S'abonner
Distribution

Philippe Koenig, Auto-IES : "J'ai la certitude que nous allons rattraper ce retard"

Publié le 10 juin 2020

Par Gredy Raffin
11 min de lecture
La phase de confinement a fait chuter de 20 % le rythme de vente annuel d'Auto-IES, selon le PDG, Philippe Koenig. Les premières tendances, à la suite de la réouverture des vannes, montrent que l’entreprise peut, a minima, renouer avec les scores de 2019.
Le bilan 2019 d'Auto IES fait état d'environ 3 500 immatriculations pour un CA de 60 millions d'euros.

 

JA. Sur le plan managérial, comment avez-vous passé la période du confinement ?

Philippe Koenig. Dès le week-end qui a précédé l'annonce, nous avons mobilisé les informaticiens afin de rendre le télétravail possible. Nous sommes environ 40 dans l'entreprise et tout le monde a pu disposer des outils pour ne plus avoir à se rendre au bureau. Ensuite, nous avons instauré des conférences hebdomadaires de 45 minutes qui avaient pour but d'entretenir le lien avec les salariés, de présenter de manière transparente la situation et calmer les inquiétudes. Nous avons donc passé la période dans de bonnes conditions humaines.

 

JA. Quelle a été l'approche vis-à-vis des clients ?

PK. Fidèles à notre philosophie, nous avons tenu à nous montrer les plus respectueux. L'activité a baissé de 85 à 90 %. Nous aurions donc pu mettre une très large partie de l'équipe en chômage partiel, mais cela n'aurait pas été dans le sens des clients, dont près de 400 attendaient d'être livrés. En gardant les effectifs sur le pont, nous avons pu entretenir un canal de communication. Je pense que la santé financière nous a permis de prendre cette décision, alors que la tentation de profiter des aides était grande.

 

JA. Comment avez-vous géré ce flux de 400 commandes ?

PK. Nous avons continué de prendre des commandes de rares clients capables de s'engager. Le flou autour de la date de livraison, puis la limite des 100 km ont été des freins, car il devient alors plus complexe de se déplacer, voire même de verser un acompte. Il faut savoir qu'Auto IES vend 95 % des ses volumes à des clients finaux qui sont répartis sur l'ensemble du territoire, selon un modèle de commerce à distance. Si les consommateurs ne pouvaient pas venir, notre service de livraison à domicile était lui aussi paralysé, dès lors que notre prestataire, Hiflow avait, à juste titre, décidé de jouer la prudence avec ses partenaires et ses employés. Nous avons donc livré à peine 5 à 10 % des véhicules en attente, car à destination des métiers prioritaires.

 

JA. Influencé par ces reports, quel est le bilan des immatriculations en mai ?

PK. Au 13 mai, nous avions vendu 13 voitures. A la fin du mois, les compteurs indiquaient 225 unités. Nous avons donc vécu une très forte accélération, ce qui répondu à notre attente. En ne travaillant que la moitié du mois, nous parvenons à n'être que 20 % en-dessous des volumes de mai 2019. La tendance est donc excellente.

 

JA. A quel point avez-vous été touché par le confinement du pays ?

PK. Notre bilan 2019 fait état d'environ 3 500 immatriculations. Je pense que l'épisode du confinement nous a coûté 700 ventes, soit un repli de 40 % par rapport la période de référence. A l'échelle de l'exercice en cours, nous estimons donc avoir perdu 20 % de notre volume annuel. J'ai pourtant la certitude que nous allons rattraper ce retard durant les mois à venir et si nous y parvenons, tandis que certains annoncent le marché en recul de 20 à 25 % à fin décembre, alors cette surperformance validera le concept que nous défendons.

 

JA. Quelle était la dynamique avant cette crise ?

PK. Nous augmentions légèrement les volumes jusqu'à fin février. Ce n'était pas très significatif. Pour remettre dans le contexte, Auto IES connait une progression continue depuis 2017, d'environ 20 %. C'était encore notre objectif pour 2020. Nous visons désormais un score étale.

 

JA. Qu'est-ce qui vous donne une telle certitude ?

PK. L'actualité récente, déjà. La tendance est forte et ne faiblit pas. Le travail durant le confinement me laisse aussi penser que les collaborateurs croient fermement en notre capacité de rebond et quand les équipes s'inscrivent dans cette dynamique, alors les choses deviennent possibles. Nous ne rencontrons physiquement que 5 % de nos clients. La dimension humaine relève donc de la plus haute importance.

 

JA. Il est vrai que vous êtes structurellement dans de bonnes dispositions après ces changements culturels…

PK. Comme je l'ai dit, seuls 5 % de nos acheteurs se déplacent pour traiter avec nous. 90 % des commandes sont passées par téléphone et 5 % en automatique. Le modèle de la vente à distance entre de plus en plus dans les mœurs et l'épisode vécu a permis de mettre la robustesse de notre schéma à l'épreuve.

 

JA. Encore faut-il le faire savoir au grand public. Comment s'y prendre pour rayonner davantage ?

PK. Effectivement, nous progressons dans ce registre, sans être comparables à des gros opérateurs tels qu'Aramisauto. Nous donnons la priorité au savoir-être par rapport au savoir-faire. Nous recrutons nos collaborateurs selon cette logique. Certes, nous œuvrons en ligne, mais nous sommes attachés à ces valeurs de terrain. C'est d'autant plus important que l'attrait pour l'achat en ligne croît chaque jour et que dans le même temps, on accorde toujours plus d'importance aux avis et à la réputation. Depuis 2012, nous avons tout mis en œuvre pour sonder 100 % des clients, soit 20 000 personnes, dont 6 000 ont répondu à ce jour. J'ai mis un point d'honneur à ne pas piper les dés en faisant appel à des sociétés extérieures qui nous posteraient de bons commentaires, car nous faisons de ces sondages des systèmes d'alerte de notre qualité de prestation réelle. Une méthode payante car au départ, nous avions une note de 3,5/5 et nous sommes passés à 4,8/ aujourd'hui.

 

JA. Comment capitaliser sur ces avancées ?

PK. Savoir bien faire son travail est une chose. Le faire savoir en est une autre. Nous devons poursuivre notre éternelle quête. Nous sommes leaders en satisfaction client, mais il faut mettre cela plus en avant, au cours des semaines et des mois à venir, pour que les Français nous identifient mieux. Nous n'aurons pas recours à la publicité, car les gens ont une défiance vis-à-vis de la publicité. Nous allons utiliser d'autres canaux.

 

JA. Dans quelle mesure vous sera-t-il possible de tirer profit du plan gouvernemental de soutien à l'achat ?

PK. Nous devrions en profiter dès lors que l'ensemble de notre stock est éligible. Nous allons, dans un premier temps, communiquer et définir notre stratégie, à savoir fera-t-on l'avance dans le prix facturé ou accompagnerons-nous les clients dans la constitution de leur dossier de demande en aval ? Nous trancherons dans quelques jours.

 

JA. Avez-vous une idée de l'effet potentiel ?

PK. Nous n'avons pas encore d'offre électrique conséquente, nous sommes en retard dans ce domaine, mais notre catalogue compte plus d'hybrides et nous l'enrichissons encore. Il est encore trop tôt pour évaluer l'apport dans les ventes, mais nous pensons que 30 à 40 % des ventes pourraient faire l'objet d'une aide gouvernementale. Quoi qu'il en soit, elles sont significatives et encourageront le passage à l'acte.

 

JA. Il y a cependant ce bonus limité en nombre…

PK. Nous sommes là un peu circonspects. Chez Auto IES, 80 à 90 % des ventes environ sont réalisées sur des véhicules en stock et dans ce cas nous maîtrisons le cycle. Mais pour les 10 à 20 % de véhicules sur commande, il y a une inconnue un peu plus dérangeante. Il faudra un système de comptage précis pour ne pas créer de déception une fois la barre des 200 000 atteintes. Le CNPA a pris en main ce sujet et j'ai toute confiance dans leur capacité à trouver une solution. Je veux d'ailleurs souligner au passage la pertinence exceptionnelle dont ils ont fait preuve durant la période de crise. Sans avoir eu de contact direct avec eux, je pense qu'il est important de noter ce qu'ils ont su accomplir pour les professionnels de l'automobile.

 

JA. En quoi la situation de crise influence-t-elle votre chaîne d'approvisionnement ?

PK. Les informations n'étaient pas claires en début de confinement. On sait aujourd'hui que les niveaux de stocks d'invendus sont élevés et qu'il y a des voitures disponibles un peu partout en Europe. Ce qui nous est plutôt favorable et va avoir un effet accélérateur, mais la situation profite également à d'autres réseaux de distribution.

 

JA. Les prix sont-ils plus intéressants qu'à l'accoutumée ?

PK. Il faut se méfier des effets d'annonce. Plusieurs opérateurs ont affirmé qu'il y aurait des promotions exceptionnelles, mais en réalité sur leur site les remises ne sont pas aussi importantes que promis. En ce qui nous concerne, les prix baissent, mais pas de manière aussi significative, depuis la fin du confinement. En revanche, en amont, les surstocks ont entrainé des repositionnements tarifaires à la baisse.

 

JA. Cette situation pourrait-elle participer de l'élargissement de votre catalogue ?

PK. Nous veillons à ce que le catalogue soit le plus large possible, mais la qualité des sources d'approvisionnements doit rester la priorité. Il n'est pas question d'ajouter des références si nous n'avons pas la garantie de pouvoir garder un niveau de service élevé et un rapport qualité-prix pour les clients.

 

JA. Peut-on avoir de la visibilité sur votre calendrier électrique ?

PK. Nous devrions avoir des offres au dernier quadrimestre Le catalogue n'est pas très compliqué à constituer, mais la chaîne logistique est différente de celle des véhicules thermiques. La préparation, la recharge de la batterie, la mise en main sont autant d'éléments qui appellent à une autre approche. A ceci s'ajoute, d'une part, le fait que beaucoup des acheteurs de véhicules électriques sont des primo-accédants qui n'ont aucune expérience et ont donc besoin d'une présentation qui devient difficile à effectuer avec les mesures sanitaires. Et d'autre part, je ne crois pas au phygital, notre modèle de distribution consiste à livrer à domicile ou dans des centres relais. Tous ces nombreux paramètres doivent nourrir les réflexions.

 

JA. Vous disposez d'une quinzaine de centres, cela vous amène-t-il à densifier le maillage pour accentuer la proximité ?

PK. Notre vision, c'est d'être capable de livrer à domicile plus que dans les centres. Nous proposons ce service depuis 2014 sans jamais l'avoir réellement mis en avant. Le nouveau contexte montre que cette prestation est des plus pertinentes, car les clients ne veulent pas se déplacer. Il n'est donc pas question de densifier le maillage, mais d'accroître les services additionnels. La vente physique est une spécialité des réseaux de distribution, nous avons un savoir-faire particulier de vente à distance et je crois en ce schéma.

 

JA. Auto IES nouera-t-il de nouveaux partenariats ?

PK. Nous avons identifié des besoins et stratégiquement, je ne peux en dire plus aujourd'hui. Aller vers le phygital va augmenter le coût et la complexité. Nous n'irons donc pas dans cette voie. Nous sommes au début de l'histoire de la vente à distance, quand bien même nous existons depuis 30 ans. Nous avons la culture de l'échec et de l'agilité, les enseignements ont été multiples et nous souhaitons garder cet esprit. Nous avons vocation à être une société innovante. Il y a encore la possibilité de prendre des initiatives intéressantes, comme celle de PSA Retail qui va élargir ses horaires d'ouverture.

 

JA. Pour appliquer une telle stratégie, il faut embarquer l'ensemble du comité de direction. Quelle nouvelle ère voulez-vous ouvrir ?

PK. Je suis devenu l'actionnaire unique de l'entreprise en rachetant les parts des autres, dont celles de mon frère, le cofondateur d'Auto-IES. Ainsi, nous avons pu envoyer un signal fort aux partenaires financiers. Aujourd'hui nous sommes dans une situation financière extrêmement saine avec des fonds propres solides. Le chiffre d'affaires 2019, rapporté dans le bilan à publier prochainement, s'établit à 60 millions d'euros pour des bénéfices avant impôts de 3 %. Nous sommes dans une configuration où nous pouvons faire appel, d'une manière ou d'une autre, au monde financier pour lever des sommes qui financeraient la croissance. Un sujet qui n'est cependant pas à l'ordre du jour.

 

JA. Voyez-vous un intérêt à reprendre un concurrent pour donner de l'élan à votre croissance ?

PK. La croissance externe n'est pas à exclure. Il y a un potentiel énorme dans notre secteur, Soit en reprenant un concurrent direct soit en reprenant un opérateur que l'on ferait muter. Nous pourrions alors développer des compétences en amont ou en aval. 30 % de nos ventes sont réalisées en renouvellement ou auprès de relations directes de nos clients. Notre modèle ne donc pas être dilué dans des développements forcés. D'autres le font très bien, néanmoins. Internet est un moyen, un outil moderne, mais notre métier reste la vente à distance.

Vous devez activer le javacript et la gestion des cookies pour bénéficier de toutes les fonctionnalités.
Partager :

Sur le même sujet

cross-circle