Bonus, primes, bornes, subventions... l'Etat casse sa tirelire pour l'auto
Est-ce vraiment dans les vieux pots que l’on fait les meilleures soupes ? Les semaines et mois qui vont venir nous en diront un peu plus sur cette expression. En tout cas, c’est bel et bien une vieille recette que le gouvernement a choisie pour définir son plan de relance automobile autour de bonus amplifiés pour l'achat de véhicules électrifiés. Mais son ampleur est massive puisqu'au total, le président de la République vient d'annoncer un plan d'aide de plus de 8 milliards d'euros à l'ensemble de la filière automobile.
En visite à l’usine de Valeo à Etaples, près du Touquet (62), Emmanuel Macron a donné le feu vert aux mesures destinées à relancer la demande automobile pour une réaction en chaîne qui se veut vertueuse : écouler au plus vite les 500 000 véhicules d’occasion qui sont en stock actuellement dans les réseaux de distribution selon les chiffres du CNPA, le tout constituant une immobilisation de trésorerie estimée à 10 milliards d’euros, pour que les constructeurs puissent livrer à nouveaux leurs réseaux de distribution, et par ricochet, retrouver les niveaux de production d’avant la crise sanitaire.
Soutien global de la filière
Ainsi, le plan ne constitue pas une réponse uniquement pour les métiers des services de l’automobile, mais bien pour la filière au sens large : distribution et production. C’est ainsi que l’Etat envisage le soutien à la filière, et l’entretien du chef de l’Etat dans la matinée avec Jean-Dominique Senard, président de Renault, doit s’envisager comme une opération globale de communication et un teasing assuré par trois ministères : celui de l’Economie, de la Transition écologique et des Transports, depuis plusieurs jours dans les médias nationaux. "Le dispositif doit faciliter l’achat de véhicules électriques pour tous les Français et … de les aider, y compris pour les ménages les plus modestes, à changer de voitures pour passer à un véhicule propre", a déclaré Elisabeth Borne le week-end dernier.
Et pour cause, les aides dont Le Journal de l’Automobile vous dévoilait la tendance, dès le 18 mai 2020, fait passer le bonus écologique dédié aux véhicules électriques à 7 000 euros pour les particuliers (contre 6 000 euros à ce jour. Pour les entreprises, le bonus grimpe à 5 000 euros (contre 3 000 euros aujourd'hui). Les véhicules hybrides rechargeables intègrent le dispositif et se voient accorder une aide de 2 000 euros, alors qu’ils n’étaient éligibles à aucune aide jusqu’à présent. La prime à la conversion est également modifiée, moins d’un an après le coup de rabot apporté en août 2019.
Cette nouvelle prime est accessible dès le 1er juin 2020, pour les 200 000 premiers dossiers "afin d'aider à déstocker", a affirmé Emmnauel Macron, dans son discours. "Cette prime sera ouverte à tous les véhicules de dernière génération (essence, diesel, hybride, électrique) pour un véhicule neuf ou d'occasion. Elle pourra concerner les 3/4 des Français avec une aide de 3 000 euros pour un moteur thermique et même 5 000 euros pour un véhicule électrique", a souligné le président de la République. Au total, ces mesures de soutien de la demande sont estimées à 1 milliard d'euros.
Sur l'année 2019, 125 432 véhicules hybrides ont été immatriculés en France (+ 17,9 % par rapport à 2018 et une part de marché de 5,7%) et 42 764 véhicules électrique (+ 37,7 % pour une part de marché de 1,9 %). Sur les quatre premiers mois de l'année 2020, les hybrides sont montés à 10,5 % de parts de marché et 40 626 unités (+ 11,8%) et les électriques ont grimpé à 7 % du marché (27 132 unités, en hausse de 97%).
Aider les constructeurs sans fâcher les écologistes
Favoriser les véhicules électrifiés revient également à soutenir la filière industrielle, d'une part parce que les deux groupes français se sont lancés depuis deux ans déjà dans un vaste plan d'investissement sur ces motorisations pour répondre aux limites d'émissions de CO2. Bruno Le Maire, ministre de l'Economie, a même conditionné les 5 milliards d'euros de prêts garantis par l'Etat accordés à Renault, à l'investissement du groupe dans le programme "Airbus des batteries". Le projet a été lancé en 2019 par PSA et Saft, filiale de Total.
De plus, soutenir les véhicules électrifiés, c'est en partie soutenir l'usine de Flins où est produite la Zoe, dont la survie était en jeu, mais aussi celle de Valenciennes (59), qui accueille la Toyota Yaris et chez PSA, le site de Sochaux. Le groupe vient en effet d'annoncer qu'en 2022, l'usine recevrait la production de la future 3008 pour toutes ses motorisations (thermiques, électriques et hybrides).
Le second axe du plan de relance annoncé en fin d'après-midi par le président de la République concerne justement la relocalisation de certaines productions. "Nous allons mobiliser 200 millions d'euros de subventions pour soutenir les équipementiers. En parallèle, un fonds d'investissement de 600 millions d'euros va être créé pour moderniser la filière et les sous-traitants" a poursuivi Emmanuel Macron.
Le troisième axe concerne le pacte entre l'Etat, les entreprises et les salariés. "L'Etat au total apporte depuis le début de la crise sanitaire et par ce plan une aide de 8 milliards d'euros, mais les constructeurs doivent en contrepartie relocaliser la production à valeur ajoutée en France. Je me réjouis d'ailleurs de l'annonce du groupe PSA d'investir 360 millions d'euros pour consolider la production sur les sites de Poissy, Rennes, Mulhouse et Sochaux. De son côté Renault s'est engagé à multiplier par trois la production de véhicules électriques en 2021 et par quatre en 2022 pour atteindre 240 000 véhicules."
Derrière ces annonces, l'objectif de l'Etat est de propulser la France au rang de grand pays producteur de voitures propres (au moins un million d'unités sur un volume total produit en France de 2,2 à 2,3 millions de véhicules).