Les quatre saisons du Bibendum
L’Europe est un marché exigeant où les conditions météorologiques sont changeantes, et imposent donc une adaptation fréquente des équipements des véhicules pour assurer la sécurité des usagers. Le pneumatique en est le principal facteur, et de nombreux pays exigent le montage de pneumatiques distincts entre été et hiver. Comme beaucoup de manufacturiers, Michelin s’est penché sur le mariage des caractéristiques des deux types de pneumatiques. Dès le mois de mai prochain, la marque commercialisera donc un pneu fusionnant les qualités de chaque gamme dans un seul modèle, le “CrossClimate”.
Un défi
Celui-ci présente les qualités d’adhérence, de résistance au roulement et d’usure d’un pneu été, tout en assurant une tenue sur la neige qui lui permet de revendiquer l’homologation “3PMSF” accordée aux pneus hiver. Pour réussir le défi, Michelin a travaillé sur l’architecture, mais surtout sur le dessin et sur les gommes. Le dessin s’apparente à celui d’un pneu été, avec un drainage important depuis le centre vers les épaules dans des saignées larges et disposées en “V”. Mais, pour apporter la traction sur sol enneigé, des lamelles profondes et ondulées assurent l’accrochage. Les gommes utilisées sont d’une nouvelle formulation, qui a été expérimentée en compétition, où elle a prouvé son efficacité sur sol froid et humide aux 24 Heures du Mans, malgré l’utilisation de pneus sans dessins “slicks”. Sous la bande de roulement, un mélange chargé en silice de nouvelle génération retarde l’échauffement et limite la perte d’énergie. Ainsi pourvu, le “CrossClimate” revendique un freinage sur sol mouillé de niveau “A” au classement européen, une résistance au roulement classé “C”, un niveau sonore à une onde (sur trois possibles) avec 69 décibels et une certification d’efficacité hivernale “3PMSF”. Bien sûr, la durée de vie n’a pas été oubliée, le “CrossClimate” affichant une usure similaire à celle des gammes Energy Saver.
A son lancement, le “CrossClimate” sera disponible en 23 dimensions, de 15 à 17”, tailles 65 à 45, pour couvrir 70 % du marché européen. La volonté de Michelin étant de répondre à un besoin d’utilisation universelle, les marchés des flottes sont clairement identifiés pour ce pneu, ainsi que celui des camionnettes et des SUV, pour lesquels des dimensions adaptées apparaîtront rapidement.
Un résultat net en baisse
Une innovation technologique qui tombe à point nommé après un exercice 2014 en retrait. En effet, les ventes nettes du Bibendum reculent de 3,5 %, à 19,55 milliards d’euros. L’effet favorable, à hauteur de 134 millions d’euros, de la légère croissance des volumes (0,7 %) montre la bonne résistance du manufacturier, mais ne suffit pas à compenser l’effet prix-mix négatif de 449 millions d’euros. Et il faut ajouter à cela un impact des parités de change à hauteur de 304 millions d’euros. Le résultat net chute également de 96 millions d’euros, à 1,031 milliard. Pour autant, Jean-Dominique Senard, président de Michelin, a tenu à rassurer sur la solidité financière de son groupe, rappelant les raisons conjoncturelles de ces chiffres et les moyens mis en œuvre par Michelin pour se positionner et se développer durablement sur ses marchés.
Ainsi, au dernier trimestre, les ventes ont souffert d’une fin d’année par trop clémente en termes de températures : du coup, les pneus hiver ont eu du mal à trouver preneurs en Europe.
Par ailleurs, dans le domaine des “spécialités”, Michelin a essuyé un sérieux revers sur les pneus miniers, avec des ventes en chute de 12 %. Un résultat qui s’explique par des surstocks mis en place les années précédentes, qui ont donc grevé les ventes cette année. Toutefois, Michelin rappelle que son activité de spécialité se révèle stable par rapport à l’année dernière, en raison d’une belle percée sur les pneus OE et infrastructure.
En termes de structure financière du groupe, on remarque une gestion très fine du résultat opérationnel. Il recule de 3 % environ, principalement, là encore, à cause des effets de parités (pour 145 millions d’euros). Il est à noter que Michelin parvient, par ses efforts sur la compétitivité en 2014 (économie de 238 millions d’euros), à limiter l’impact de l’inflation, qui représente pour sa part 256 millions d’euros. Pour 2015, Jean-Dominique Senard anticipe une croissance modérée sur tous les marchés, avec un effet matières premières positif de près de 450 millions d’euros. Les effets de parités devraient, cette fois, se montrer favorables, à hauteur de 150 millions d’euros.
Jean-Marc Felten et Frédéric Richard