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Distribution

Marc Carlin (MC Automobiles) : "Encore deux mois d'euphorie devant nous"

Publié le 24 juin 2020

Par Gredy Raffin
8 min de lecture
Depuis le début du mois de juin 2020, l'activité bat son plein chez MC Automobiles. Son dirigeant, Marc Carlin, a donc gagné le pari qui consistait à investir durant la crise. Il tient néanmoins à rester prudent, dans ce contexte de marché sous influences diverses. Entretien.
Marc Carlin, fondateur et gérant de MC Automobiles, revendique autour de 4 500 VO en BtoB par an.

 

JA. Comment s'est passée la reprise chez MC Automobiles ?

Marc Carlin. Nous avons repris le 20 avril à mi-temps avec très peu de personnel de manière à pouvoir réorganiser l'entreprise. Une réouverture anticipée car nous avions 150 voitures en parc attendaient d'être livrées depuis l'entrée en confinement. Je tenais à reprendre tôt pour contacter les clients et verrouiller les commandes. Nous avons livré 145 de ces véhicules. Le mois de mai a totalisé 250 véhicules contre une moyenne de 350 à 400 en temps normal. Il n'a donc pas été catastrophique.

 

JA. Qu'en est-il du mois de juin ?

MC. Depuis le début juin, l'activité est au plus fort. Durant la première quinzaine, nous avons battu nos chiffres habituels. Les cadences sont doublées. Les mesures gouvernementales et les messages qui font comprendre aux français qu'ils ne partiront pas en vacances à l'étranger ont créé un effet dynamique.

 

JA. En termes de produits, que recherche le marché ?

MC. Nous vendons beaucoup de petits SUV, notamment des Captur et des 2008 anciens modèles. Ce qui était déjà à la mode avant la crise. Nous vendons aussi des petites voitures, les Renault Clio et Fiat 500 notamment, car les mesures gouvernementales s'adressent aux revenus les plus modestes.

 

JA. A différentes échelles de temps, quels seront selon vous les effets des mesures d'aides gouvernementales ?

MC. Nous n'avons pas trop de visibilité. D'abord parce que nous ne savons pas quand la barre des 200 000 dossiers sera atteinte. Il y aura un effet de boost, tout comme les discours annonçant des stocks considérables et des promotions exceptionnelles ont provoqué une augmentation de la fréquentation. Ce qui s'est avéré faux. En tant que partenaire des constructeurs, je peux vous affirmer que nous n'avons pas été sollicités pour aider à écouler des surstocks en sortie d'usine. Je pense que nous avons encore deux mois d'euphorie devant nous avant de voir le soufflé retomber, au mois de septembre.

 

JA. Quel est votre niveau et la composition du stock, quelles sont désormais vos priorités ?

MC. Nous avons un gros stock car nous avons continué d'acheter durant le confinement. Nous avons parié sur la reprise et sur la capacité à répondre très rapidement à la demande. Nous sommes passé de 500 à 750 véhicules en parc. La situation nous donne raison aujourd'hui et avec le recul, il est possible de dire que nous aurions pu acheter davantage. D'ailleurs, nous continuons de rechercher ce qui est disponible sur le marché, car nous pensons vendre jusqu'à 800 véhicules ce mois-ci.

 

JA. MC Automobiles représente un potentiel de 4 500 véhicules à l'année, comment ajustez-vous l'objectif 2020 au sortir de cette crise ?

MC. La source d'approvisionnement et la diversité sont des gages de maintien, même en situation difficile. La dynamique actuelle nous tire vers le haut et je pense que nous allons faire, malgré tout, une bonne année parce que les Français vont avoir besoin de leur voiture pour se déplacer. Il y aura probablement plus de véhicules hybrides et électriques, soit des marchés qui nous échappent encore un peu, faute de modèles chez les constructeurs français. Je pense qu'il nous manquera 1,5 mois en volume, à la clôture de l'exercice qui aura lieu en septembre.

 

JA. De l'avis de certains analystes, les sources vont se tarir. Quel est votre avis ?

MC. Les usines vont retrouver leur pleine cadence, en septembre. Alors les constructeurs iront chercher les loueurs, dont ils sont dépendants pour faire tourner les outils de production. Ils vont renouveler leur parc, c'est une certitude. Il y aura donc retour de buy-back dans les mois qui suivront.

 

JA. Les chiffres sont alarmants sur les risques de faillites. Craignez-vous déjà des défaillances parmi votre clientèle ?

MC. Il y aura forcément des dépôts de bilan, majoritairement dans des entreprises qui étaient fragiles avant la crise et qui n'ont pas pu bénéficier de l'aide des banques. Ses affaires ne représentaient pas des clients très importants, car nous évitons ce genre de risques, justement. Nous avons des clients en bonne santé et le très faible taux d'annulation des commandes au sortir du confinement en atteste. Je ne vois pas le dossier aussi noir qu'on peut le présenter parfois. Même si le marché baisse de 10 %, il y aura encore des millions de véhicules à vendre. Nous sommes en avance sur les outils digitaux et le succès est à la clé.

 

JA. Le digital, précisément. Il constitue votre actualité forte du moment avec une nouvelle interface. Pouvez-vous nous la présenter ?

MC. Effectivement, nous avons observé une croissance des échanges dématérialisés. Tout ce qui peut être fait par internet, nous l'avons mis en place. Nous avions préparé ce mode vitrine avant le confinement, nous le gardions au chaud pour le tester un maximum et sortir quelque chose qui tenait la route. Nous l'avons lancé au moment de la réouverture, et aujourd'hui, les statistiques nous prouvent que nous sommes dans le bon tempo. Nos clients y accèdent gratuitement, ils le paramètrent comme ils le souhaitent. Ce n'est pas pour ainsi dire de la marque blanche, mais une possibilité de mettre leur logo sur une page qui présente notre stock. On peut donc parler d'un prêt, en réalité.   

 

JA. Comment doivent-ils procéder ?

MC. En se rendant sur notre site, ils se connectent à leur compte et accèdent à la page. Il leur suffit ensuite de calibrer les couleurs, d'organiser l'interface, de renseigner leurs coordonnées et d'indiquer leur marge commerciale. Ils disposent ensuite d'une application qui leur expose 400 à 500 véhicules pour les présenter au client final, venu dans le point de vente. Comme nous connaissons les frais de remise en état et l'adresse du commerçant pour la livraison, nous calculons automatiquement les coûts additionnels.

 

JA. Quelle est la genèse de ce projet ?

MC. Il y a très longtemps, des clients nous ont demandé conseil pour créer leur site. Nous avions donc imaginé un premier système de web service, sous forme d'export de liste vers leurs sites, en temps réel. Une approche que nous réservons à nos plus gros clients. Mais tout le monde ne peut pas profiter de ce service, donc nous avons voulu proposer une version "light" qui sera accessible à tous les clients dont le compte professionnel aura été certifié en amont. Ils pourront s'appuyer sur nous pour lancer leur activité.

 

JA. Quel sera le bénéfice ?

MC. Nous apportons ainsi plus de volumétrie à des clients qui ne nous auraient pas forcément acheté les véhicules pour les exposer chez eux. Ils gagnent en diversité et en profondeur de gamme. Ils n'achèteront les produits que s'ils ont un acquéreur en bout de chaîne, ce qui soulage les trésoreries.

 

JA. Quels sont les indicateurs clé de performance à suivre ?

MC. Nous allons suivre les statistiques d'utilisation sur Google Analytics et compter les ventes. Il faudra regarder si l'outil permet de faire plus de volume. Nous observons déjà que des clients utilisent de plus en plus notre outil pour éditer des propositions commerciales. Les chiffres ont doublé.  

 

JA. Quels autres types de services sont attendus par les clients ?

MC. Ils sont peu bavards sur ces sujets et nous nous devons de détecter les problématiques pour apporter des solutions. Nous avons des services de transport et de préparation. Nous avons signé avec le Gaap pour les accompagner, il y a un peu plus d'un an, mais il ne faut pas aller trop loin, en exposant son stock chez tout le monde. Le risque étant de voir la même voiture à plusieurs endroits de France à des prix différents, ce qui est perturbant pour le client final.

 

JA. Le printemps a pourtant fait fleurir des places de marché sur lesquelles leurs éditeurs espèrent attirer des fournisseurs tels que vous. Quel regard portez-vous sur ces projets ?

MC. Cela fait dix ans que nous sommes contactés et nous refusons les propositions. Nous ne voulons pas être noyés dans la masse, quand nous nous évertuons à apporter des services différenciant à nos clients. Je ne suis pas friand de ces plateformes qui distribuent tout et n'importe quoi. Nous ne vendons que des véhicules qui sont passés chez nous, c'est-à-dire qui ont été expertisés, ont été photographiés et sont stockés sur notre parc. Je sais bien que c'est la mode, mais j'y vois une banalisation de notre métier.

 

JA. D'où cette campagne de recrutement de commerciaux ?

MC. On ne peut pas tout digitaliser. Nous ne vendons pas des chaussures, nous vendons des voitures. Il faut appeler le client, argumenter et le rassurer. Certes, nous investissons dans les outils en ligne, mais notre site internet a une fonction marketing, des commerciaux prennent ensuite systématiquement le relais pour avoir un contact humain. Sinon, nous ne proposons qu'un prix et non plus un service global. Or, il n'est pas dans notre idée de tirer le marché vers le bas, mais bien de vendre des véhicules au juste prix avec un accompagnement. Nous ne devons pas oublier que nous sommes des grossistes et la négociation tient toute son importance. Nous comptons 900 clients en France et il faut continuer de croire au commerce de proximité.

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