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Industrie

Compétitivité française, de la suite dans la R&D

Publié le 24 janvier 2013

Par Axel Abadie
6 min de lecture
Depuis 2005, les pôles de compétitivité portent l’innovation hexagonale. A l’orée d’une troisième phase qui devra renforcer l’accompagnement des PME et la mise sur le marché des produits, le Journal de l’Automobile revient sur ce dispositif.
Les pôles qui représentent l’automobile ont toujours été importants. Le secteur représente 130 projets sur 1 042 financés entre 2005 et 2011.

“Il existe l’innovation de bureau d’études ou de créativité, dans laquelle les Français sont très forts. Ils le sont moins pour passer de l’idée au produit et du produit au chiffre d’affaires rentable.” Il y a de cela quatre mois, Pierre Gattaz, président du Groupe des fédérations industrielles, mettait en lumière une des faiblesses des clusters à la française. Dans cet atelier sur l’innovation et la compétitivité, tenu lors du Mondial parisien, il était rejoint par Jacques Chauvet, directeur général du pôle de compétitivité Mov’eo : “Il reste à passer de l’idée labellisée et financée, au marché. Une fois l’idée financée, il existe souvent un défaut de remontée d’information.”

Mais point d’impuissance, s’efforce-t-on d’expliquer de toutes parts. Brigitte Morgulis, secrétaire générale du pôle Véhicule du futur, si elle concède que la mise sur le marché des produits est une chose fondamentale, précise que “jusqu’à maintenant, on nous demandait de montrer que nous savions monter des projets. L’étape de mise sur le marché est l’évolution naturelle de ce que nous avons réussi à faire à ce jour”.

Elle est secondée par Eric Huber, conseiller technique innovation, financement et territoire au cabinet de Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du Redressement productif. “Avant, le cahier des charges dictait aux pôles de compétitivité d’être des usines à projets, de mettre en relation différents acteurs pour qu’ils discutent ensemble. Nous avons constaté qu’il ne suffit pas de soutenir la recherche pour que cela fasse de l’industrie, analyse-t-il. Dans les futurs appels à projets, les entreprises auront la charge du suivi jusqu’à leur industrialisation et leur commercialisation.” Les pôles de compétitivité en sont donc où on leur avait demandé d’être. La suite appartient à la phase 3, entérinée en Conseil des ministres le 9 janvier dernier.

Innovation ouverte

Faisons un bond de sept ans en arrière. La politique des pôles de compétitivité a été initiée en 2005, avec pour objectif de renforcer la compétitivité de l’économie française et de développer la croissance et l’emploi, en encourageant les démarches partenariales. Dans un récent rapport, l’Institut de l’entreprise identifie cinq bénéfices liés à la création de ces clusters : “Une plus grande facilité d’accès aux partenariats entre entreprises, des ressources humaines de meilleure qualité et plus mobiles, une plus grande visibilité à l’international, un meilleur financement et la constitution d’un marché-test, constitué d’early adopters”, fournissant ainsi de précieuses informations afin d’améliorer le produit.

Un dispositif dans lequel le secteur automobile prenait tout son sens. Comme l’explique Jean-Luc Beylat, président du pôle Systematic Paris-Région, “il y a quinze ans, concevoir un véhicule était une démarche fermée, au sein d’une même entreprise. La voiture de demain, c’est un produit, un service. Sa conception est presque davantage à l’extérieur, désormais. Les pôles de compétitivité, c’est cela : un mécanisme d’innovation ouverte. Aujourd’hui, il n’existe plus une entreprise qui invente quoi que ce soit seule dans son coin.” Et le secteur revêt en effet une importance relative dans ce dispositif. “Sur les 1 042 projets financés entre 2005 et 2011, l’automobile en représente 130, prolonge Eric Huber. Les pôles qui consacrent une majeure partie de leur activité à l’automobile ont toujours été importants.”

Liens renforcés

Si ce n’est un dysfonctionnement, un déséquilibre apparaît cependant, qui met d’accord tous les observateurs. Jacques Chauvet l’a fait remarquer lors du Mondial : “Les PME, dans leurs relations avec les grands groupes, ne sont pas considérées à la hauteur de ce qu’elles peuvent apporter.” En écho, Robert Plana, chef du service de la stratégie de la recherche et de l’innovation au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, ajoutait que “la relation entre les grands groupes et les PME tient souvent plus de la sous-traitance que de la co-construction, freinant le développement de l’innovation”.

Ce grief, l’ère qui s’ouvre fixée à six années doit s’attacher à le résorber. Le gouvernement souhaite en effet que la phase 3 de la politique des pôles de compétitivité permette un accompagnement renforcé des PME, grâce au soutien notamment de la Banque publique d’investissement. Ces dernières verront leurs liens consolidés avec les ETI et les grands groupes, avec une attention particulière portée aux achats, à la sous-traitance, à la mise sur le marché et à l’accompagnement à l’export.

Mise en avant dans le Plan automobile présenté en juillet dernier, l’innovation en tant que levier de la compétitivité française repose sur le dispositif des pôles. Sur cette question, l’Etat a laissé le soin à la filière de définir ses priorités, comme le rappelle Nadia Feraoun-Bouzigues, conseillère technique restructurations et filière automobile auprès du ministre du Redressement productif. “En parallèle, il y a les priorités données aux véhicules électriques et hybrides, comme au véhicule ne consommant que 2 litres aux 100 km. Peugeot a une innovation mondiale sur l’hybride Diesel, renchérit la conseillère. Il faut nous positionner dans la suite de ces développements, avec des efforts de R&D tous azimuts, sur le véhicule intelligent et l’amélioration de la sécurité.” Autant de thèmes que doit porter la filière, en gardant à l’esprit, comme Patrick Blain, président du CCFA, l’a rappelé au Mondial, déclarant que “la véritable innovation consiste à trouver ce qui va se vendre”. La phase 3 n’attend que cela.

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FOCUS - Vers une réduction du nombre de pôles ?

Face aux 71 pôles français, une fois de plus, l’Allemagne et ses (seulement !) 15 Spitzencluster, pôles d’excellence, sont érigés en exemple. “Il s’agit de rapports mal informés, rétorque-t-on au ministère du Redressement productif, puisque, Outre-Rhin, on ne dénombre pas moins de 95 réels pôles de compétitivité”. Donc, dans l’Hexagone, l’heure n’est donc pas à la réduction de leur nombre, au nom d’un supposé saupoudrage des fonds publics : “Faux, il n’y a pas de pôles qui ont plein d’argent et pas de projets”, ajoute-t-on. “La réduction est un faux débat de théoricien qui ne concerne pas le quotidien des pôles. Là où ils existent, ils créent une dynamique sans comparaison. Et il faut savoir que les Allemands sont très intéressés par le mécanisme français”, confie Jean-Luc Beylat, président du pôle Systematic Paris-Région.
 

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