Le VO, une valeur de plus en plus sûre
Le marché de l’occasion aurait pu marquer les esprits en concluant l’exercice 2012 sur un bilan positif, mais le mois de décembre est venu rappeler qu’il était rarement favorable au commerce automobile. A l’équilibre parfait au cumul des onze premiers mois, avec un total de 4 985 997 VO immatriculés, le marché a en effet subi un net recul de 14,9 % en décembre, qui comptait de surcroît deux jours ouvrables de moins qu’en 2011. Au final, 5,371 millions d’immatriculations ont été comptabilisées en France en 2012, soit un léger repli de 1,3 %. Le bilan statistique reste grandement satisfaisant. Alors que le marché des véhicules neufs fait le yo-yo, celui des produits de seconde main se distingue par sa stabilité, puisque 5,386 et 5,440 millions d’unités avaient été respectivement immatriculées en 2010 et 2011. Pour la troisième année consécutive, la barre des 5,3 millions d’unités a donc été franchie. En 2012, il s’est immatriculé un total de 2,8 VO pour 1 VN. Jamais le pays n’avait connu un tel écart entre le marché de la seconde main et celui du neuf. En 2007, où le marché avait établi son record avec un volume de 5 570 764 immatriculations, le rapport était de 2,7 VO pour 1 VN.
VO de moins d’un an : un terrain inhospitalier
Comme prévu, le segment des produits récents, qui compose encore le gros des parcs des distributeurs, a fortement souffert des opérations commerciales et des remises agressives proposées tout au long de l’année sur les voitures neuves. Avec 426 700 immatriculations, le marché des VO de moins d’un an a dévissé de 7,4 % par rapport à 2011. Les marques françaises et les constructeurs généralistes ont été les plus touchés par cette bataille. Juste avant le Mondial de l’Automobile, Ford avait ainsi marqué les esprits en lançant une opération de promotion défiant toute concurrence : une remise de 5 000 euros sur la Fiesta, toutes versions confondues à l’exception de l’entrée de gamme. Avec un prix moyen abaissé de 25 à 33 % selon la version choisie, le prix du véhicule neuf était donc égal ou inférieur à une Fiesta de moins d’un an. Le lancement de la nouvelle Clio, en septembre, n’a pas été sans effet non plus sur le mix de ventes des distributeurs de la marque au losange l’an passé. “Ponctuellement, en fonction des périodes, des opérations commerciales ou des catégories de véhicules, il nous était impossible de rivaliser en VO sur certains produits ou certaines séries limitées en neuf, comme ce fut le cas par exemple avec la Clio Alizé à 8 990 euros”, illustre Franck Taormina, vendeur VO chez Renault Galtier Libération, à Grenoble (groupe Manuel). La Clio, dont les immatriculations ont reculé de 4,3 % en 2012 dans l’Hexagone, a d’ailleurs perdu son statut de modèle le plus commercialisé sur le marché de l’occasion, aux dépens de la Mégane (voir tableau Top 10). Une situation qui, associée à la maîtrise permanente des valeurs résiduelles, conforte la stratégie de beaucoup de constructeurs de limiter les ventes aux loueurs courte durée. “Les ventes du réseau se sont déplacées sur la tranche des produits de trois à cinq ans. Mécaniquement, ce repositionnement a provoqué une baisse des marges, que l’on peut également imputer au maintien en stock de certains produits qui se sont alors retrouvés en décalage avec les prix du marché. Aujourd’hui, nous sommes contraints d’être rentables sur le VO. Entre 400 et 500 euros de MBA par VO, nous sommes relativement à l’aise, 300 euros de MBA est le seuil minimum”, juge Serge Piétri, qui a succédé, début janvier, à Christophe Chevreton au poste de directeur VO de Renault.
Des MBA en baisse dans les réseaux en 2012
Fatalement, cette baisse du segment des produits récents a pesé sur les marges brutes d’autofinancement (MBA) des réseaux de distribution qui, dans l’ensemble, ont baissé par rapport à 2011. “L’année 2012 a été clairement mauvaise pour les concessionnaires en termes de marges, et pas seulement à cause de la chute du VN. En dessous de 300 euros de marge brute d’autofinancement par véhicule, le VO n’est pas un centre de profit, rappelle Bérislav Kovacevic, consultant et dirigeant de SolutionVO. Or, les réseaux Peugeot et Renault ont terminé l’année 2012 à environ 100 euros de MBA par véhicule, contre 200 euros en 2011. Les marques Premium ne font guère mieux puisque le réseau Volkswagen termine à environ 80 euros, Audi à environ 200 euros et BMW à l’équilibre. La seule exception à la règle est le réseau Citroën, qui a atteint une moyenne de 300 euros environ de MBA par VO l’an passé. La marque a su proposer des tarifs mieux positionnés par rapport aux offres VN, certainement la conséquence du développement de la gamme DS sur laquelle les remises sont très faibles.” Sur un marché 2013 des voitures neuves que d’aucuns prévoient encore à la baisse, cette confrontation entre le VN et le VO récent devrait perdurer dans les prochains mois. “80 % des VO qui composent le stock des distributeurs affichent moins de trois ans. Or, le vrai marché de l’occasion s’étend de 3 à 8 ans. Le mix et le positionnement des stocks ne sont pas en phase avec la demande, surtout dans un contexte de marché VN très concurrentiel. Il existe également des lacunes persistantes sur l’estimation des prix de vente et des prix d’achat par rapport au marché”, observe Bérislav Kovacevic.
Les VO intermédiaires et âgés plébiscités
La tranche des produits de 1 à 4 ans a également enregistré un recul de 1,7 % en 2012, mais si l’on isole le segment des VO de 1 à 2 ans, celui-ci a progressé de 13,8 %. Enfin, le marché des produits de plus de 5 ans, qui a pesé un volume de 3,440 millions de véhicules, est resté stable (- 0,4 %) par rapport à 2011. “Les professionnels qui se positionnent aujourd’hui sur du VO intermédiaire et qui s’inscrivent dans une logique de rotation de stock fonctionnent relativement bien. D’ailleurs, nous voyons arriver depuis quelque temps des chefs de vente VO de groupes ou des concessionnaires qui cherchent à s’approvisionner sur ce type de produits, conséquence de la baisse des marges sur le VN et le VO récents”, observe Cyrille Moreau, directeur véhicules d’occasion de LeasePlan France. Plus encore, la profitabilité VO des réseaux de distribution semble jouer de plus en plus sur le segment des produits de plus de 5 ans, où le potentiel est immense et les sources de profits avérées, si l’on en croit le discours de certains responsables de marque. Les constructeurs s’activent doucement sur ce sujet, soit en développant une nouvelle offre spécifique, soit en élargissant la couverture du label existant. Un an après Toyota, qui avait décidé d’étendre la couverture de son label, Peugeot, qui a développé en juin dernier son outil Reprise Cash, vient d’étendre en ce début d’année son offre Primo aux VO affichant jusqu’à 10 ans et 160 000 km. Citroën planche actuellement sur un projet similaire qui devrait éclore en juillet prochain.
Quand le VO vient en aide au VN
L’autre grand enseignement de 2012, qui confirme cette “contre-offensive” des constructeurs, apparaît à travers des taux de rotation VO sur ventes VN en nette progression au sein des points de vente. “Les taux de reprise au sein des réseaux ont vraiment augmenté (5 à 20 % en moyenne), remontant ainsi aux alentours de 50 % quand ils affichaient encore 35 % il n’y a pas si longtemps. Les professionnels ont fait des efforts afin de faciliter l’activité VN qui était en difficulté, et ont su afficher des prix compétitifs par rapport au marché des particuliers. Nous observons d’ailleurs que ces derniers ont de plus en plus de mal à revendre eux-mêmes leurs VO sans garantie ni préparation”, analyse Bérislav Kovacevic. Si l’on peut y déceler chez certains distributeurs le fruit d’une professionnalisation en marche et d’une volonté affirmée de compléter le stock de produits plus âgés et multimarques, beaucoup d’autres opérateurs ont dû consentir des efforts, parfois même des sacrifices, pour reprendre des voitures par forcement désirées, afin de faciliter la vente de voitures neuves. L’an passé, l’activité occasion s’est souvent d’abord révélée être un soutien à l’activité VN avant d’être un vrai centre de profit à part entière.
2013 : année du VO ?
Même si la stabilité du marché de l’occasion et son intérêt se confirment chaque année un peu plus, les distributeurs ne “lâcheront” pas leur activité VN au bénéfice de l’occasion. C’est toute la difficulté et aussi l’enjeu de ces prochains mois : savoir jongler entre deux courbes qui s’opposent sans privilégier une activité sur l’autre. “Tout le monde dit que 2013 sera l’année du VO. Peut-être, mais à la seule condition d’y mettre les moyens. Si le VO continue d’être considéré comme une compensation aux baisses des activités VN et après-vente, les résultats ne suivront pas. Pour gagner de l’argent en VO, il faut être bon sur tous les items. Pour l’instant, je suis plutôt inquiet car les stocks VO sont assez gonflés dans beaucoup de points de vente et ils sont vieux en termes d’ancienneté sur le parc”, insiste cependant Bérislav Kovacevic. Et de préconiser : “Il faut que les distributeurs cessent la stratégie du coup par coup (notamment pour respecter les objectifs périodiques) et se lancent dans une politique d’achats régulière, diversifiée, en rachetant, par exemple, plus de VO anciens ou en allant chercher des produits chez les loueurs longue durée… Mais de bons achats ne garantissent pas de bonnes ventes si, derrière, les vendeurs doivent attendre plus de quinze jours que les véhicules soient préparés, ou si ceux-ci ne sont pas bien mis en valeur sur le parc ou encore plus souvent sur le site Internet, ne générant pas de leads.”
A l’affût, les professionnels n’en restent pas moins toujours vigilants, méfiants, quant aux aléas d’un marché qui, s’il reste stable dans la durée, peut se montrer très volatil d’un mois sur l’autre, suspendu qu’il est aux politiques des constructeurs et des loueurs. “Même si le VO a globalement tenu le choc l’an passé, il reste étroitement lié à l’activité VN, notamment au niveau des reprises. Si celle-ci ne repart pas, l’activité occasion risque de coincer à son tour à un moment ou un autre”, soulève Franck Taormina. “Les professionnels sont notamment plus attentifs à la rotation des stocks ou au pricing”, témoigne Cyrille Moreau. Deux notions plus que jamais cruciales qui impliquent une forte réactivité, une bonne communication entre les équipes de vente ainsi qu’une bonne maîtrise des outils. “Dans un contexte très frileux, nous nous rendons compte qu’il est fondamental de mener des politiques commerciales et tarifaires adaptées, en étant particulièrement vigilants sur les achats, les frais et la rotation. Nous travaillons à flux tendu avec un stock qui doit répondre aux attentes des clients”, décrit Franck Taormina. “Les fondamentaux liés au VO n’ont pas changé : il faut des délais rapides de préparation et des prix bien positionnés”, confirme Franck Viallet, directeur général du groupe Kroely.
Le nouveau malus va-t-il affecter le VO ?
Le marché automobile doit composer depuis le 1er janvier avec les nouvelles tranches de malus écologique qui s’appliquent aux véhicules neufs, mais également aux voitures d’occasion importées, immatriculées à compter du 1er janvier 2008. Quand on connaît le poids de l’importation sur le marché français, nul doute que ce nouveau barème pourrait peser sur le mix de ventes des professionnels du VO, leur stratégie d’approvisionnement et leur politique tarifaire. “Nous devrons en tenir compte et ajuster nos exigences de prix par rapport à cette problématique”, affirme David Rairolle, directeur des activités VPN. Les marges pourraient alors s’en trouver encore affaiblies, surtout pour les marchands qui doivent rester au prix du marché, voire en dessous. Pour les constructeurs, la menace semble moindre : “Il ne s’agit pas d’un sujet sur lequel nous avons mené des actions particulières. D’une part, notre gamme est vertueuse sur le plan environnemental, d’autre part, nous ne sommes pas soumis à de gros volumes de buy-backs sur ce type de véhicules, qui pourraient nous mettre en situation difficile en occasion. Le seul impact envisageable pourrait concerner la gamme des combis”, relativise Arnaud Duchemin, directeur de Citroën Business. Comme en 2012, les VO importés continuent de bénéficier d’un dégressif de 10 % par année écoulée depuis la première date d’immatriculation à l’étranger.
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