétence, qui instaure le respect, et donc, vous autorise une certaine autonomie. J’ai toujours dit que SNR était déjà un peu japonais dans sa culture, car, c’est une entreprise qui n’est pas arrogante, se positionne près des clients, qui est axée sur le produit, la production, et bien sûr l’innovation. Ce que les clients attendent, ce sont des entreprises porteuses de stratégies, qui donnent une vision de ce qu’ils veulent faire, pour accompagner les clients quels qu’ils soient, première monte ou rechange.

JA. La croissance interne se veut intense dans votre groupe, qu’en est-il de la croissance externe qui pourrait apporter des compléments d’activité attractifs ?
DSDC.
Nous avons deux grandes activités, entre le roulement et la transmission, qui, aujourd’hui, ou, en tout cas, pour les 5 prochaines années, suffisent largement à nous occuper, c’est-à-dire finaliser la globalisation et réaliser les nouveaux projets. Pour cela, nous n’avons pas de relais de croissance à aller chercher impérativement. Nous savons tenir un taux de croissance traditionnel pour SNR de 7 à 8 % par an, aujourd’hui dans notre périmètre de produits actuels et dans le monde émergent tel qu’il se présente. Sur la partie industrie, l’option du groupe a toujours été de tout mener en interne, y compris sa propre acquisition de savoir-faire. Aujourd’hui NTN-SNR repose beaucoup sur le développement de nos activités sur les marchés émergents et sur les nouveaux marchés, comme l’éolien.

JA. Et la famille de produits “joints de transmission” semble revêtir pour vous un grand intérêt ?
DSDC.
Cette famille de produits, que j’ai en charge, en plus de la direction Europe NTN-SNR, entre parfaitement dans les synergies que nous évoquions, en forces de vente NTN-SNR, en interlocuteurs chez les grands constructeurs, en bureaux d’étude, et en rechange auto. D’autre part, c’est un marché qui est aussi en très forte croissance, que se disputent seulement deux acteurs. C’est un produit aussi, qui, techniquement, peut permettre un jour d’envisager de l’innovation sur les interfaces entre le roulement et les joints de transmissions. Et pour nous, c’est un point de différenciation puisque NTN-SNR est le seul groupe qui produit à la fois les joints de transmission et les roulements.

JA. Vous évoquez la production même. En étant un groupe à la fois japonais et européen, vous devez être “cher”, comment faire pour être compétitif ?
DSDC.
En Chine ou au Japon, actuellement, les jeunes de 18 ans n’achètent que de la marque. Et même en Chine, la marque est chère. Ce qui signifie que si nous arrivons à positionner nos produits dans une marque Premium, c’est l’eldorado ! En fait, ce n’est pas le prix, la question, c’est le positionnement. Aujourd’hui, dans le roulement, coexistent trois marques Premium de roulements dont SNR. Le tout consiste à tenir son positionnement, et c’est ce à quoi s’attache SNR. Autrement dit, on est cher, si on se positionne sur le marché de l’importateur, et on est compétitif, si on est sur le marché de la marque Premium. Et grâce à l’apport de la gamme NTN japonaise, nous arrivons à couvrir 97 % du parc européen, aussi, quand un distributeur doit choisir, il dispose d’une marque premium qui couvre 97 % du parc, l’essentiel est fait. Il n’y a pas à créer le marché, il est là.

JA. Est-ce que la marque NTN SNR est maintenant perçue dans sa globalité, notamment en rechange ?
DSDC.
Non ce n’est pas une marque, c’est un nom de société. Volontairement, on n’en dit pas plus, et on laisse les choses se faire naturellement. Et je trouve que de ce point de vue, il y a une vraie intelligence de la part du Japon, qui est, avant de poser la question métaphysique “quelle marque va-t-on retenir ?” de se dire “et le marché, que veut-il ?”. Je pense que cela ira naturellement vers NTN-SNR. L’industriel sait la valeur de la marque.

JA. Est-ce qu’il est encore possible de produire en France et de continuer à investir dans la production en France ?
DSDC.
Il me semble que, globalement, nous sommes quand même passés d’une ère de délocalisation, avec tout ce que cela avait comporté de fantasmes et d’angoisses, à une ère de localisation. Or, nous produisons 75 millions de voitures, et il est dit qu’on atteindra 100 millions en 2015. Aujourd’hui, la capacité de produire 100 millions de véhicules n’existe pas dans le monde. Et surtout pas en volume. Cela signifie qu’il faudra utiliser toutes les capacités existantes, y compris celles d’Europe de l’ouest. Le 2e point, c’est que les leaders de la globalisation, dans le monde, sont, avec les Japonais, les Européens. Le positionnement de l’Europe, sa démarche business sont assez séduisantes, et les Européens ont plus de facilité dans la globalisation que les autres cultures.

L’autre facteur consiste à dire, que si les constructeurs ont effectivement construit des usines d’assemblage dans les pays émergents, très peu ont construit des usines de boîtes et de moteurs. Les deux constructeurs français PSA et Renault sont encore en France. Et dans la course à la globalisation pour fabriquer des véhicules, ils n’ont pas le temps de tout faire. Nous nous apercevons, aussi, que le coût des composants, notamment en Asie, au travers du coût de la matière, qui est plus chère dans ces pays qu’ici, et des coûts salariaux, une convergence commence à poindre. Les coûts logistiques commencent à prendre le pas sur ces coûts. Ainsi, plus vous êtes près, plus vous êtes compétitifs. Les pays émergents commencent à investir en Europe, et les Européens réinvestissent, en Europe, s’étendent, certes, et en même temps, sophistiquent leurs produits et leurs process.

JA. On a vu, souvent, les entreprises européennes exporter leur R&D de façon à pouvoir gagner des marchés dans les pays émergents alors que chez SNR, la R&D semble maintenue, ici, à Annecy, cela durera-t-il ?
DSDC.
Dans la R&D il y a le R et le D, le R étant effectivement bien calé, à Annecy, qui est le 2e centre de recherche monde du groupe NTN, après celui du Japon. Parallèlement, nous disposons de 4 centres de développement au Japon, en Chine, aux USA et en Europe. Les clients nous demandent de pouvoir suivre sur ces 4 continents des projets de façon simultanée et avec la même réactivité. Il faut des gens qui suivent ces projets en les globalisant avec des responsabilités communes et, sans doute aussi, des capacités de prototypage et d’essais assez proches des clients. Mais cela ne va pas bien au-delà et ce n’est pas quelque chose que nous ressentons comme un handicap. En revanche, nous ressentons la nécessité d’assurer une proximité, plus humaine, de relationnel, et de suivi qu’autre chose.

JA. Quelles sont les grandes innovations, en rechange, sur lesquels vous travaillez en ce moment ?
DSDC.
Nous sommes axés, en rechange, sur l’élargissement de nouvelles gammes, notamment sur la distribution moteur, comme en poulies alternateur, avec à peu près 90 produits, en comptant l’accessoire. En début d’année prochaine, nous lancerons les kits avec pompes à eau. Il est important de noter, également, qu’il y a trois ans, il n’y avait pas NTN, ni les damper, ni les pompes à eau, ni etc. Nous sommes résolument en train de changer de dimension dans la gamme distribution accessoire. Et nous sortons 500 références par an, c’est énorme, surtout si l’on considère que nous retravaillons toutes nos autres gammes en roue ou en suspension en profitant des synergies avec NTN. Parallèlement, nous faisons la même chose avec le poids lourd, la moto, etc. L’effet de gamme s’avère extrêmement puissant, y compris dans les pays émergents.

JA. La notion de marque comme vous disiez tout à l’heure, est très importante puisque, même sur le sujet d’Internet, la communication qui se fait, en dehors des prix, porte sur la notion de marque, du Bosch, du Valeo, du Bendix, du SNR…
DSDC.
Je suis ravi que vous évoquiez cela car je ne suis pas sûr que nos troupes aient ça en tête. Quand je vais sur Internet, qu’est-ce que je choisis ? De la marque, du Premium. Internet sera un multiplicateur de marques Premium, un vecteur de promotion.

JA. Le champ de la logistique est aussi interpellé par Internet…
DSDC.
Nous sommes en train de mettre en place de nouveaux logiciels de gestion de magasins, opérationnels au début de l’année prochaine, qui nous aideront à sécuriser notre centre de distribution. Nous le repensons totalement, en concentrant nos distributions européennes avec la partie industrie, la partie NTN et la partie SNR. Nous redimensionnons notre logistique, nous la spécialisons, la professionnalisons. A l’échelle européenne, nous voyons la prédominance des très gros pôles et nous en faisons partie.

JA. Les matières premières continuent de fluctuer, et la demande devient exponentielle, comment réagissez-vous par rapport à cela ?
DSDC.
Au-delà de la spéculation, nous sommes face à une tendance longue de hausse des prix des matières. Le marché l’a compris, notamment les constructeurs automobiles, et il y a donc possibilité de discuter avec eux. Parallèlement, nous concevons aussi des produits moins consommateurs de matière ou intégrant de nouvelles matières. D’autre part, en réfléchissant davantage sur les processus, entre la matière consommée et la matière efficace il faut qu’on arrive à quelque chose d’assez proche pour éviter les pertes. Nous considérons ce phénomène comme un phénomène durable et non conjoncturel.
 

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