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Industrie

"Inventons une autre automobile"

Publié le 13 janvier 2006

Par Alexandre Guillet
4 min de lecture
Plus pléthorique est l'offre de nouveaux modèles, plus rapide est leur obsolescence. A l'heure de Logan et des voitures chinoises, il est temps de réinventer l'automobile, pas en améliorant l'existant en y ajoutant toujours plus d'électronique, mais en inventant une "autre" automobile. Le...
Plus pléthorique est l'offre de nouveaux modèles, plus rapide est leur obsolescence. A l'heure de Logan et des voitures chinoises, il est temps de réinventer l'automobile, pas en améliorant l'existant en y ajoutant toujours plus d'électronique, mais en inventant une "autre" automobile. Le...

...passage d'une année à l'autre est propice à la réflexion, puisqu'il n'y a rien de mieux à faire. Allons-y : où en est donc l'automobile européenne ? L'environnement international est entré dans une phase de transformation radicale : l'industrie américaine est en pleine crise ; les Japonais se portent bien, et même mieux que ça ; et l'année 2005 a sans doute été la dernière ou l'avant dernière année "pré-chinoise" du marché européen de l'automobile. Excusez du peu. Tout va donc bouger en Europe, à un rythme qu'il est impossible de prévoir, mais dans le sens d'une nouvelle donne ou, si on préfère, d'une nouvelle hiérarchie entre les constructeurs, sur fond de demande anémique et de faiblesse relative de plusieurs grands groupes européens. Les stratégies des constructeurs ont sans doute pris en compte tous les éléments cités, plus quelques autres. Pour l'instant, on n'en voit cependant pas les prémisses. Plus particulièrement, le facteur de développement et de croissance le plus important, c'est-à-dire l'offre, continue de souffrir d'un emballement coûteux mais improductif. On l'a déjà souligné : la multiplication accélérée des nouveaux modèles, tous plus lourds d'électronique que les précédents et tous rapidement obsolètes, ne conduit nulle part. C'est sur une autre conception de l'innovation que l'essentiel se jouera, nous semble-t-il.

Quelle innovation ?

L'innovation est d'abord la capacité de définir et réaliser de nouveaux produits, libérés des contraintes de l'offre existante, mais en mesure d'assurer une fonctionnalité analogue à celle-ci, à un niveau différent. Ainsi, la première voiture n'a pas été une simple amélioration du fiacre, ni la première ampoule électrique un remake de la lampe à huile. Il s'est agi d'innovations : il y a eu rupture et le nouveau produit a chassé l'ancien. Comment appliquer ceci à l'automobile ? On inventera certainement un jour un produit qui la remplacera. En attendant, il est utile de travailler à des modèles d'automobiles dont la charge d'innovation soit telle qu'ils soient perçus par le public de référence comme le résultat d'une véritable mutation, correspondant à des attentes jusqu'alors inexprimées ou non satisfaites. Dans ce sens, l'innovation est indépendante, par exemple, de la quantité d'électronique : un modèle très "électronique" peut être innovant ou pas, de même qu'un modèle aussi peu électronique que possible. Au départ d'un produit innovant, il y a donc un concept, issu de la liberté d'imaginer autre chose que la répétition et déclinaison à l'infini, au pantographe, du même type d'automobile. L'amélioration continue, qualitative ("plus riche") et quantitative ("plus de choix"), de l'existant ne doit donc pas passer pour innovation. Elle peut même y faire obstacle, en donnant une apparence de mouvement à un process sclérosé.

Innover autrement

Un nouveau concept entraîne avec lui de nouveaux matériaux, de nouvelles solutions techniques, de nouvelles motorisations, etc. Encore faut-il s'entendre sur ce qui est "nouveau". Une motorisation à la pointe du progrès technique l'est autant (mais pas plus) que le recours à des solutions déjà expérimentées mais parfaitement fonctionnelles, inattendues mais correspondant aux nécessités de la population intéressée au modèle considéré. En ce sens, la motorisation hybride de Prius et le moteur monté sur Logan sont sur le même plan. Il faut donc, à la fois, s'inspirer du marché, et savoir s'éloigner des modes qui le caractérisent. Ceci étant posé, qui devrait s'occuper d'innovation chez un constructeur ? Les fonctions concernées sont, sans aucun doute, la Recherche (et Innovation), l'Ingénierie, le Produit et le Marketing stratégique. Pour donner une impulsion à l'innovation, il faudrait que ces fonctions travaillent ensemble à tous les stades de développement d'un projet, avec une coordination opérationnelle assurée par un plénipotentiaire de la D.G. : puisque l'inefficacité guette toutes les grandes organisations par l'intermédiaire du consensus (souvent néfaste et porteur de médiocrité), les arbitrages décisionnels devraient être immédiats. Rien de tout cela n'est facile. Mais la stratégie actuelle d'enrichissement et élargissement des gammes ne fonctionne pas ; il y a, dehors, des géants qui tombent et d'autres qui frappent à la porte ; et il y a déjà trop de modèles, de marques et (peut-être) de constructeurs en Europe. C'était 2005. Réfléchissons à l'année 2006.


Ernest Ferrari, Consultant

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