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Industrie

Bernard Jullien : "L'automobile termine sa parenthèse enchantée"

Publié le 15 février 2021

Par Catherine Leroy
3 min de lecture
PSA et Renault se lancent dans une nouvelle phase de leur histoire. Impossible de comparer les deux groupes bien s'ils soient soumis à des contraintes identiques, l’électrification du marché, et aux mêmes échecs, leur absence forcée de Chine. Et au même constat selon l'économiste Bernard Jullien : la fin de la période enchantée du secteur.
Bernard Jullien, économiste spécialisé dans le secteur automobile.

 

Journal de l’Automobile : Stellantis est né officiellement le 16 janvier 2021 de la fusion entre PSA et FCA, avec la promesse de dégager 5 milliards d’euros d’économies. Quelles sont les difficultés qui attendent ce nouveau groupe sur le chemin de cette création de valeur ?

Bernard Jullien : Pour réussir au forceps cette fusion présentée comme étant entre égaux, toute une série d’engagements ont été pris qui apparaissent comme des boulets aux pieds d’un point de vue financier. Deux vont poser des problèmes : la conservation des marques et le maintien des usines. Sur le premier, un certain nombre de marques sont en perdition ou tout au moins largement défaillantes : Chrysler, Dodge, puis Fiat elle‑même, qui a une empreinte européenne et mondiale très limitée et un catalogue très court. Enfin, Lancia, qui est pratiquement terminée, et l’éternel potentiel que représente Alfa Romeo, mais les nouveautés se font rares. À ce sujet, d’ailleurs, les promesses faites par Sergio Marchionne n’ont pas été tenues, parce qu’il n’a pas été jugé opportun, d’un point de vue des actionnaires, de mettre de l’argent pour qu’il y ait des produits dans le hub Alfa. Par voie de conséquence, ces problèmes de marques entraînent un surdimensionnement de l’appareil industriel de Fiat.

 

J.A. : La Chine reste un point d’échec commun à Renault et PSA. Pourquoi ?

B.J. : La nécessité d’être présent en Chine est le seul credo qui demeure encore. Carlos Tavares et Luca de Meo n’y ont pas totalement renoncé, mais ne savent pas comment s’y prendre. Mais le fait est que, depuis 2015, le paysage chinois a complètement changé. Non seulement parce que les volumes ne croissent plus, mais aussi parce que depuis cette date, la stratégie made in China 2025 est apparue. Celle‑ci donne des règles très claires avec la primauté aux constructeurs chinois, aux marques chinoises, à l’électrique, entraînant donc un écrémage des acteurs sur place.

 

La fusion de Stellantis a été saluée par la Bourse, alors que la création de valeur ne sera pas facile, mais le plan Renault a plutôt été pénalisé. Comment analysez‑vous cette réaction?

B.J. : L’automobile vient de finir une ère qui ressemble à une parenthèse enchantée entre 2015 et 2018. C’est en réalité la période du plan de Ghosn, où tout va bien: les volumes de vente en Chine augmentent, le marché américain se porte bien. En Europe, tous les constructeurs se prennent à rêver et c’est l’époque aussi où les profitabilités des constructeurs premium et généralistes explosent. C’est ce qui fait dire aux analystes financiers que la damnation de l’automobile, c’est-à-dire d’être une industrie peu profitable, est en train de s’éloigner. Or, beaucoup d’analystes sont restés focalisés sur l’exercice 2017, sur cette grille de lecture des comptes des constructeurs qui serait selon eux un standard. Après, sur la réaction de la Bourse, il faut reconnaître que PSA a des acquis sur l’exercice 2020 qui sont convaincants, que Carlos Tavares est le champion du rétablissement de la profitabilité et si la gouvernance lui donne les coudées franches pour réorganiser l’activité de FCA, on peut croire en cette capacité de rétablissement. Il annonce des synergies supplémentaires et prévoit une profitabilité où l’attend le marché financier, c’est‑à‑dire entre 6 et 8 % de marge opérationnelle plutôt qu’à 5 %.

 

Découvrez l'intégralité de l'interview de Bernard Jullien dans le Journal de l'Automobile N° 1293 daté de février et réservé aux abonnés. 

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