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Distribution

Les villages automobiles deviendront-ils la distribution de demain ?

Publié le 26 février 2013

Par Tanguy Merrien
6 min de lecture
Il fut un temps, certains s’y étaient essayés. En vain. Mais sans doute aussi trop tôt. Aujourd’hui, nombreux sont en France les distributeurs à retenter l’expérience de concentrer sur un seul et même site toutes les activités automobiles de leur zone de chalandise. A l’image de Didier Chabrier à Carcassonne, dernier exemple en date.
Pour l’heure, les 13 marques du groupe Chabrier sont alignées sur plus de 300 mètres de façade. En en attendant d’autres…

Quelque chose est peut-être en train de changer dans le paysage de la distribution automobile. Depuis quelques années, experts, observateurs, voire certains professionnels, nous prédisent des changements dans les structures, dans les forces en présence, dans la façon même d’exercer le métier de distributeur. Il faut bien reconnaître que nous n’avons peu ou prou rien observé de révolutionnaire et si mutations il y a, celles-ci s’opèrent de manière très subreptice.

Toutefois, ces modifications, aussi discrètes soient-elles, ont bel et bien lieu et demeurent l’œuvre des distributeurs eux-mêmes. En effet, confrontés à la chute du marché du véhicule neuf (- 13,9 % en 2012 et un marché 2013 annoncé incertain), mais également à des soucis de rentabilité qui fragilisent leurs affaires, les concessionnaires d’aujourd’hui, qui n’ont pas la chance d’appartenir à un grand groupe financier ou à un puissant groupe de distribution, sont de plus en plus tentés par la mutualisation des forces en présence, prônant la sacro-sainte “union fait la force”. En somme, réunir sur un seul site toutes les marques disponibles dans un territoire donné. En l’espace de quelques mois, des initiatives villages, pôles ou cités de l’automobile se sont multipliées en France, à l’image des groupes Rolland à Givors (69), Lempereur à Arras (62), Aratto à Tarbes (65), Rouyer à Mouilleron-le-Captif (85) et tout récemment Didier Chabrier à Carcassonne (11). Si ces concepts diffèrent, l’idée reste la même : réaliser des économies d’échelle, attirer le chaland et replacer l’automobile au cœur du système. Récentes, ces initiatives auront le temps de prouver leur bon sens, mais d’autres s’étaient laissé tenter il y a quelques années.

Des constructeurs plus conciliants

En effet, on se souvient de Francis Mauriès (JA n° 895) qui, en 2004, avait initié à Albi (81) un premier site multimarque en regroupant sur un seul pôle de 10 000 m2 six marques (groupe Fiat, Seat, Hyundai et Toyota). Parallèlement, le groupe Heyberger, à Nice (06), avait tenté l’expérience avec Car 3000 mais, confronté à des soucis de rentabilité, le distributeur avait dû se retirer. Si ces projets ont fait long feu, l’idée n’en est pas moins restée vive. Peut-être était-il trop tôt ? Les constructeurs pas encore prêts à consentir une telle approche ? Les rapports entre distributeurs et marques ont-ils évolué ? C’est ce que laisse entendre Jean-Paul Lempereur, lui qui a rencontré le succès à Arras (62) où il réunit sous un même toit les marques Nissan, Fiat, Alfa Romeo, Opel et Chevrolet : “C’est une véritable prouesse que de concilier les exigences de toutes ces marques pour les faire cohabiter. Je crois à cette formule, car contrairement à ce que disent les marques, le client aime le multimarquisme”, nous confiait le distributeur en mars dernier (JA n° 1155). Lors de l’inauguration de la Cité de l’Automobile de Carcassonne, avec le projet le plus abouti et 13 marques réunies sur un seul et même pôle (JA n° 1173), Didier Chabrier expliquait : “Vous savez, les constructeurs trouvent de la souplesse dans les difficultés.” C’est également ce que pense Jacques Rolland (Ford), qui a créé avec les groupes Ducret (Citroën), Levôtre (Renault/Dacia) et Suma (Peugeot) le Village Automobile de Givors, qui réunit 63 % du marché automobile local et où toutes les concessions arborent la même architecture, parfois loin des standards imposés par les marques : “Il n’y avait qu’un seul architecte pour le projet et il était imposé. Les constructeurs ont laissé faire, obligés en cela par la loi d’occupation des sols”, explique-t-il.

Que des avantages

Par les temps qui courent, les constructeurs sont bien obligés aussi de reconnaître le bien-fondé de chacun des projets, lesquels promettent beaucoup. D’abord pour les affaires, même du distributeur. Didier Chabrier estime que la Cité de l’Automobile devrait lui permettre de faire évoluer “son chiffre d’affaires de + 12 % à Carcassonne”. De son côté, Jacques Rolland reconnaît que le Village Automobile de Givors a, en 2012, “amorti la chute du marché, divisant par deux la baisse des ventes par rapport à la moyenne nationale”. Quant à Arras, le pôle a contribué à faire entrer le groupe Lempereur dans le clan des distributeurs de plus de 5 000 VN.

Pour les constructeurs également. En effet, si la plupart des marques préféreraient compter dans l’absolu sur des sites exclusifs, l’entreprise devient quasiment impossible pour des “petites marques” et disposer d’un pôle automobile est aussi gage de plus de visibilité. Ce qui fut d’ailleurs la logique de Didier Chabrier, afin de préserver les panneaux sur le territoire de Carcassonne (lire son interview ci-contre) tout en créant un espace pour trois marques supplémentaires (Seat, Volvo et Chevrolet). Un fait que ne nie pas François-Xavier Tézé, directeur de la marque Mitsubishi, représentée aussi à Carcassonne : “Le concept est intéressant car il présente un modèle intégré de distribution multimarque avec dès l’origine l’idée d’avoir cette offre multimarque. Ce concept n’est donc pas le fruit de difficultés potentielles, mais d’une anticipation dès l’origine des cycles produits de chaque marque. C’est également l’occasion pour les clients potentiels de mieux connaître le produit et de mettre en avant les qualités intrinsèques de celui-ci.”

En outre, chaque projet suscite aussi l’envie. A Carcassonne, d’autres distributeurs (groupes Maurin et Garcia) devraient bientôt profiter du site, tout comme à Givors où deux nouvelles marques sont annoncées. Enfin, à Tarbes, où pour l’heure seul le groupe Aratto a installé les marques Renault, Nissan et Dacia, on parle de l’arrivée des panneaux Ford, Kia, Chevrolet, voire même Volkswagen.

D’autres secteurs

Enfin, si de tels pôles sont avant tout créés pour drainer un maximum de clients, lesquels auront l’embarras du choix devant une telle offre, ils permettent également de revitaliser d’autres secteurs d’activités. Souvent, la superficie disponible autorise aussi les distributeurs à trouver de la place pour d’autres métiers, comme c’est encore le cas à Carcassonne où Didier Chabrier va non seulement mutualiser l’activité VO, mais également créer une enseigne VO low cost pour des véhicules à moins de 7 000 euros. Le distributeur envisage aussi la création d’un SAV mutualisé low cost. Idem à Givors où le site accueille non seulement un centre VO mutualisé, mais aussi un centre de contrôle technique et de courtage en assurance.

Reste à savoir si ces concepts sont adaptables partout en France ? “Ce type de pôle automobile semble évident là où le marché local se situe entre 4 000 et 5 000 VN pour des villes de 50 000 habitants”, estime pour sa part Didier Chabrier, qui renonce à renouveler l’expérience à Perpignan. Mais, pour d’autres, cela semble une évidence. L’avenir de la distribution automobile et de ses acteurs en découle probablement.
 

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