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Industrie

"La globalisation des marchés et de l’offre impose aux fournisseurs d’être eux aussi mondiaux"

Publié le 5 octobre 2012

Par La Rédaction
7 min de lecture
Yann Delabrière, président-directeur général, Faurecia - La crise a poussé Faurecia hors de l’Europe, accompagnant les constructeurs mondiaux à la conquête de tous les marchés en croissance. L’objectif de l’équipementier est clair : viser une croissance globale, et ainsi changer le profil géographique du groupe, avec des développements très rapides en Asie et Amérique du Nord.

JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. Comment se porte Faurecia sur le début de l’année ? Quelles sont vos perspectives pour la fin de l’année ?
Yann Delabrière.
Sur 2011, nous avons enregistré une croissance globale de 17,4 %, avec une forte hausse en Amérique du Nord et en Asie. L’Europe progresse également, avec une augmentation du chiffre d’affaires de 9 %. Sur 2012, le contexte économique se montre bien différent, du fait de la rechute du marché européen, estimée à -6 % sur le premier semestre. Par conséquent, nous enregistrons des résultats en ligne avec le marché (- 4,5 %), mais cette baisse se trouve compensée par les fortes hausses en Amérique du Nord (+ 35 %) et en Asie (+20 %). Pour la fin de l’année, nous attendons encore un chiffre d’affaires en croissance, malgré une production automobile en Europe qui devrait rester négative. Le mois d’août a été très mauvais en termes d’immatriculations, et la fin de l’année devrait encore enregistrer une dégradation. Notre croissance sera maintenue par la performance des marchés d’Amérique du Nord et de l’Asie. Le chiffre d’affaires total devrait se situer entre 17 et 17,4 milliards d’euros, soit une hausse de 5,0 % à 7,5 %.

JA. Quels pays portent la croissance de Faurecia ?
YD.
L’Amérique du Nord centralise 25 % de notre chiffre d’affaires. Depuis 2009, nous avons quadruplé notre CA, et nous continuons de nous développer. En Asie, c’est surtout la Chine qui nous intéresse. La croissance a été rapide, puisque nous avons multiplié par trois notre chiffre d’affaires, entre 2009 et 2012, pour atteindre 1,5 milliard d’euros, soit 10 % du CA global. D’une part, nous sommes poussés par nos grands clients internationaux, Volkswagen, Nissan, Ford… D’autre part, nous accompagnons aussi les marques Premium, BMW ou encore Daimler, qui augmentent fortement leurs volumes sur cette zone. Enfin, nous développons aussi nos activités avec des groupes chinois, qui devraient devenir des acteurs de poids à moyen terme, comme le groupe Geely.

En Amérique du Sud, nous avons accru notre présence depuis 5 ans, avec nos quatre métiers. Nous réalisons ainsi 5 % de notre chiffre d’affaires sur ce périmètre. Nos activités se concentrent particulièrement au Brésil, pays le plus dynamique, qui centralise les trois quarts de l’activité sud-américaine. Nous retrouvons d’ailleurs sur ce terrain les constructeurs européens et américains, d’où notre positionnement sur ce pays. Concernant la Russie, il s’agit d’un pays beaucoup plus spécialisé. Après de fortes incertitudes sur la structure même du marché, on arrive aujourd’hui à une clarification depuis deux ans, avec un rapprochement entre des constructeurs mondiaux et locaux : Renault Nissan avec Atovaz, Ford avec Sollers, et le groupe Volkswagen avec GAZ. De plus, certaines marques, sans alliance, démontrent aussi des volontés de conquête. Par conséquent, les plans produits et industriels sont clairement établis. Nous ne voulions pas nous engager sans vision définie. Désormais, nous ciblons d’atteindre 400 millions d’euros d’ici 2015.

JA. Et l’Europe ?
YD.
Cette zone représente encore 59 % de notre chiffre d’affaires, contre 75 % il y a 3 ans. Avec la crise, en 2008 et 2009, nous avons connu une transformation significative des marchés. Ainsi, la globalisation des marchés s’est accélérée. Si la Chine et l’Amérique du Sud ont été depuis longtemps identifiées comme des marchés importants, ils ne représentaient pas pour autant le cœur de l’activité. Désormais, le marché chinois a une taille comparable à ceux d’Amérique du Nord et l’Europe, et deviendra à terme le premier marché mondial. De plus, ces marchés dits émergents possèdent le triple atout d’être en forte croissance, plus stables, avec des volumes conséquents. Le poids de ces zones entraîne d’ailleurs une convergence technique, avec une globalisation des offres. Désormais, les marques conçoivent des produits globaux destinés à tous les continents, avec un lancement quasiment simultané. Ford représente l’archétype de cette politique, avec la Fiesta, la Focus, le Kuga ou encore la Mondeo. Volkswagen, avec sa Golf VII, commercialisera également très vite son modèle dans le monde. Idem avec l’Audi A3. Par ailleurs, seconde transformation du marché, les constructeurs mettent en place des stratégies de plates-formes avec des partages techniques. La crise a fortement accéléré la politique de communauté technique pour les grands groupes mondiaux. On peut par exemple citer Renault et Nissan, ou encore la plate-forme Epsilon chez General Motors, ou MQB chez Volkswagen.

JA. Quelles sont les conséquences pour les équipementiers ?
YD.
Pour un fournisseur, l’enjeu consiste à suivre ces projets mondiaux en étant lui-même sur une approche globale. En effet, les constructeurs cherchent à réaliser des économies d’échelle, qui proviennent essentiellement des équipementiers. Ainsi, ils cherchent à restreindre le nombre de fournisseurs, pour garder un interlocuteur capable de fournir les produits, avec la même qualité, dans le monde entier. Par conséquent, nous adoptons un plan de croissance industriel fort. Ainsi, en Chine, nous disposons d’une trentaine de sites, et nous devrions atteindre une soixantaine de sites d’ici 2016. La situation est identique sur le continent américain, où nous multiplions aussi nos usines, particulièrement au Mexique.

JA. Votre présence en Europe a-t-elle été remise en cause ?
YD.
De 2006 à 2009, nous avons réalisé une période de restructuration très douloureuse. Cette phase est terminée, même si nous n’excluons pas d’autres ajustements à l’avenir, selon les volumes de nos clients. Notre réseau couvre l’ensemble de l’Europe, avec une production relativement stable. Nous continuons à ouvrir des sites, particulièrement en Europe de l’Est, notamment pour servir nos clients allemands et russes.

JA. Peut-on encore produire en France ?
YD.
Notre métier demande de la proximité. Après, il se décompose en deux phases, les composants et l’assemblage. La première opération a depuis des années été localisée selon le coût de la production. Pour la deuxième opération, nous devons obligatoirement nous situer à proximité des usines de nos clients. Nous produisons en séquence et en flux tendu, avec des fenêtres de deux à trois heures pour livrer. Ainsi, pour la production de sièges, nous recevons en flux tendu une liste détaillée des commandes de nos clients, que nous assemblons au fur et à mesure, et que nous livrons selon l’ordre imposé. Ce fonctionnement exige de la proximité.

JA. Concernant la R&D, adoptez-vous une politique de proximité également ?
YD.
Nous disposons d’une forte capacité de recherches et d’innovations en France et en Allemagne. Depuis 2010, nous avons d’ailleurs accéléré nos projets, et d’ici 2015, nous souhaitons développer nos capacités techniques et financières pour la R&D. Ainsi, en France, nous avons doublé la taille, en 3 ans, de notre site de Bavans (Doubs), travaillant sur l’échappement, avec l’appui efficace des autorités locales et régionales. A Caligny (Orne), nous disposons de notre plus grosse usine, qui produit des mécanismes de sièges, et accueille également un centre de R&D qui emploie 400 personnes, ainsi qu’une annexe du centre de formation d’ingénieurs de Caen. Dans l’Essonne, à Brières, nous avons rénové le centre, qui est équipé désormais d’un laboratoire d’électronique. Dans les Ardennes, enfin, nous avons investi dans un site dédié à l’acoustique et l’isolation phonique des véhicules. En parallèle, nous nous développons aussi en Allemagne, qui a autant de poids en R&D que la France. Et notre développement international nous pousse aussi à ouvrir des bureaux en Amérique du Nord, à Détroit, ainsi qu’en Chine. L’objectif consiste aussi à être proche de nos clients.

JA. Quelles sont les conséquences des difficultés de PSA pour Faurecia ?
YD.
PSA est l’un de nos clients et représente 15 % de notre chiffre d’affaires, ce qui est à la fois significatif mais pas déterminant. En tant qu’actionnaire, PSA reste majoritaire, à 57 %, sans changement prévu. Les annonces de désinvestissement du groupe qui ont été faites n’ont jamais concerné Faurecia.

Propos recueillis par Clotilde Chenevoy et Hervé Daigueperce
 

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