Le lobby des concessionnaires…
L’ancien Règlement européen d’exemption par catégorie spécifique au secteur automobile (n° 1400/2002), abrogé depuis le 1er juin 2013, prévoyait une série de dispositions protectionnistes du distributeur, lui conférant ainsi un véritable statut et des droits non négligeables tant en cours qu’en fin de contrat. Toutefois, dans le contexte de la réforme du droit européen de la distribution automobile, la Commission européenne a estimé que certaines règles de ce Règlement ne visaient pas à encourager la concurrence et devaient dès lors relever du droit des obligations de chaque Etat membre. Force est de constater que, face à la pression des concessionnaires, la tendance des Etats membres est à la réinstauration d’un tel régime de protection en droit interne.
L’exemple du Luxembourg
Cette volonté de retour à un véritable statut du distributeur est flagrante au Luxembourg. En effet, sous l’impulsion des fédérations du secteur automobile luxembourgeois, le législateur a adopté le 24 juillet dernier une loi d’ordre public relative aux règles spécifiques s’appliquant aux accords de distribution, laquelle reprend fidèlement les dispositions de l’ancien Règlement européen d’exemption n° 1400/2002.
La liberté de cession
L’article 3 de la loi luxembourgeoise prévoit que le distributeur puisse céder les droits et obligations découlant de l’accord avec un autre distributeur. Même si cette disposition reste peu claire sur la qualité du distributeur auquel peut être cédé le contrat, l’article 1er définit celui-ci comme étant “l’entreprise qui, au sein d’un système de distribution d’automobiles créé par un fournisseur, vend des biens ou services pour le compte de celui-ci”. Le concessionnaire doit dès lors faire partie du même réseau constructeur que celui qui entend lui céder les droits et obligations nés du contrat et toute cession à un distributeur indépendant demeure donc interdite.
La durée minimale de 5 ans
La loi luxembourgeoise fixe désormais à cinq ans la durée minimale pour laquelle l’accord vertical doit être conclu. Cette disposition pourrait néanmoins poser problème dans la mesure où le Règlement d’exemption à présent en vigueur (n° 330/2010) permet à un fournisseur d’inscrire dans son contrat de distribution un certain nombre d’obligations de non-concurrence, pour autant que leur durée ne soit pas indéterminée ou n’excède pas cinq ans.
Afin de se conformer avec la loi luxembourgeoise, les contrats de distribution européens devraient donc être conclus pour une durée de cinq ans.
La résiliation avec un préavis de 2 ans
Le Règlement 1400/2002 prévoyait que la notification de la résiliation soit faite par écrit en spécifiant les raisons objectives et transparentes de la décision de rupture, et que le délai de préavis soit de deux ans minimum, ce délai pouvant être ramené à un an en cas de réorganisation du réseau ou de versement d’une indemnité appropriée au distributeur.
Ce régime a fait l’objet de l’instauration d’un corpus équivalent en droit interne dans certains Etats membres, comme en France, via l’article 442-6, I, 5° du Code de commerce qui sanctionne la rupture brutale, sans préavis écrit suffisant, d’une relation commerciale établie.
Le rachat des stocks et le remboursement des investissements
Enfin, la loi prévoit qu’en cas de résiliation du contrat, le fournisseur ait l’obligation de racheter au distributeur le stock de marchandises que ce dernier était obligé d’acquérir dans le cadre de l’accord, ainsi que de rembourser, à certaines conditions, les investissements réalisés et qui n’ont pas encore été amortis ou qui ne sont pas réutilisables.
Mais l’exercice ne risque-t-il pas d’atteindre ses limites dans la mesure où il se heurterait à des incompatibilités avec la réglementation européenne et contreviendrait par ailleurs à la sacro-sainte liberté de l’autonomie contractuelle, au nom de laquelle du reste, et parmi d’autres raisons, cette réglementation a précisément été abandonnée avec l’extinction du Règlement 1400/2002 ?
Par Stéphane Willemart et Elisabeth Fontaine, avocats du cabinet Koan.