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Industrie

La navigation, en (r)évolution technologique ?

Publié le 24 septembre 2010

Par Clotilde Chenevoy
13 min de lecture
GPS : le marché se cherche une deuxième jeunesseLe marché des PND enregistre une légère baisse en volume, et une chute plus importante en valeur. Plusieurs facteurs peuvent...
...expliquer ces résultats : crise économique, cannibalisation entre segments, ou encore absence de rupture technologique, mais ils soulignent surtout que le secteur est en fin de cycle, le marché ayant atteint la maturité. Ainsi, pour les fabricants, l'enjeu consiste désormais à convaincre les clients de remplacer leur GPS, notamment par des produits à forte valeur. Et dans cette optique, les fabricants renouvellent leur gamme, sortent de nouvelles technologies, comme le GPS connecté, dont ils attendent beaucoup.

Si, en 2009, les fabricants de GPS ont communiqué à outrance, chacun cherchant à prendre des parts de marché à ses concurrents, 2010 a été le calme plat. Les budgets ont été coupés, la crise économique n'a pas épargné le secteur de l'électronique, particulièrement celui du GPS. Il est vrai que le secteur connaît un recul de ses volumes de 2 % selon l'institut GfK, avec un marché français estimé à 2,750 millions de pièces. En revanche, en valeur, la chute est rude, de l'ordre de 18 %, toujours selon Gfk. "Le marché du GPS est en phase de maturité, explique Eric Bernard, directeur général de Garmin France, et il n'est pas évident que la crise en soit la cause. Il s'agit d'un essoufflement du marché propre au PND, qui suit une courbe classique de cycle de vie d'un produit."

Effectivement, le marché ne connaît pas de ruptures technologiques permettant un renouvellement des produits. Le GPS est devenu un produit classique pour les consommateurs. Et ils sont moins sous les feux des actualités, car une nouvelle concurrence est venue se positionner face à eux : les Smartphones. Ces derniers possèdent de plus en plus d'applications de navigation, fortement plébiscitées par les utilisateurs. TomTom a mis en vente sur l'AppStore son application de navigation, et affiche 200 000 téléchargements. Tous les 2 à 3 mois, elle est mise à jour, créant ainsi des rendez-vous avec ses clients. Pour Samuel Vals, directeur général France de Mio Technology, "les utilisateurs ayant ce type de système ne l'utilisent pas de façon aussi intensive que le propriétaire d'un GPS. Ils en ont une utilisation plus ponctuelle. Du coup, le Smartphone est un concurrent mais il permet aussi de sensibiliser et de faire découvrir les attraits du PND."

Enfin, autre facteur impactant le secteur du GPS : le marché automobile s'essouffle, avec la baisse de la prime à la casse. Le budget auto des ménages est en baisse, or, le GPS est associé à cette catégorie. Les Smartphones reviennent donc faire de l'ombre aux GPS, car acquérir un téléphone reste mieux accepté dans le budget qu'un PND, jugé peut-être moins utile au quotidien. Par ailleurs, "le GPS se trouve un peu passé de mode, souligne Samuel Vals. Il n'est plus nécessaire d'avoir le dernier modèle sorti, car il y a une banalisation de ce produit. En revanche, le Smartphone bénéficie d'un taux de renouvellement beaucoup plus fort."

La combinaison de ces facteurs donne un marché en fin de cycle. Selon Gfk, le prix de vente moyen, en juillet 2010, se situe à 146 euros TTC, et environ 10 % des ventes du marché portent sur des produits ayant un prix de vente en dessous de 75 euros TTC. Cette chute des prix rend le PND plus abordable, notamment au regard des tarifs d'une solution embarquée, qui se monnaye toujours à plus de 600 euros en moyenne. En outre, "le taux d'équipement reste encore faible, s'affichant en France à 32 %, estime Samuel Vals. Le potentiel de croissance reste donc encore très intéressant, car les pays du Nord atteignent, eux, un taux de 50 %. On peut donc s'attendre à un rattrapage de la France, notamment quand la crise sera finie, et que les arbitrages seront moins forts dans les biens de consommation."

Par ailleurs, selon Eric Bernard, "les prix devraient arrêter de chuter en 2010, car fabriquer un GPS a un coût. En deça d'un certain prix, on tombe dans le low-cost. Or, un prix trop bas effraie le consommateur, qui a la sensation de ne pas en avoir pour son argent. Il existe un prix de raison qui définit le seuil au-dessus duquel le consommateur a confiance dans le produit. Il est vrai que les produits situés sous la barre des 100 euros occupent une part importante du marché en volume. Mais le plus gros du marché se situe entre 129 et 179 euros."

Concernant les canaux de vente, ils changent légèrement, sans révolution. Ainsi, le e-commerce, qui a réalisé une forte percée il y a 2 à 3 ans, stagne désormais autour de 15 % de PDM. Les revendeurs spécialisés occupent environ 36 %. Les grands gagnants sont les grandes surfaces, avec des parts de marché qui atteignent aujourd'hui 40 %. Le produit étant arrivé à maturité, il se vend tout seul. Quant aux centres-autos, ils enregistrent une diminution, avec désormais moins de 10 % de PDM. Le canal des concessionnaires reste toujours très marginal, car les commerciaux s'attachent surtout à vendre les voitures, plus qu'un GPS à environ 150 euros !

Arrivée massive de nouveaux produits

L'enjeu pour cette année consiste à donner une nouvelle jeunesse à ce marché mature. Et cette dynamisation du marché passe bien évidemment par un renouveau produits fort. Les marques l'ont bien compris, et toutes affichent des nouveautés, avec des axes de développement plus ou moins différents.

Ainsi, TomTom, qui détient 50 % de PDM en valeur, a profité du salon IFA, grand-messe de l'électronique en Europe, pour annoncer le renouvellement de ses produits XL et GO, respectivement ses GPS de milieu et haut de gamme. Les deux gammes bénéficient de fortes améliorations des caractéristiques. Et "pour marquer l'évolution conséquente de notre gamme XL, nous avons décidé de créer une rupture en renommant notre gamme XL en Via, déclare Arnaud Pezeron, directeur marketing de TomTom. Sur le terrain, des opérations promotionnelles régulières seront déployées pour créer des achats d'opportunités." Les modèles Via reçoivent ainsi la technologie IQRoutes, ou encore un kit main-libre, qui étaient jusqu'alors réservé au haut de gamme. La famille GO reçoit, elle, la nouvelle génération de HD Trafic. TomTom compte beaucoup sur cette info trafic premium. La marque annonce d'ailleurs que plus d'un million de consommateurs ont opté pour un produit TomTom doté de cette technologie. Le fabricant espère bien accroître encore cette part, d'autant que la nouvelle génération, qui débarque à la fin du mois de septembre, se révèle plus performante sur les petites routes, et la densité d'informations dans les zones urbaines se trouve doublée. "Notre challenge reste de convaincre les consommateurs que l'info trafic fonctionne bien, en adoptant un langage très didactique, confie Arnaud Pezeron. A l'approche de Noël, TomTom va se lancer dans une communication forte autour de ses nouvelles technologies et produits. Cette période représente la deuxième plus importante en termes de ventes, après les vacances estivales."

Le fabricant espère également promouvoir ses technologies via sa filiale TomTom Licensing, feu TeleAtlas, qui est en charge de la commercialisation, sous forme de licence, des produits du groupe. Par exemple, Mio Technologies propose désormais la technologie IQRoutes. Ce système de licence offre une opportunité pour TomTom d'amortir davantage ses investissements en R&D. La marque possède d'autres projets dans les tiroirs mais le HD Traffic reste pour l'heure le fer de lance du groupe, d'autant que plus de GPS sont dotés de cette technologie, plus les données sont précises.

L'offre OE en croissance

Enfin, depuis le salon de Genève en 2009, TomTom a envahi les habitacles de Renault via le Carminat TomTom, le système de navigation embarqué du constructeur français. Le fabricant de GPS n'a aucun chiffre précis à fournir, mais il garantit le succès de ce partenariat, qui démocratise la navigation embarquée. Le groupe ne souhaite pas en rester là, et promet de nouvelles annonces pour le Mondial de l'Automobile. Arnaud Pezeron souligne que "la stratégie du groupe est limpide, nous devons nous développer partout où il y a une plate-forme automobile."

Du côté de chez Garmin, la première monte intéresse également, mais sur des solutions de semi-intégrations, à mi-chemin entre l'accessoire et l'intégration. Autrement dit, le fabricant conçoit des systèmes de fixation qui s'intègrent au mieux dans l'habitacle, sans "gâcher" le design de la planche de bord. Le fabricant travaille avec de nombreuses marques, telles que Mini, Peugeot ou encore Citroën, et devrait bientôt arriver chez Mazda. "Il s'agit d'une alternative attractive par rapport à des solutions entièrement embarquées, inférieures à 500 euros, précise Eric Bernard. Pour Garmin, ce marché s'avère en croissance constante et commence à devenir particulièrement intéressant comme business. Nous ne cherchons pas forcément à nous associer à une marque, car cela peut nous fermer des portes. Nous travaillons également sur des solutions intégrées mais en marque blanche."

Garmin s'associe à Coyote

Garmin a également fait son entrée sur le secteur des Smartphones, mais avec une offre décalée, un GPS faisant téléphone. Le Nuvifone a connu toutefois de nombreux faux départs, son arrivée ayant été plusieurs fois décalée. Le produit attendu depuis plus d'un an a finalement fait son apparition au début de l'été. "Nous ne sommes pas, à l'origine, un fabricant de téléphone, ce projet était donc un nouvel axe de développement, se défend Eric Bernard. Nous sommes donc partis humbles, ce fut un produit difficile à développer. Le Nuvifone est un produit innovant, un Smartphone avec un vrai GPS. Ce marché reste difficile à percer, particulièrement quand nous ne sommes pas un grand nom de la téléphonie. Par ailleurs, le succès passe par un partenariat avec un opérateur, particulièrement en France où ils subventionnent le téléphone." Pour l'instant, aucun partenariat n'a été annoncé.

En revanche, la marque s'intéresse de près au PND connecté, et à la fonction avertisseur de radars. Elle vient d'ailleurs de conclure un accord avec Coyote, et propose les services du spécialiste de l'avertisseur de radars dans ses GPS, moyennant un abonnement. Ce dernier s'était déjà essayé à la navigation, avec Coyote Nav, mais le produit n'a pas rencontré de vif succès, la partie navigation n'était effectivement pas très probante. Avec ce partenariat, l'utilisateur bénéficiera dès l'achat de son GPS d'un accès à l'ensemble des services de Coyote, pour qu'il se familiarise avec les différentes options. Ensuite, l'offre commerciale n'a pas encore été définie, mais les clients devront renouveler ensuite leur abonnement, certainement sur un rythme annuel. "Les produits connectés devraient faire remonter le marché, détaille le directeur général de Garmin. En France, ils représentent 10 % du marché en volume, et 17 % en valeur. Par ailleurs, les avertisseurs de radars constituent un marché en perpétuelle croissance, alors que cette fonction devrait s'intégrer dans les PND, avec un grand écran."

Enfin, Mio Technology, qui se partage avec Garmin la deuxième place, n'est pas en reste et lance aussi son lot de nouveautés ! Ainsi, toujours à l'occasion de l'IFA, Mio a présenté un car-kit pour iPhone, qui permet d'améliorer la sensibilité du capteur GPS du Smartphone, et fait également office de car-kit, tout en rechargeant l'appareil. "Nous lançons ce produit pour faire connaître notre marque comme un acteur important de la navigation, précise Samuel Vals, mais nous ne développons pas d'applications. Le marché est déjà chargé, et notre société sœur, Magellan, propose déjà la sienne." Par ailleurs, comme nous vous le disions précédemment, Mio va proposer la technologie IQ Routes, créée par TomTom, dans sa nouvelle gamme Spirit.

La renaissance de Navman

Plus stratégique, Mio fait renaître de ses cendres la marque Navman, qu'elle avait acquise il y a quelques années. Ainsi, 4 nouveaux produits apparaissent sur le marché, positionnés en entrée de gamme, avec des prix allant de 79 à 99 euros. L'objectif étant d'assurer une présence sur ce secteur fortement concurrencé, mais sous une marque différente. Mio reste la marque Premium du groupe en matière de navigation automobile. Et pour attaquer le marché Outdoor, la marque Magellan, rachetée il y a deux ans, débarque en Europe. La stratégie du groupe est claire : "trois marques pour occuper des marchés différents, avec des positionnements prix cohérents."

Le fabricant s'intéresse aussi au GPS connecté, un produit en devenir pour Samuel Vals : "Cela fait déjà quelques années que l'on en parle, et désormais, même si on reste en deçà des capacités d'un Smartphone, le produit a été affiné, avec des fonctionnalités pertinentes, notamment pour l'info trafic. L'aspect sécurité, comme l'avertisseur de radars, devrait également booster le marché. Pour l'instant, les avertisseurs de radars dédiés continuent de croître, avec un produit dédié."

L'intégration de la TV représente un autre point sur lequel travaille Mio, l'objectif étant de donner davantage de fonctionnalités au GPS en dehors de l'habitacle. La fonction divertissement n'occupe pour l'instant que 5 % du marché, alors qu'en Asie la progression est beaucoup plus forte. "En France, ce créneau a du mal à prendre de l'ampleur à cause du réseau, qui pose des problèmes de réception, atteste le directeur général de Mio Technology France. Dans l'esprit des consommateurs, l'association GPS+TV signifie gadget, car ils restent sceptiques sur la qualité de réception. Pourtant, nous avons désormais trouvé des solutions pour créer un produit de qualité. Nous allons relancer la communication sur ce produit, via des produits milieu de gamme."

Autrement dit, la bataille médiatique va reprendre. Le silence de 2009 devrait laisser place à de vastes plans de communication et d'offres promotionnelles, notamment pour mettre en avant les nombreuses nouveautés dévoilées lors du salon IFA. Et quand on sait que Noël représente la deuxième période de vente dans le secteur des GPS, la concurrence sera féroce.

ZOOM

Garmin va bien !

Garmin a dû récemment opérer une campagne de rappel de 1,25 million de produits (dont 796 000 aux Etats-Unis). Les modèles 200 W, 250 W, 260 W, 7xx and 7xxT seraient concernés. Reuters avait alors annoncé une société en difficulté. Eric Bernard, directeur général de Garmin France, dément cette information : "Garmin réalise une très bonne année 2010. Nous enregistrons une baisse de l'ordre de 10 % de notre CA, en lien avec le marché du GPS. Toutefois, la profitabilité du groupe se porte bien, sans aucune dette au bilan. L'automobile n'est pas notre seul secteur d'activité, nous avons d'autres branches, qui enregistrent des progressions. Notre ambition reste toujours de progresser, en volume et surtout en valeur. Le début de l'année se trouve conforme à nos prévisions, avec même une légère hausse depuis ces derniers mois. Nous sommes confiants pour le reste de l'année." Concernant le rappel, Garmin assure que cela n'entache pas son image. "Ce rappel est une démarche volontaire, peu coûteuse pour nous, et qui démontre le sérieux du groupe, car les risques encourus restent minimes."

ZOOM

TomTom et Sony s'associent

Lors du salon IFA de Berlin, dédié à l'électronique grand public, TomTom et Sony ont annoncé leur collaboration. En effet, Xplod, la gamme de systèmes multimédia embarqués de Sony, disposera des fonctionnalités de navigation du TomTom GO 1000, avec le HD Trafic, IQRoutes et MapShare.

Photo : Samuel Vals, DG France Mio : "le Smartphone est un concurrent mais il permet aussi de sensibiliser et de faire découvrir les attraits du PND."

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