François Fillon : La production, le coût du travail et les banques en question
François Fillon. La production en France s'affaiblit depuis des années. Des décisions ont été prises il y a dix ans par Renault et PSA de localiser la production de certains modèles ailleurs qu'en France, notamment en Europe de l'Est. Ce mouvement n'est pas récent, et avant l'Europe de l'Est, il y a eu les implantations en Espagne ou en Turquie. Certes, ces investissements ont été faits pour se rapprocher de marchés en développement mais aussi pour y trouver des coûts de production plus bas. La croissance du marché a pu, un temps, effacer leur impact. Ce n'est plus le cas pour un marché européen qui est atone depuis des années. Nous avons encore une base de production automobile importante, qu'il nous faut préserver. C'est le sens des mesures que ce gouvernement prend en faveur de l'industrie, par exemple la suppression de la taxation des investissements productifs. Pour l'automobile, il nous faut aller plus loin. Nous consacrons déjà de très importants efforts au profit de la R&D, que nous allons encore amplifier avec l'Emprunt National, qui bénéficiera directement au secteur. J'entends également que pour tout nouveau véhicule, la France soit mise en compétition loyale avec les autres Etats, en tenant compte de l'ensemble de ses atouts. Si j'en juge les choix fait par Toyota ou Daimler Smart d'investir en France pour y produire des petits modèles, ces atouts existent bel et bien. J'ai demandé à Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie, de se rapprocher des deux constructeurs français afin d'examiner avec eux leurs plans produits respectifs pour les prochaines années et voir comment faire pour que ces nouveaux modèles soient produits en France.
JA. Le solde du commerce extérieur automobile français est désormais structurellement déficitaire : comment entendez-vous compenser cet état de fait ?
FF. Après un excédent record en 2004 de + 13,1 milliards d'euros, le solde commercial de l'industrie automobile s'est dégradé pour devenir déficitaire en 2008 de - 2,5 milliards d'euros et en 2009, la chute des exportations de - 26,5 %, a creusé le déficit à - 4,7 milliards d'euros. Ce déficit est provoqué exclusivement par les véhicules automobiles - 7,4 milliards d'euros en 2009, alors que le solde des équipements automobiles reste positif à + 2,7 milliards d'euros. Redresser cette situation passe par le maintien sur le territoire des usines d'assemblage de véhicules, en y accueillant des nouveaux modèles capables non seulement de satisfaire le marché français mais aussi de s'exporter. L'Etat jouera son rôle en poursuivant son soutien à l'innovation, par exemple dans le domaine des véhicules électriques.
JA. Par rapport aux deux précédentes questions, se trouve la problématique du coût du travail. Les industriels le jugent trop élevé et réclament une baisse des charges. Est-ce envisageable ?
FF. Le succès des constructeurs automobiles allemands doit nous faire réfléchir sur les clés du succès dans l'industrie automobile. Ils produisaient en Allemagne 2,2 millions de véhicules supplémentaires en 2007 par rapport à 1980, alors qu'en France on en produit 400 000 de moins ! Le coût du travail n'est qu'un élément de la compétitivité. Le rythme et la qualité des investissements industriels constituent également un élément central.
Par ailleurs, la réforme de la taxe professionnelle a allégé la charge fiscale pesant sur les investissements productifs et sur l'emploi dans l'industrie. Au total, les impôts locaux pesant sur l'industrie sont réduits de 32 %, soit plus de 2 milliards d'euros. Cette réforme contribue donc à réduire l'écart de compétitivité entre la France et ses principaux concurrents.
JA. Si l'aide à l'industrie est saluée par les dirigeants de l'automobile, le comportement des banques continue d'être stigmatisé. Selon vous, s'agit-il d'une simplification des problèmes et quel peut être le rôle de l'Etat pour briser la frilosité des organismes financiers ?
FF. La vocation première des banques est de financer l'économie, et le Gouvernement reste particulièrement vigilant sur ce sujet. Tout au long de la crise financière, l'un de nos principaux objectifs a été d'éviter que cette crise se traduise par une pénurie de crédits bancaires pour les entreprises, et notamment les PME, car cela aurait entraîné la défaillance de beaucoup d'entre elles, avec les conséquences que l'on peut imaginer sur l'emploi. C'est pour cela que nous avons été parmi les premiers à mettre en place un plan de sauvetage bancaire, qui n'a d'ailleurs rien coûté aux contribuables, mais qui au contraire a généré des intérêts pour l'Etat, ainsi qu'un effort sansprécédent en faveur du financement des PME et des entreprises de taille intermédiaire, avec notamment le renforcement très important des capacités d'intervention d'OSEO. Nous avons également créé la médiation du crédit, afin que les entreprises puissent obtenir en cas de refus de crédit un nouvel examen par leur banque. Depuis novembre 2008, environ deux dossiers sur trois se sont soldés par un réexamen favorable par la banque. Au total, ce sont environ 10 000 entreprises qui ont été confortées, et d'autres pays européens souhaitent à présent reprendre cette idée. Plus globalement, les encours de crédit bancaire aux particuliers et aux entreprises ont progressé de 1,8 % en France en 2009, contre une diminution de 0,6 % pour l'ensemble de la zone euro. Pour 2010, nous resterons attentifs à l'évolution de la situation, notamment au regard des engagements de progression des crédits pris par les banques le 5 mars dernier devant le Président de la République.
Sur le même sujet
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.