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Industrie

Argentina, pays d’avenir

Publié le 16 mai 2013

Par Hervé Daigueperce
20 min de lecture
Un pape argentin vaut bien une Messe, fût-elle celle de la pièce automobile à Buenos Aires, qui s’est déroulée sous la bannière Automechanika, il y a quelques mois. Grand reportage.
Autour d’Alfredo Drocchi, son directeur, l’équipe de la filiale Amérique du Sud, du groupe NTN-SNR.

Invités à découvrir un nouveau monde, un marché tout neuf pour les industries européennes, en assistant à l’une des manifestations de Messe Frankfurt, le salon d’Automechanika Argentina, nous avons voulu, d’abord, prendre le pouls de la distribution de la pièce. Qu’existait-il, alors, de plus pertinent que de circuler avec un importateur local de produits français, à savoir la filiale argentine du groupe NTN-SNR, située en plein cœur de Buenos Aires ? A peine arrivé à l’aéroport, un matin de bonne heure, la grande empathie des employés puis de la population à l’égard du visiteur l’emportait déjà sur l’impression de chaleur quand, en voiture, le parc automobile, facétieux, s’offrait à nous : des Dacia badgées Renault côtoyaient des Chevrolet Corsa, Vectra, Agile ou des Fiat Sena, Palio, Linea ou encore des Volkswagen Gol ou Voyage (la Gol étant fabriquée au Brésil).

En fait, beaucoup de véhicules européens, tricorps et assemblés en Amérique Latine qui constituent un parc bien connu pour les fabricants de pièces en Europe, essentiellement, et bien sûr du Japon. Cependant, les châssis peuvent varier et constituent un jeu quelquefois épuisant pour les concepteurs de catalogues locaux. La campagne s’éloigne pour laisser place à une ville d’une grande beauté, percée de larges avenues, longeant des arbres millénaires, des jardins et des parcs laissant libre cours à une luminosité extraordinaire. Les bâtiments ressemblent fortement aux immeubles d’inspiration Haussmannienne du 19e siècle et leur architecture aérée souligne le désir d’un peuple de ne pas trahir ses origines. Pour les Français que nous sommes, la reconnaissance est extrême, tandis que la voiture s’arrête au Centro, non loin de la Plaza de Mayo, où s’érige l’obélisque de Mayo. Place qui faillit s’orner d’un monument à la gloire de la “Madone des sans-chemises”, Evita Perón, et dont l’espace résonne encore des pas des “Folles de Mai”, ces mères des disparus, qui, quand la junte était au pouvoir, tournaient en rond des heures durant, pour réclamer leurs enfants.

16 pays sinon rien

Nous voici arrivés au siège de la filiale dont la porte s’ouvre sur un géant, un bol de maté à la main – un thé très fort qu’il sirote du matin au soir -, large sourire aux lèvres et broyages de doigts de bienvenue. Son nom, Omar Perea, sa fonction, directeur commercial Argentine pour NTN-SNR rechange et sa première mission, nous emmener auprès du directeur de la filiale, Ing. Alfredo Drocchi, et de son équipe pour une présentation du marché. C’est là que tout commence à chavirer. D’abord, parce que pour l’importateur, c’est le continent tout entier, qui est son terrain de jeu, soit 16 pays, très disparates et dont l’étendue fait frissonner. La seule Argentine (2e pays d’Amérique du Sud par la taille) fait 5 fois la France quand le Brésil, limitrophe, peut contenir à lui seul 18 pays européens ! Politiquement, les nations offrent également de puissantes différences : “Les Européens, commente Alfredo Drocci, ont des notions d’un continent assez homogène alors qu’il y a beaucoup de différences. Le Mercosur est plus étendu que l’Union européenne. Si l’on considère les pays qui le composent par exemple, ils ont conclu des accords entre eux, mais les refusent aux pays comme la Colombie, qui a signé des FTC (Free Trade Agreement pour accord de libre-échange) avec les Etats-Unis”, cette dernière décision jugée déraisonnable par Omar qui rappelle ce qui est arrivé aux grands producteurs de riz, “écrasés par les Américains dont les achats se faisaient au Vietnam, une denrée qu’ils revendaient à vil prix, cassant le marché”.

Des politiques différentes, des cultures et des monnaies différentes, et aussi bien sûr des parcs automobiles différents et des capacités d’acquisition très éloignées. Et Alfredo Drocci de préciser : “quand, en Europe, une décision est prise sur la circulation des pièces, cela fait grand bruit (par exemple le BER, N.D.L.R.), chez nous, une décision importante peut arriver ici en Argentine, une autre au Brésil une autre au Chili, on l’apprend parfois par un coup de téléphone, il faut agir vite. Pour illustrer, les changements qui ont lieu ici, en Amérique du Sud, je citerais seulement ce qui s’est passé en quelques années au Brésil : entre 40 et 50 millions de personnes sont passées de la pauvreté à la classe moyenne, 50 millions de gens qui changent de statut par le haut, cela change la donne ! Ce sont ceux qui sauront s’adapter le mieux qui s’en sortiront, pas les plus forts ni les plus intelligents, disait Darwin…” Omar conclut avec sévérité : “Ce sont des pays constitués d’énormes masses d’habitants, dotées d’une immense soif d’améliorer leur situation, leur condition. Des pays qui ont, en outre, d’immenses potentiels (matières premières, entre autres), à l’inverse de beaucoup de pays africains, par exemple. Il faut regarder l’Amérique du Sud comme l’Europe d’avant la seconde guerre mondiale, une Europe peuplée de gens qui voulaient une maison, une voiture, une machine à laver, c’est un peu la même chose mais cela va terriblement plus vite maintenant”. On apprendra plus tard, sur le Salon, cependant, que certains réclament une dévaluation d’urgence pour donner une grande bouffée d’air à la population. Un groupe politique “La Campora” serait sans doute à même de mener cette “révolution”, c’est ce qu’espèrent bon nombre de chefs d’entreprise argentins.

Visite au cœur de l’insolite

Au programme du deuxième jour, après une longue description du marché, sont prévues deux visites auprès de distributeurs-importateurs, l’un situé en plein cœur d’une jungle dédiée à la pièce automobile, l’autre au sein d’un monstre de l’approvisionnement. Deux visions totalement différentes, mais reposant sur la vertu commune de l’entrepreneuriat, celle qui s’ancre le plus profondément dans les gènes. Direction quartier Warnes, une descente en apnée dans une faune indescriptible, tournée vers un seul Dieu, auquel on apporte toutes les heures des offrandes sacrées, la pièce automobile. Un quartier complet qui déverse sur ses parvis des millions de références pour des véhicules, dont vous ne vous rappelez même pas l’existence, et d’autres qui sont greffées immédiatement sur votre véhicule. On se sent pris au piège d’un jeu auquel on ne peut pas jouer, faute d’en connaître les règles ou comme devant un aquarium où vous devez choisir le poisson que vous voulez manger, face à un maître d’hôtel oscillant entre rire et pitié.

Superbe expérience qui révèle aux yeux de l’Européen convaincu, l’incroyable capacité des professionnels à s’adapter aux nouvelles exigences d’un marché turbulent. Autrefois repère de la contrefaçon, le quartier s’est transformé, au gré des normes gouvernementales en “halles” gigantesques et très sectorisées voire réglementées, même si les niveaux d’exigence apparaissent encore très étagés. Nous arrivons dans la famille d’Eduardo et de Marcelo Kvitko qui nous reçoivent dans l’appartement sis à l’étage du magasin, qui a porté, longtemps, ce nom improbable “La Mort Internationale”, appellation trouvée par le grand-père pour désigner ce qui était, à l’époque, une casse automobile, où l’on trouvait de tout, et de tous pays, la mort de la voiture. Simple comme un Michael Jackson !

Un des 40 importateurs

Depuis 1928, date de l’arrivée du grand-père à Warnes, la famille Kvitko s’est professionnalisée et spécialisée dans le roulement automobile et industriel. En ciblant Toyota, ils ont commencé par NTK puis, naturellement ont poursuivi avec NTN et SNR. Face à eux, les principaux concurrents sont des entreprises familiales, qui sont, aussi, spécialisées, dans le roulement, elles sont donc, également, leurs principaux clients, un problème ? “Nous sommes une quarantaine d’importateurs, dont 6 ou 7 capables d’importer plus d’un million d’euros de marchandises et nous diffusons nos produits auprès de tous les petits distributeurs du pays. Il faut considérer, par ailleurs, que 40 % de la population en Argentine loge dans les 30 kilomètres autour de Buenos Aires. Notre rôle consiste à les livrer en ayant le plus de références possibles disponibles (eux en comptent 10 000, en stock, N.D.L.R.).

Cela signifie que nous devons nous livrer entre importateurs. Cela fait partie du service et il est nécessaire de s’autoalimenter quand les douanes coupent les importations”, explique Eduardo A. Kvitko, interrompu par la séance de bienvenue du grand-père, une visite de courtoisie “old fashion”, qui insiste sur la notion de service, valeur phare de l’entreprise. Celle qui multiplie les petits services que ne rendent pas forcément les grands groupes, comme trouver la pièce pour la bonne application et en quelques exemplaires. Et la discussion tourne vite vers les décisions gouvernementales dont les conséquences tendent à mettre à mal leur métier. Fermant, en effet, les frontières aux importations pour protéger l’industrie locale, le gouvernement a, certes, donné un rude coup à la contrefaçon (en bloquant les accès !) mais a nui aux approvisionnements (voir en fin de reportage). Les frères Kvitko, qui avaient du stock quand l’interdiction a frappé, ont pu absorber ce coup dur, grâce à la vente de leurs pièces. Et lorsque le gouvernement a rouvert les portes pendant 4 mois, ils ont engrangé tout ce qu’ils ont pu ! Avec un taux d’inflation de 25 %, cet investissement s’est vite avéré prospère. Malgré tout, ce jeu de yoyo ne donne aucune espèce de visibilité, il faut donc aller très vite, avoir du cash et attendre que cela se règle, comme le précise Eduardo Kvitko : “Ce n’est pas structurel, mais conjoncturel. Nous attendons que tout se régule et que les douanes nous laissent travailler proprement”, ajoute-t-il.

En outre, avec l’implantation des usines d’automobiles, l’importation s’impose ! D’autant que “les Argentins veulent le pays d’origine” assène Marcelo à Bruno Gauthier, directeur commercial pour NTN-SNR Aftermarket, étonné de voir les piles de boîtes exposées dans la vitrine. “Longtemps l’Argentine a été le pays de la qualité, de l’élégance (à la différence du Pérou, ou du Chili, par exemple). Les gens, ici, viennent chercher le pays d’origine, qui est la garantie de la qualité : voir SNR Roulements, France, c’est plus important que tout, parce que la France bénéficie d’une forte renommée, d’une image de qualité”. D’ailleurs, pour eux, pas question de changer, en revanche, s’agrandir pour proposer encore plus de références et avoir plus d’une dizaine de personnes pour travailler sur les équivalences et les envois, ça, oui, c’est à l’étude, si seulement le gouvernement pouvait légiférer une bonne fois pour toutes !

Prendre des risques !

“On parle plus de politique que de voitures ici”, commence Eduardo Jmeinitzky, le patron de Rodamet, l’une des plus grosses affaires de distribution de pièces en Argentine – il est toujours difficile de définir la taille d’une entreprise, tant les secteurs d’activité se croisent. Politique, parce que la montée en puissance du pays fait venir de nouveaux acteurs, pas toujours au fait des coups de barre permanents à droite et à gauche de l’économie nationale : “Nous savons, en tant qu’entreprise familiale rompue à la culture de l’Argentine, comment nous adapter rapidement à la situation et faire en sorte que nos partenaires soient toujours bien informés et puissent réagir. Cela nous est d’autant plus important qu’il est nécessaire d’avoir une trésorerie forte pour importer, ou d’avoir les reins solides pour emprunter. En effet, quand on emprunte à 5 ou 6 % et que l’inflation tourne autour de 25 à 30 voire 35 %, on est toujours gagnant.

D’ailleurs, les crédits hypothécaires n’existent pas, ce sont sur nos fonds propres que nous nous engageons : c’est plus rentable, certes, mais il faut prendre des risques.” Le tout étant de le savoir… C’est ainsi qu’Eduardo Jmeinitzky a développé bon nombre d’autres affaires qui lui permettent d’exporter et donc d’avoir une capacité d’import importante, pour alimenter tous les distributeurs, petits et gros, qu’une trentaine de commerciaux visitent en permanence (sur la centaine de collaborateurs travaillant chez Rodamet, N.D.L.R.). “Notre rôle prend de multiples formes puisque la rechange indépendante est, aujourd’hui, la seule qui existe. Les constructeurs sont axés sur la vente de véhicules et ne se préoccupent pas, pour l’instant, de l’après-vente. Quand ils le voudront, nous aurons dix ans devant nous pour réagir ! Mais, pour l’heure, nous avons à informer et à former les garagistes, nous-mêmes. C’est pour cela que nos relations avec de grands équipementiers partenaires, comme NTN-SNR ou NGK en bougies, par exemple, sont précieuses. Sans leur aide, nous ne pouvons pas soutenir les garagistes qui se trouvent confrontés aux innovations technologiques et surtout à l’électronique dans les voitures”.

Aujourd’hui, il dispose de 40 000 références en stock, et rappelle que la voiture doit durer 20 ans, donc son propriétaire doit trouver les pièces et de préférence pas trop chères car, pour lui, les habitants se paupérisent du fait de l’inflation. “Pour certains, il faut choisir entre manger ou réparer sa voiture”, commente-t-il. Maintenant, la nouvelle classe moyenne est aussi à considérer… Fils d’un marchand de jouets qui s’est mis aux roulements, pour donner un coup de mains à un voisin, à 450 km de Kiev, Eduardo Jmeinitzky a suivi son père en Europe, a vu sa constitution de stocks et son implantation en Argentine. Au premier revers politique, il a tout vendu et a tout reconstruit avec les outils les plus modernes de la distribution, la GPA (gestion partagée des approvisionnements), il y a 20 ans, il la faisait déjà : “La marchandise la plus chère, c’est celle que tu ne vends pas”, aime-t-il à préciser, en organisant toujours davantage la définition des stocks. Et la concurrence internationale, la craint-il ? Pas réellement, et, surtout, pas tout de suite : “l’Argentine reste différente du Brésil et les processus de commercialisation sont différents des autres pays du Mercosur, de l’Europe ou des USA. Nous obéissons à un schéma culturel volontiers systématique, qui repose sur des processus économiques que l’on subit, comme l’inflation. Ces processus ne vont pas changer dans 10 ans et il n’y a aura pas de mise à jour immédiate avec la culture internationale, mise à jour qui se traduirait par une mutation des constructeurs, devenant leaders du marché. Nous avons encore de la marge !”

La porte de l’Amérique du Sud

A peine avons-nous digéré toutes ces informations, que le salon Automechanika Argentina ouvre ses portes. C’est sa septième édition et il se présente comme “La Porte de l’Amérique du Sud” tant les visiteurs internationaux, se réclament de tout le continent quand les exposants, eux, viennent du bout du monde à la recherche des argentins et de leurs voisins ! Sur le parc des expositions, la même insouciance, mâtinée du sérieux des affaires, rencontrée chez les distributeurs, sied bien à l’implantation du salon Automechanika Argentina. Tous les codes de Messe Frankfurt et la charte visuelle d’Automechanika sont au rendez-vous et enserrent des stands qui n’ont rien à envier au concept original – mis à part la fête de la bière, agréablement remplacée par un dîner exposants dédié à la viande du pays, cuite sur d’immenses feux de bois, et aux démonstrations de tango.

4 250 exposants multiplient les propositions à commencer par le premier mondial, à savoir Bosch, qui s’est déjà octroyé une part du parvis, pour installer l’espace dédié aux Bosch Car Service. Non par hasard. L’enseigne de réparation est la plus importante du pays, voire la seule, puisqu’on ne compte que quelques Kiosques “Renault Minute” quand Motorcraft, fort à une époque, a beaucoup baissé. Norauto n’affiche que trois magasins et la grande distribution ne traite pas vraiment le produit auto. La distribution indépendante en Argentine se veut verticale, comme on l’a vu : les grands distributeurs – importateurs revendent aux petits et aux gros revendeurs à travers le pays qui livrent les garagistes et les réparateurs. Ce sont ces distributeurs qui, les premiers, reçoivent toutes les attentions des exposants, quand ils ne le sont pas eux-mêmes.

Exposer sur le continent sud-américain !

Pour la plupart des exposants, la cause est entendue : avoir un stand sur Automechanika Buenos Aires, c’est s’adresser à tous les pays d’Amérique du Sud et même au Brésil qui a pourtant, aussi, un salon. Ainsi, Cristian M. Valenzisi, vice-président de Maximiliano Diesel S.A. à Santa Fe, (Argentine), exposant pour la seconde fois à Buenos Aires (il expose aussi à Frankfort) confirme qu’Automechanika Buenos Aires est important pour l’Amérique du Sud et surtout pour le Mercosur. “Nous recevons tous nos clients, ici, venus de tous les pays que nous desservons. Il nous est impossible de voir tous nos interlocuteurs chez eux alors que nous avons beaucoup de messages à faire passer, d’informations techniques, de formations. C’est pourquoi, nous avons deux ingénieurs qui répondent à toutes les questions.” Pour Maximiliano Diesel, qui détient un Delphi Center (exclusif Delphi) et est le deuxième distributeur VDO, la part de l’échange technique s’avère essentielle : “nous avons notre propre entrepôt, avec 14 000 pièces en références, une hot line commerciale et 10 commerciaux mais rien ne vaut les démonstrations techniques en face à face, et avec un pays aussi grand que l’Argentine, c’est une aubaine d’avoir un salon comme celui-là”. Non loin, Cr. Pino Scozzfava, le président d’Autronic S.A., représentant exclusif de Bougicord-Electricfil Automotive en rechange n’arrête pas : “La marque est reconnue partout en Amérique du Sud et nous l’exportons dans tous ces pays.

Automechanika est une belle opportunité pour présenter les nouveautés de la gamme, de donner des conseils techniques et de signer de nouveaux contrats. C’est préférable de voir nos clients en face et nous avons un grand avantage, celui de ne vendre que ce que nous fabriquons.” D’ailleurs, le compte-rendu d’après salon des organisateurs va dans le même sens, puisqu’on compte 32 000 visiteurs venus de 39 pays dont, essentiellement, la Bolivie, le Brésil, le Chili, le Paraguay, l’Uruguay, le Venezuela, etc. Plus intéressant encore, on note la présence de visiteurs d’Amérique du nord, d’Afrique, d’Asie et d’Europe. Le programme de rencontres établi par Fernando Gorboran, président de Messe Frankfurt Argentina, a drainé un grand nombre d’acheteurs d’Amérique du Sud et d’Afrique.

Le parangon imposé des marques Premium et françaises

Comme nombre de pays en croissance, l’Argentine est considérée comme un pays à bas coûts qui exclut les produits Premium ou de qualité réputée chère. Ce que l’on oublie c’est que la situation de ces pays évolue plus vite que nos analyses. En attestent ces quelques mots de Luigi Casati, patron des ventes de LPR Brakes (Italie) : “Nous sommes dans le haut de gamme et notre marque est très connue, en Argentine comme dans les autres pays d’Amérique du Sud que nous livrons et dont nous rencontrons, ici, les acheteurs. Nous avons fait un gros travail sur le positionnement de nos marques et nos distributeurs poussent plus facilement les marques spécifiques comme les nôtres. Le niveau de vie ne cesse d’augmenter et la classe moyenne s’élargit. Les argentins aspirent à de nouveaux produits plus valorisants, dont la voiture plus haut de gamme, à laquelle ils ont, désormais, accès. En pièces, il leur faut de la qualité d’origine. Nous sommes clairement sur cette tendance et avons sélectionné 7 ou 8 gros distributeurs, qui nous représentent et défendent nos intérêts et facilitent, avec notre agent, les formalités d’importation.” Même analyse du côté des exposants allemands (nombreux, comme il se doit, sur les salons Automechanika dont ils sont le fer de lance) et chez NTN-SNR, le français du Tour ! Pourtant, en Amérique du Sud, le parc circulant (40 % a – de 8 ans) s’avère très européen, et les voitures françaises sont en tête en Argentine et en Colombie.

Bien qu’il y ait une douzaine d’équipementiers français représentés par leurs distributeurs, seul le fabricant de roulements d’Annecy – notre choix était le bon ! - avait mis les petits plats dans les grands, en ayant un grand stand, la présence de toute l’équipe de la filiale Amérique du Sud, et même les représentants de leur usine de Curitiba, au Brésil, sans compter le directeur des ventes rechange monde, Bruno Gauthier et le big boss de la rechange pour le monde, Eric Malavasi. Preuve s’il en était besoin, de l’importance que revêt ce salon pour le développement des deux marques. D’ailleurs, ce soir de premier jour de salon, une trentaine de distributeurs – importateurs parmi les plus représentatifs d’Argentine étaient invités à une réception de NTN-SNR (qui réunissait Eduardo Jmeinitzky bien sûr, et les frères Kvitko de GerschKvitkoS.A.C.I. mais aussi leurs concurrents et clients !). La relation clients, c’est mieux quand on s’en occupe…

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Petit manuel de l’importation

En Argentine, connaître les règlements d’importation, c’est commencer à travailler. Les maîtriser, c’est faire vivre la boutique, et les appliquer vite, c’est assurer la pérennité de l’entreprise. Dans une économie, qui affiche un taux d’inflation de 25 %, agir rapidement est crucial, ce qui fait dire aux habitants, qu’acheter un véhicule neuf est plutôt une bonne affaire puisque la décote est comblée par l’inflation ! Maintenant, gardons-nous bien de nous moquer, l’Argentine va vite, dans beaucoup de domaines, et entend faire sa place parmi les grands. C’est pourquoi, la Présidente entend bien réduire la dette extérieure et maîtriser la balance commerciale. Une seule solution, réguler les importations en imposant des règles drastiques qui permettent, en outre, de protéger l’essor de l’industrie nationale. Pour importer, une entreprise en Argentine, doit établir une déclaration sur l’honneur anticipée d’importation (“jure”) qu’elle soumet au Secrétariat du Commerce qui valide et prend entre 0 et 10 jours, pour apporter une réponse. Aucune justification ne sera apportée à l’acceptation ou au refus. En cas d’acceptation, il faut, alors, enregistrer les produits pour obtenir “la licence non-automatique”, toujours auprès du secrétariat du commerce, avec descriptif, liste de prix, etc. Il faut alors au gouvernement 60 jours, pour donner son accord et délivrer la fameuse licence. L’objectif étant de développer le commerce extérieur sur le monde, la part réservée à l’importation est bien sûr limitée. Il faut, ainsi, justifier d’un montant d’export précis pour pouvoir importer l’équivalent.

En clair, comme pour la nation, l’entreprise doit avoir une balance import-export positive. Comment fait-on pour importer si l’on n’a rien à exporter ? Il est possible de développer une autre activité, en parallèle et dédiée à l’export, ou “s’arranger” en achetant des parts d’export. En clair, il s’agit de signer un contrat avec un gros exportateur de produits alimentaires par exemple, et utiliser une partie de ses droits d’import (la fameuse balance) contre une rémunération qui va de 10 à 14 %. L’exportateur est content (!) et l’importateur n’est pas bloqué. Le gouvernement ne cautionne pas, bien évidemment, cet “arrangement”. Le problème ne se pose pas entre les pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay et Venezuela) pour lesquels il existe une exonération d’impôts d’importation et avec la Bolivie et le Chili qui partagent 85 % des accords dits du Mercosur. En revanche, la situation s’avère plus compliquée avec la Colombie et le Pérou qui ont signé des accords avec les Américains et avec tous les autres… Pour clore ce chapitre, rappelons deux choses : D’une part, la fédération des équipementiers, l’AFAC, est là pour aider les nouveaux entrants à respecter la loi et à travailler. D’autre part, le gouvernement ouvre des fenêtres en fonction de la balance commerciale, fenêtres qu’il faut saisir pour importer quelques conteneurs. Les plus rapides gagnent ou les mieux informés. En résumé, il vaut mieux installer son siège social à Buenos Aires.
 

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