Pourquoi le CNPA attaque Chevrolet
Le CNPA a mis sa menace à exécution. En janvier, la branche concessionnaire de l'organisation professionnelle avait envoyé un courrier avec accusé de réception au président de Chevrolet France, Ludovic Dirand, pour demander à la marque de revoir toutes les bases d'indemnisations proposées à ce jour aux distributeurs français. Or, les indemnités, jugées "ridicules" par les distributeurs n'ont pas évolué, tout juste Chevrolet a-t-il décidé de prolonger d'un mois les conditions de la proposition du protocole, qui prenait fin au 31 mars.
Le CNPA, qui estime que les indemnités vont au minimum de 1 à 10 par rapport aux sommes exigées, a donc décidé d'agir en présentant, le 31 mars, une requête d'assignation de Chevrolet France devant le TGI de Pontoise à jour fixe. Cette procédure accélérée devrait permettre d'obtenir un jugement dans les trois ou quatre prochaines semaines. "Les concessionnaires de la marque nous ont demandé d'agir car ils ne percevaient aucune perspective positive. Ils espèrent que cette action incitera la marque à prendre conscience de ces manquements et à proposer des conditions de sortie acceptables. Mais nous ne pouvions pas mener une procédure de groupe faute d'homogénéité dans les situations de chaque représentant", révèle Olivier Lamirault, président de la branche concessionnaire VP.
Les motifs de l'attaque
Le dossier, déposé et soutenu par Me Arnaud Bertin, a établi trois principales fautes contractuelles et délictuelles. Tout d'abord, le CNPA dénonce la brutalité de la rupture de la relation commerciale. "L’annonce du 5 décembre 2013 a été diffusée dans les médias sans aucune information préalable aux professionnels ni aucun délai de prévenance pour leur laisser le temps de préparer cet événement vis-à-vis de leur clientèle. A peine six mois auparavant, Chevrolet France signait avec son réseau de concessionnaires français le nouveau contrat de distribution", défend l'organisation professionnelle. Ces derniers ont donc tout naturellement poursuivi leurs investissements, ceux-ci imposés par la marque.
La déloyauté de Chevrolet est également mise en cause. "Nous avons la preuve indiscutable que Chevrolet France a sciemment dissimulé à son réseau, pendant une période d'environ douze mois, la décision de General Motors", affirme Me Bertin. Selon le CNPA, plusieurs indices concordants démontrent que la marque s'était préparée depuis des mois à l’échéance de la résiliation. Ainsi, quelques mois auparavant, les deux filiales françaises du groupe GM avaient décidé de fusionner leur après-vente sous une seule et même entité, afin de rationaliser les coûts. Par ailleurs, Chevrolet avait demandé à ses opérateurs d'arrêter la vente aux loueurs longue durée. Enfin, quelques jours après l'annonce du 5 décembre, la marque adressait aux distributeurs un courrier exposant une nouvelle opération commerciale visant à faciliter, via un système de prime, la reprise de Chevrolet pour la vente d'un véhicule Opel.
Des groupes bien décidés à se "payer la tête de Chevrolet"
Enfin, le CNPA dénonce le non-respect du préavis de la part de la marque américaine, "qui ne remplit plus son rôle d'importateur et nombre de ses obligations contractuelles à l'égard de son réseau : suppression des stocks, des outils de gestion, de communication etc.". La branche des concessionnaires VP juge que les distributeurs ne sont plus en mesure d'exercer leur activité dans des conditions normales. Les chiffres de ce début d'année sont à ce titre assez évocateurs. La marque accuse en effet une chute de 64,5% sur le mois de mars et de 25% sur le premier trimestre. Pire, en imposant des indemnités de départ dégressives au fil du temps, la marque exerce "une pression intolérable" pour que les concessionnaires prennent l'initiative de résilier leur contrat avant échéance, "au détriment des entreprises et des emplois qu’elles induisent", et ainsi se prémunir de toute contre-attaque. A ce jour, seule une infime minorité de distributeurs ont signé le protocole. Mais la plupart des groupes semblent bien décidés à emboîter le pas du CNPA. "Certains sont meurtris et assommés par la situation, et en font une affaire de principe", révèle Olivier Lamirault.
Une action symbolique et référence
Au-delà des trois griefs formulés, le CNPA entend par cette requête envoyer un message à l'ensemble des constructeurs. "Si nous n'agissons pas face à un comportement aussi scandaleux, qui n'est pas une première au sein du groupe General Motors si l'on se souvient du précédent Saab, d'autres constructeurs seront alors tentés de mettre en œuvre une action identique. Cette rupture représente aussi une atteinte inadmissible à l'image de la profession et des vendeurs, qui se retrouvent à la fois victimes de cette décision, et coupables aux yeux des clients qui ont acheté une Chevrolet en fin d'année dernière", développe Olivier Lamirault. En Espagne, Faconauto est également monté au créneau en réclamant un dédommagement de 50 millions d'euros au groupe General Motors en mars. En Europe, l'Allemagne, où les performances d'Opel sont très supérieures à celles de Chevrolet, est à ce jour le seul pays où un accord a été trouvé entre les deux parties.
Ce que demande le CNPA
L'organisme, qui représente les distributeurs dans cette affaire, entend faire condamner Chevrolet à indemniser les distributeurs à hauteur de vingt-deux mois de marge brute globale, calculée sur les deux meilleurs années des trois derniers exercices, et réclame un euro symbolique de dommages et intérêts. "Nous avons des éléments solides et accablants contre Chevrolet France, d'ailleurs la plupart de ces éléments proviennent de la marque elle-même", conclut, confiant, Me Renaud Bertin.
Sur le même sujet
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.