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Distribution

Yves Delieuvin, président du groupe Delieuvin

Publié le 24 juin 2010

Par Gredy Raffin
10 min de lecture
" La différence entre les concessions ne se fait plus sur le produit mais sur la qualité de service"Pour Yves Delieuvin, le service doit être la priorité dans une concession. C'est...
...le gage d'un maintien de l'activité et par conséquent de la rentabilité. Il explique comment sa politique, qui vise à ne pas être seulement dépendant du produit, lui a permis d'accéder aux hautes sphères de la distribution nationale.

Journal de l'Automobile. Pouvez-vous nous présenter les spécificités de votre plaque de distribution ?
Yves Delieuvin. Le groupe Delieuvin évolue dans une des plus belles régions de France, où il y a beaucoup d'opportunités si on sait les saisir. Un potentiel qui trouve son origine dans le poids du tourisme. Il faut pouvoir répondre aux attentes de la clientèle et des vacanciers. Pour cela, en plus de l'automobile, nous avons mis en place une politique de service, qui depuis maintenant de nombreuses années est très performante. Nous avons notamment une activité de dépannage, de remorquage et d'assistance alimentés par les agréments que nous avons obtenus pour opérer sur autoroute ainsi que les agréments de la quasi-totalité des sociétés d'assistance. Nous avons dans ce service une quinzaine de collaborateurs qui interviennent de Saint-Maximin jusqu'aux portes de Cannes. Ainsi transitent par nos affaires, tous les automobilistes qui ont besoin d'une assistance, quelle que soit la marque de leur voiture.

JA. Comment parvenez-vous à impliquer vos collaborateurs dans ce projet d'entreprise ?
Y.D. Nous le faisons avec plaisir car je pense qu'outre la vente automobile notre métier tourne autour du service au client. De plus, nous nous sommes aperçus que cette politique permettait de fédérer les équipes autour d'un projet commun. Dans le Sud, il est assez facile d'instaurer ce type de politique car cela fait partie de notre culture. En effet, les collaborateurs savent que l'été est une saison importante et chacun accepte de travailler énormément à cette période car c'est de cette saison que dépend notre année. Nous avons donc assez peu de difficulté à convaincre nos salariés d'éviter de prendre leurs vacances durant l'été pour rester au service du client. Nous avons à ce titre aménagé les horaires et les semaines de travail peuvent être plus longues en été et raccourcies l'hiver.

JA. Et comment cela se traduit-il sur le turn-over des équipes ?
Y.D. Il n'est pas inexistant mais il est très faible. Pour que chacun se sente bien, nous avons établi une pyramide très étroite avec un directeur par marque et un encadrement général pour les trois marques. Il y a une direction marketing, une direction financière et moi-même. Ensuite, il y a des chefs de vente et des chefs d'atelier.

JA. Est-ce une application des exigences du constructeur ou reste-t-il une place pour les prises d'initiatives ?
Y.D. Nous sommes très sensibilisés par le service chez Renault, car nous sommes généralistes et que cela permet de se démarquer. Carlos Ghosn exige que nous soyons parmi les meilleurs en termes de services et je crois qu'il a complètement raison, c'est le seul moyen de faire la différence. Alors on s'attache à ne pas trop gamberger "en réinventant l'eau chaude" mais plutôt à exceller dans ce que le constructeur a mis en place au niveau du service.

JA. Quel est alors votre rôle ?
Y.D. Je suis le garant de la cohésion sociale et m'assure que la politique soit respectée. Je visite chaque concession en commençant toujours par les ateliers car c'est le poste le plus ingrat, celui où les exigences sont les plus fortes, notamment celles préconisées par le constructeur dans le cadre du service à la clientèle. Il me semble important que chacun de nos collaborateurs se sache connu et se sente reconnu par son patron.

JA. Le service prend-il alors le pas sur le produit ?
Y.D. Je pense que oui car tout le monde ne s'approprie pas forcément le produit automobile. Vous avez des gens qui aiment l'automobile, d'autres qui ne l'aiment pas ou certains qui ne pourront jamais accéder à l'automobile de leurs rêves, mais les services ont ceci d'exceptionnel que tout le monde en a besoin.

JA. Quelle est donc votre politique produits ?
Y.D. Notre politique produits est néanmoins très forte, liée aux marques de l'Alliance. J'entends par là que nous ne souhaitons pas travailler sous d'autres étendards que ceux du groupe Renault Nissan. Nous sommes très attachés à la marque, peut-être aussi parce que je suis un ancien cadre de Renault et que je comprends la philosophie de ce constructeur. Mais encore une fois, le service est important et nous travaillons de concert avec Renault qui nous aide beaucoup. Nous sommes en perpétuelle démarche d'amélioration de la qualité. A titre d'exemple, nous avons été la deuxième concession à avoir une unité décentralisée, Renault Minute, et l'une des deux premières à avoir déployé Renault Assistance.

JA. Cette politique est-elle rentable ?
Y.D. Elle est très rentable, même si c'est néanmoins de plus en plus difficile. La différence entre les concessions ne se fait plus sur le produit, puisque les politiques commerciales sont approximativement les mêmes, mais sur la qualité de service. Elle fait toute la différence et la profitabilité qui s'en dégage permet de réaliser des investissements nécessaires à sa mise en place.

JA. Comment explique-t-on le succès de la méthode Delieuvin ?
Y.D. Nous y parvenons car cela fait des années que nous répétons les mêmes choses, tout comme chez nos confrères de Nissan à Aix-en-Provence, le groupe Couriant. Prenons en exemple la succursale Nissan de Nice que nous avons repris et qui, de toute évidence, ne s'était structurée qu'autour du commerce, à l'inverse de ce que nous faisons. Gérer une marque dans de grandes villes n'est pas très facile et malgré le fait que les succursales reçoivent l'appui de leur constructeur pour réaliser des investissements, ce sont les indépendants qui parviennent à être rentables. Mon intime conviction me pousse à croire que c'est le service qui permet d'atteindre ce niveau de performance. Notre politique d'entreprise donne les pleins pouvoirs à une seule personne, le directeur de marque, alors que dans une affaire gérée par le constructeur, la moindre décision doit remonter très haut et met donc beaucoup de temps à aboutir. Parfois, les gens ont seulement besoin d'un outil à 600 ou 700 euros pour travailler et chez les constructeurs cela peut prendre des mois à être obtenu par les compagnons. Or, il ne faut pas d'énormes investissements pour que les gens se sentent bien dans une entreprise. Là aussi c'est un gage de reconnaissance.

JA. Quel est votre impact commercial sur la région ?
Y.D. Nous affichons des profils totalement différents avec ces deux marques. Nous sommes dans une région qui historiquement est habitée par des gens qui ont les moyens de se faire plaisir lors de l'achat d'une automobile. Nissan est donc une des marques privilégiées dans un ensemble de marques "exotiques" qui sont au cœur du marché. Inversement, les marques françaises ont plus de mal à s'implanter. Notre objectif est donc de faire en sorte que Renault représente autant que Peugeot et Citroën réunis.

JA. Y parvenez-vous ?
Y.D. Chez Renault, c'est au niveau de la pénétration par rapport à la moyenne nationale que nous sommes en retrait : En pénétration relative, face aux trois constructeurs français, nous sommes au-dessus de la moyenne, mais en pénétration absolue, il reste du travail. Avec Nissan, nous sommes parmi les meilleurs de France car nous sommes à un peu plus de 3 %, sur la région et nous affichons la meilleure pénétration Nissan "grande ville de France" sur le site de Nice.

JA. Vous avez récemment décidé d'investir dans le label Pro+, quelle en est votre première analyse ?
Y.D. C'est un démarrage très lent car la vente de véhicules utilitaires est elle-même très lente, en ce moment. Il est encore trop tôt pour juger de la réussite du projet. Y a-t-il déjà un impact sur le chiffre d'affaires ? La réponse est non et la durée qui sera nécessaire à l'amortissement est encore inconnue. Il nous reste à communiquer sur le sujet et nous aimerios que Renault nous appuie par une campagne nationale plus "musclée".

JA. Qu'est-ce qui vous a poussé alors à suivre ce programme ?
Y.D. Notre décision s'inscrit dans notre volonté d'offrir toujours plus de services à nos clients. Il nous faut être au top dans chaque domaine. Le client professionnel réclamait un traitement spécifique. Nous avons décidé de tenter l'expérience, à l'instar de Renault Minute, à l'époque. De plus, nous avions déjà une infrastructure qui s'y prêtait puisque le bâtiment intégrait un centre de contrôle technique Veritas. Nous avions donc la hauteur sous plafond, ce qui a minimisé les dépenses à l'origine. Il a fallu acheter un pont capable de supporter le Nouveau Master, à 27 000 euros, aménager des bureaux dédiés, afficher la signalétique et se mettre aux dernières normes, soit un investissement total de 66 000 euros.

JA. Comment gère-t-on les stocks que cela induit ?
Y.D. C'est vrai qu'il nous faut avoir des véhicules de présentation et de prêt, mais nous avons un parc Renault Rent assez conséquent résultant d'une saison estivale forte. Nous n'avions pas forcément des véhicules utilitaires de très gros volume, nous nous sommes donc équipés en fonction afin d'apporter des réponses aux artisans.

JA. Qu'advient-il de cette flotte une fois usagée ?
Y.D. Nous avons décidé de l'intégrer directement à la cellule Renault Rent. Ce sont donc des véhicules qui vont être loués par des artisans ou des particuliers. Cela va permettre de les amortir pendant une durée de 24 à 36 mois, avant de partir sur le parc occasion et ainsi correspondre finalement à une demande de notre clientèle en véhicule utilitaire récent peu kilométré, ce qui n'existe pas réellement sur ce marché.

JA. Comment vous positionnez-vous en véhicules d'occasion ?
Y.D. C'est un axe de progression certain. Nous pourrions mieux faire et sommes donc en train de mettre en place une organisation différente pour progresser. Cette démarche sera effective à partir du mois de septembre et passera notamment par la nomination d'un cadre. Comme tout le monde, nous avons baissé en véhicules d'occasion, mais comme nous n'étions pas très forts jusqu'ici, l'impact négatif de ce recul a été minimisé. Ce n'est pas tant la rentabilité qui pose problème, mais les volumes qui nous permettront de générer par la suite du trafic dans nos ateliers.

JA. Quelle est votre cible sur ce marché ?
Y.D. Nous ne vendons à particuliers que des véhicules récents, sous label occasion constructeur. Les produits plus risqués partent automatiquement à professionnels. Chez Nissan, la part des marchands est plus élevée car nous avons des produits plus kilométrés. La baisse des ventes à loueurs ces deux dernières années a appauvri notre offre de véhicules récents. Mais je crois savoir que, dans les projets du constructeur, la réouverture de ce canal est prévue à terme.

JA. Quid du véhicule électrique ?
Y.D. Nous sommes très intéressés par le véhicule électrique, mais nous ne regarderons que ce qui se fait chez notre constructeur, conformément à notre politique de fidélité.

JA. Anticipez-vous les investissements ?
Y.D. Nous serons très certainement parmi les premiers à suivre, dès lors qu'on nous proposera quelque chose de concret. Aujourd'hui, le constructeur a suffisamment de dossiers à régler pour se consacrer immédiatement à celui de l'électrique dans le réseau.

JA. Cela veut-il dire qu'à quelques mois de la commercialisation d'une Renault électrique vous n'avez aucun élément…
Y.D. À ce jour nous n'avons pas été sollicités, pourtant il est clair que cela demande du temps et des investissements pour former les collaborateurs, constituer les parcs de véhicules d'essais ou encore installer des stations de recharge sur nos points de vente.

JA. Vous évoquez la formation…
Y.D. Effectivement, nous nous devons de mettre les meilleurs techniciens à chaque poste et pour ce faire nous consacrons un budget de 170 000 euros par an à la formation des compagnons et des commerciaux. Cette politique est primordiale chez Renault. Elle est moins sensible en volume financier chez Nissan, étant donné que l'effectif des collaborateurs est moindre, mais par contre, il convient de consacrer un budget plus conséquent aux stocks. Il ne faut pas avoir peur de stocker des véhicules pour rencontrer le succès avec Nissan car les délais d'approvisionnements sont souvent plus longs que chez Renault.

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