Marcel Le Lay , agent : Regards sans concession
...Le Lay a démarré son activité professionnelle au début des années 80. Par manque de moyens financiers, il installe son atelier de réparation dans la maison de ses parents à Mareil Marly dans les Yvelines. C'est d'ailleurs à cette époque qu'il se constitue une clientèle fidèle. Quelques années plus tard, le réparateur se retrouve à la tête de deux agences (Ford et Peugeot), toutes deux basées à Croissy, toujours dans les Yvelines. Les ventes VN des deux sites vont bon train (140 au total). Les ventes en occasion vont suivre, sept personnes travaillent à temps complet et le chiffre d'affaires cumulé avoisine les 6 millions de francs. L'agence Ford est dotée d'un hall d'exposition pour les VN, un autre pour les VO et d'un atelier de réparation avec 4 ponts élévateurs, 7 postes de travail… La presse s'empare même de ce personnage optimiste et ambitieux (JA 287). Et puis en 1995, Marcel Le Lay cède ses affaires pour s'exiler sur l'Ile de la Réunion. "Je n'avais pas vu ma vie passer pendant 10 ans, explique-t-il. J'ai eu peur de refaire la même chose pour les 10 années suivantes. J'avais décroché un contrat de responsable après-vente là-bas. Nous sommes partis, avec ma femme et mon fils, vivre l'aventure… et nous sommes revenus 6 mois plus tard. Il y avait une incompatibilité de caractère réelle avec le patron". Car Marcel Le Lay n'est pas très diplomate. "Je préfère dire les choses franchement, sans détours. Lorsque tout va bien, mais aussi quand ça ne va pas. Et là, ça n'allait plus". Le couple sillonne alors la France, reprend la direction d'une agence Audi en Bourgogne pendant 18 mois, puis revient en Ile-de-France en 1998 et loue un local ou il reprend ses activités de réparateur. En 2001, il s'établit dans ses locaux actuels, à Mareil Marly, prend le panneau Ford et capitalise sur les clients acquis depuis les années 80. Aujourd'hui, l'agence qui est rattachée au groupe Priod, réalise un chiffre d'affaires de 472 000 euros, emploie 2 mécaniciens, vend 20 à 25 VN et 60 à 80 VO par an. Il enregistre en moyenne 6 entrées véhicules par jour, l'atelier représente environ 70 % de son CA. Revenir vers Ford a semblé naturel au dirigeant qui estime le rapport qualité/prix des modèles satisfaisant. "Le renouvellement de la gamme attire les clients et séduits les potentiels. Au même titre que le groupe VW ou bien Opel, la qualité des véhicules Ford n'est plus à démontrer. Ce qui n'est toujours pas le cas pour d'autres marques sur le marché", lâche-t-il laconiquement.
Un atelier sans panneau est un atelier sans avenir
Appartenir à un réseau, qui plus est constructeur, est fondamental selon Marcel Le Lay. Pour s'équiper du matériel dernier cri sur le diagnostic et s'assurer des formations multimarques ad hoc, ce dernier vient même de signer un contrat de partenariat avec Bosch Car Service. Le dirigeant vient tout juste de se doter du KTS de l'équipementier. Prochainement, l'atelier affichera le panneau de ce dernier. "Un constructeur est trop sélectif. Ses formations sont axées sur ses véhicules, sans un regard pour ce qui se passe à côté. Ici, nous accueillons et réparons toutes les marques". L'agent achète chez Ford jusqu'à 8 000 euros de pièces chaque mois, 1 500 euros en PR multimarques chez Peugeot, Renault, Volkswagen… et 4 000 euros de pièces chez les grossistes.
Avec une pointe de nostalgie dans la voix, Marcel Le Lay avoue tout de même une démotivation latente. Les révisions s'estompent, les ventes d'huiles diminuent, les effectifs se réduisent. "En 2000, nous avons investi 600 000 euros pour l'achat du terrain et des murs. Nous avons également dépensé 300 000 euros pour les équipements et les travaux d'agrandissement. Mais je considère que tous ces investissements ne sont pas rentables au final, car nous sommes piégés dans une surenchère à l'équipement et à la formation. Résultat, je suis toujours en financement. De plus, je suis parfaitement conscient que seule la valeur immobilière de mon atelier me permettra de gagner de l'argent à la revente, et pas le fond de commerce. Qui sait, ce sera peut-être un supermarché ici dans quelques années". Marcel Le Lay l'avoue : en 10 ans, son salaire a été divisé par deux, et il s'ennuie deux fois plus.
La 5e roue du carrosse
Evoquant l'évolution des véhicules Ford, "qui manquaient cruellement de confort dans les années 80", Marcel Le Lay admet que la marque s'est considérablement améliorée. "La Mondeo en 1993 a marqué des points avec l'ABS, la climatisation de série… Les produits vieillots ont laissé place à des modèles rajeunis. La Focus, même si le design peut-être contesté, a entamé la cure de jouvence de la marque. Le C-Max, le S-Max et le Galaxy supportent très bien les comparaisons avec d'autres modèles concurrents. Et puis, l'évolution de la marque est due aussi à celle de ses dirigeants", ponctue-t-il. Marcel Le Lay estime en effet que les relations entre le constructeur, les concessionnaires et les 480 agents recensés pourraient être nettement améliorées. "Les agents ont le sentiment désagréable d'être la 5e roue du carrosse. Je n'ai pas fait de hautes études comme certains, mais j'analyse rapidement, voire mieux, les problèmes. Et ne pas me laisser m'exprimer me frustre considérablement". Et il le prouve. Lors de la convention des agents en 2004, Marcel Le Lay est parti en pleine session, en claquant la porte. "A quoi cela sert-il d'assister à un rassemblement où il est interdit de poser des questions ? Je n'ai pas de temps à perdre dans des conventions où j'entends dire que tout va bien". La dernière, qui s'est déroulée pendant le Mondial 2006, aura su, cette fois-ci, garder l'attention de l'agent. Le constructeur a mis en place une prime de 150 euros HT, quel que soit le VN vendu, avec un rappel de 100 euros supplémentaire par véhicule si l'objectif est réalisé. Cette prime s'ajoute à la commission concessionnaire déjà existante (prime sur la marge restante), cette dernière pouvant varier de 100 à 800 euros. Et les modèles à venir ont récolté l'adhésion du réseau (Nouvelle Mondeo, Ranger…). D'après Marcel Le Lay, le nouveau directeur en place, Albéric Chopelin, semble avoir compris les attentes des agents. "Il était temps, car auparavant, ce n'était pas le cas". Le réseau secondaire semble avoir de nouveau le moral. Et cela compte. Il vend au total près de 10 000 véhicules neufs par an, soit 1,5 million d'euros de primes versées.
Muriel Blancheton
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